Les sites de rencontres sur Internet sont-ils compatibles avec nos traditions ? Une question qui peut sembler incongrue tant les Tunisiens et les Tunisiennes sont férus de Facebook et de « Chat », mais que l'on a posée à de nombreuses personnes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes… Chaque catégorie d'âge a présenté ses arguments et les raisons qui les poussent à aller chercher l'âme sœur sur internet. Voici leurs témoignages, sincères, espiègles et parfois assez inattendus. Comme il est loin le temps de la «khataba», cette vieille dame qui, selon un historien, « connaissait toutes les familles des médinas de la Tunisie et qui tentait, moyennant finances, d'unir des couples qui ne se connaissent pas, puisque la mixité n'existait pas et que les jeunes filles étaient enfermées chez elles. Ne disait-on pas à l'époque qu'une femme sort deux fois dans sa vie : la première pour aller chez son mari et la deuxième pour aller au cimetière ! Un dicton qui étonne les jeunes d'aujourd'hui, mais qui s'appliquait encore il y a un demi- siècle à peine… » Puis est venu le temps des petites annonces matrimoniales ou de rencontres, publiées sur les pages des journaux, auxquels il fallait écrire, avant d'avoir droit à une éventuelle réponse et à une hypothétique rencontre… Aujourd'hui, ils sont des milliers à rejoindre chaque jour la grande foule sentimentale d'Internet, à la recherche de quelqu'un avec qui partager sa vie, ou tout au moins un bout de chemin.
Premier rendez-vous
Aujourd'hui, on s'inscrit sur un forum, on repère celui ou celle qui nous intéresse et on clique sur son pseudo pour dialoguer en tête à tête. C'est facile, rapide et efficace ! Une jeune fille encore célibataire à 32 ans et qui est à la recherche d'un mari témoigne : « dès que j'arrive sur un forum, je repère les personnes qui sont susceptibles de m'intéresser et on discute… En général, j'arrive à décoder ce qu'il y a derrière les mots et ce n'est pas toujours très beau ! » Selon cette demoiselle, « il y a les dragueurs qui ne sont pas intéressés par une relation sérieuse, mais qui recherchent plutôt des relations physiques et des rapports à cours terme. Au bout de quelques minutes, ils vous interrogent sur votre physique et demandent votre photo. Dans ces cas là, je laisse tomber… » Il faut cependant être prudent et « le premier rendez-vous doit toujours avoir lieu dans un endroit public : café, salon de thé, restaurant ou même jardin public… On ne sait jamais sur qui on va tomber », précise une dame de quarante ans, professeur de français, divorcée et qui cherche à refaire sa vie… Elle rapporte une anecdote qui en dit long sur les mentalités de certains dragueurs invétérés : « il y a quelques mois, j'ai discuté avec un homme passionné de littérature française, comme moi. On a discuté sur le forum jusqu'à trois heures du matin et le lendemain, on s'est retrouvé sur une terrasse de café pour faire plus ample connaissance. Et là, il a montré un visage de goujat puisqu'il m'a montré une clef et m'a raconté toutes les difficultés qu'il a eues pour se faire prêter l'appartement d'un ami pour deux heures ! Il me prenait pour une prostituée… Je l'ai traité de tous les noms et je suis partie. Et cette histoire m'a déprimée durant plusieurs jours… »
Trois heures par jour !
Selon un mini-sondage effectué auprès des Tunisiens de tous âges, ils passent en moyenne trois heures devant leur écran à discuter sur Facebook et sur les forums. Des heures prises sur leur travail, sur leur sommeil et sur leur santé. Mais le plus grave, c'est qu'ils décrochent souvent de la « vraie vie », de la réalité. L'histoire la plus incroyable est celle de cette famille où chacun est enfermé dans sa chambre, en train de discuter et la maman doit inviter sur Facebook toute sa famille à se rassembler pour les repas par des messages ! Côté hommes, la situation semble plus confortable. Samir, un cadre de banque de 34 ans, alterne travail et chat sur internet, notamment sur Facebook. Pour lui, « c'est la plus belle invention depuis que l'humanité est sur cette terre. Auparavant, il fallait sortir, aller en boîte, veiller tard pour éventuellement faire une rencontre intéressante. Mais moi, je n'ai pas beaucoup de temps libre… Avec Facebook, c'est facile et rapide et ça ne coûte rien… » Normal de parler de coût, pour un banquier ! Selon un psychologue, « les hommes sont directs dans leur demande, alors que les femmes sont plus idéalistes dans leur quête d'amour. C'est donc décevant, voire blessant lorsque, pendant plusieurs semaines, un homme vous laisse croire qu'il s'intéresse à vous alors qu'en réalité, il vous considère comme un objet de désir. » Mais les belles histoires existent, comme cet homme mûr, divorcé et qui cherchait « quelqu'un de bien ». Pendant des mois, il a discuté avec une jeune femme sur internet : « nous avons pris le temps de nous connaître, de fonder une relation profonde et sincère. Elle connaissait mes défauts, mes goûts, ma psychologie et moi la sienne. On avait en outre échangé des dizaines de photos et de vidéos et notre rencontre a été merveilleuse. » Depuis, ils parlent de se marier et d'avoir des enfants… Pour notre psychologue « le problème qui se pose souvent lors de la rencontre réelle, c'est qu'elle met face à face deux êtres qui ont des affinités théoriques, mais qui dans le quotidien peuvent avoir des façons de vivre différentes…Il ne faut donc pas confondre rencontre et relation durable mais plutôt confronter les deux réalités afin d'actualiser et de valider les informations échangées dans le virtuel, avant la rencontre. » Il arrive aussi qu'une rencontre débouche sur une amitié profonde, alors que physiquement il n'y a pas d'attirance. C'est le cas de cette dame, également enseignante en lettres, qui a pris rendez-vous avec un homme qu'elle a beaucoup apprécié lors de leurs longues discussions sur le net : «mais lorsque je l'ai rencontré, j'avais envie de m'enfuir, car physiquement, il était à l'opposé de ce que j'aime ! Mais quand on s'est assis autour d'un chocolat chaud et qu'il a commencé à parler, j'ai été séduite par sa culture et son sens de l'humour et on est devenu très bons amis... » Nous avons même rencontré un couple qui s'est marié après avoir longuement discuté sur Facebook. La femme évoque ses souvenirs d'il y a trois ans : « tout était clair dès le départ : ma situation familiale, nos loisirs favoris, nos souhaits dans la vie et surtout nos caractères... Nous nous sommes mariés au bout de six mois, pour le meilleur et pour le pire et depuis ça va très bien… » Et le mari de préciser : « il faut dire qu'on se ressemble beaucoup et qu'on appartient à la même catégorie sociale et que nous avons les mêmes convictions, les mêmes ambitions… » Précisons enfin qu'il y a un terme qui est revenu dans toutes les bouches féminines lors de nos discussions : c'est le mot romantisme qui semble totalement absent dans les discussions. On a beau utiliser les technologies les plus performantes, les sentiments humains ne semblent pas changer…