La Tunisie a fêté le 27 du mois dernier, la journée nationale des archives et pour l'occasion, chaque institution s'en est donné à cœur joie en banderoles, slogans et tutti quanti … ceci n'empêche, qu'attirer l'attention sur l'importance de l'archive est aujourd'hui un point cardinal pour une société en perpétuelle mutation… Pour les individus comme pour les communautés, la mémoire est un antidote à la perte du nord parce qu'elle met les pendules à l'heure… Et les richesses de la SATPEC ? Si au niveau de l'écrit, nous possédons des archives nec plus ultra, nous souffrons d'un manque patent au niveau iconographique et d'une défaillance effroyable au niveau audiovisuel…Et ce n'est pas sans raison que la commission consultative qui planche actuellement sur le développement du Paysage Audiovisuel Tunisien (PAT) tel que cité dans le programme électoral du Président de la République, n'a pas omis de signaler la nécessité de regrouper les archives audiovisuelles dans une seule institution. Pourquoi ? Parce que tout bonnement les Archives nationales en sont démunies et c'est ce qu'elles expliquent en toute candeur sur leur site : « Les documents audio-visuels sont re-lativement récents, ils ne sont pas conservés aux Archives nationales mais au service qui les produit et notamment de la Radio tunisienne et la Télévision tunisienne » Quant à la Bibliothèque nationale, elle ne possède que des photos et le Ministère de la Culture lui aurait promis des copies DVD de tous les films tunisiens destinées à la consultation sur place. Rien de plus, rien de moins. Que reste-t-il alors ? Les archives cinéma de l'ancienne SATPEC, logées dans les laboratoires de Gammarth (banlieue nord) reprennent vie grâce à l'action menée depuis huit mois par M. Slah Dhaoui, chargé de mission pour le Ministère de la culture. Il n'a pas manqué de trouver quelques pépites dont « Vacances Tunisiennes » de Jacques Baratier qui a été présenté au Festival de cannes en 1957, une année avant « Goha ». Ces archives comportent les précieuses actualités tunisiennes qui ont consigné en 5000 numéros les faits et gestes nationaux qui ont marqué notre pays de 1956 à 1972. Imaginons la masse d'informations qu'elles charrient. Ceci sans oublier les films documentaires et fictions, les courts et les longs métrages ainsi que les films étrangers que le Ministère consigne dans sa filmothèque… Ça sent le vinaigre ! Si pour les archives radio, une certaine numérisation a été opérée et qu'en plus l'INA lui a cédé plus de cent documents sonores, il n'en est pas de même pour la télé… Il y a quelques temps, le producteur-journaliste et téléaste Maher Ab-derrahman s'est acquitté d'une tache herculéenne en réalisant un documentaire sur l'ancien Président Bourguiba pour la chaîne el-Arabiya. La majorité des documents les plus signifiants sur l'histoire de notre pays, le réalisateur ne les a pas trouvés dans les archives nationales mais bel et bien auprès de quelques particuliers… Si actuellement, un brin de conscience pointe quant à la nécessité de sauver du naufrage ce qui reste des archives audiovisuelles, il faut rappeler que le malade est sur le point de rendre l'âme. Selon un expert venu les ausculter à Mégrine, où elles étaient entassées, un tiers de ces archives est définitivement endommagé. Il existe plus de neuf supports sur lesquels nos archives audiovisuelles sont inscrites allant de l'inversible jusqu'à la DVC-Pro en passant par les quadruplex etc... Jusqu'à aujourd'hui, beaucoup a été prévu, de l'argent a été dépensé et jusqu'à cette heure et d'après les dires de ceux qui les manipulent, rien ou presque n'a été numérisé… Qui à la télé ne s'est-il pas cogné un jour contre une cassette jetée dans un coin, des coffrets entassés dans le couloir et surtout… qui pourrait oublier ces tiroirs à petites fiches collées, recollées, agrafées, scotchées portant les identités des programmes remisés dans la bandothèque… Qui pourrait oublier ces grands cahiers où sont consignées différentes matières… Si à Dieu ne plaise, quelque malheur frappait certains agents de la bandothèque, on ne saurait jamais où se trouverait tel ou tel document… Au temps de l'informatisation, on en est encore aux fiches d'antan de la légendaire BN d'al-Attarine. Quand un responsable de la bandothèque de la télé ose dévoiler les dégâts du virus du vinaigre à des parlementaires – qui sont des représentants de la nation - venus s'enquérir de l'état des archives et que le Directeur des chaînes lui passe une savonnette pour avoir donné une image « négative » de son administration, il y a de quoi se poser des questions sur l'importance que nous accordons aux sédimentations culturelles de l'histoire… Arrêtons ici ce cauchemar, au-delà, c'est un crime contre la mémoire nationale. C'est pour cela que la commission « Stratégie culturelle du PAT » au sein du Ministère de la Communication appelle de ses vœux un Insti-tut National Tunisien des Archives Audiovisuelles (INTAA) qui regrouperait les archives (cinéma et télévision), se chargerait de leur res-tauration et leur exploitation quitte à instituer un canal TNT : Tunisie d'Antan (Tunis Zaman). En ces temps de nostalgie et d'identité apos-trophée, une telle chaîne de télévision est une vraie boussole.