Avant-hier, s'est tenue à Beyrouth une journée d'études organisée conjointement par l'ASBU (l'Union des radios et télévisions arabes dont le siège est à Tunis et son secrétaire général est M. Slahedine Maaoui) et la fameuse chaîne satellitaire du Hezbollah, « al-Manar » sur « les dangers de l'ingérence étrangère dans le paysage audiovisuel arabe ». Ont probablement participé à cette journée d'études des « spécialistes » libano-libanais avec deux invités, comme cerise sur le gâteau, et ce pour débattre de questions telles que « le paysage audiovisuel arabe et le téléspectateur arabe et non arabe », « les conditions juridiques permettant la diffusion satellitaire », « les moyens d'ingérence et leurs effets sur la liberté d'expression » ainsi que « les jurisprudences nationales et l'ingérence étrangère », etc… Le sujet est plus qu'intéressant car il met sur la table, une fois de plus et ce ne sera pas la dernière, un des aspects cachés de la lutte que mènent certaines chaînes arabes « privées » pour exister dans le champ satellitaire international, aspects que par deux fois l'ASBU n'a su résoudre de façon organique et radicale tellement la suspicion est maîtresse entre les promoteurs des chaînes arabes, d'un côté les officiels et de l'autre ceux qui prétendent l'indépendance… Comme nous le voyons, le thème est d'une actualité brûlante. Bien plus, il a déjà une petite histoire… La chaîne al-Manar, n'était-elle pas celle-la même qui a été mise dans le collimateur du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (France) après l'iranienne Sahar1, pour avoir diffusé lors d'un certain ramadan le feuilleton syrien al-Chutat (réal : Azmi Moustapha) qui traite de la diaspora palestinienne et de la propagande sioniste jusqu'à la création de l'Etat d'Israël… Lors de sa diffusion, les associations juives françaises représentées par le CRIF ont crié au lèse identité et se sont plaintes auprès du CSA qui, craignant une confrontation islamo-juive ou arabo-israélienne ou encore palestino-sioniste sur le sol français et sa propagation, a trouvé les moyens juridiques pour couper le jus à cette chaîne sur les satellites Hotbird et Eutelsat… lesquels sont soumis à ce qui est communément désigné par « la directive européenne» en matière de diffusion satellitaire nationales et extracommunautaires… Le fouet qui fait mouche De prime à bord, al-Manar n'a jamais caché ses velléités frondeuses quant à sa lutte contre l'Etat d'Israël et sa politique expansionniste, outre son banditisme réitéré à l'égard des Palestiniens sans qu'un cheveu de la communauté internationale se soit hérissé ou s'il l'est, ce n'est qu'une colère passagère… Si al-Manar – suivant en cela ses mentors persans avec leur armada satellitaire – occupe les premiers rangs dans sa lutte contre la loi N°2278 du Congrès américain dans l'attente de son acceptation par le Sénat, loi scélérate qui prévoit de qualifier toute chaîne satellitaire internationale de « terroriste » lorsque ses propos sont jugés blessants pour une composante de la société américaine. Sont dans la visée de cette loi, non seulement al-Manar (Hezbollah), mais aussi la chaîne du Hamas (al-Aqça) et celle de la « résistance irakienne » (al-Rafidayn ). Dores et déjà, suite à la plainte du même CRIF, le CSA a constaté « le caractère violent et antisémite de certaines émissions diffusées par la chaîne égyptienne Al Rahma, le Conseil a constaté, sur l'antenne de celle-ci, la tenue de propos contraires à l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986. Il a mis en demeure la société Eutelsat »… Et le gouvernement égyptien, propriétaire de Nilesat n'a eu qu'à obtempérer et al-Rahma fut bouclée manu militari… Et il faudra s'attendre à d'autres fermetures tant qu'une catégorie de chaînes satellitaires arabes prétendument « privées », non seulement passent outres certaines réglementations internationales du fait même de l'usage de la technologie spatiales occidentales, et sous couvert de prêches religieux, laissent libre cours à des propos le moins qu'on puisse en dire est qu'ils sont « racistes » puisqu'ils mettent dans la ligne de mire une fois les juifs, d'autres fois les chrétiens ou encore les bahaïs . Si d'un point de vue politique, il est possible de comprendre les émissions de bonne tenue de la chaîne al-Manar malgré son sexisme invétéré sous prétexte de préceptes religieux, il est hors de question d'accepter les discours, même politiques, d'al-Aqça laquelle – et nonobstant le caractère injuste, illégal, révoltant du bouclage de Gaza ou l'arraisonnement de la flottille de la liberté par Israël – offre sur in plateau d'argent les raisons de son effacement de la carte satellitaire. A trop la regarder, on est trempé dans la haine du monde… Quant aux chaînes religieuses musulmanes (al-Nass, al-Risala, et tout le reste de l'armada hébergée par Nilsat) il faudrait quand même reconnaître qu'elles fabriquent le fouet avec lequel ont les fouette… D'ailleurs, plusieurs de ces chaînes traficotent la marchandise. Al-Rahma s'est inscrite au départ dans son cahier de charges comme une chaîne de variétés et… voilà que par la grâce du Seigneur et de la caisse noire, elle est devenue une chaîne bigote et raciste à vous faire gerber de surcroît… Tête de bélier et enceinte en acier Partant du principe que ces chaînes ne se limitent plus aux seuls usagers nationaux intra-muros, que les frontières mentales sont un vain mot… Partant du principe que les conflits sont de nature politiques mais sous peluche de civilisations qu'ont veut en état de conflit… Il est étonnant, voire même incompréhensible, de voir ces chaînes satellitaires arabes tomber dans la fausse et ne faire aucune once de politique… A l'inverse, elles pratiquent la logique de la tête du bélier contre des enceintes d'acier … Il est ahurissant de voir ces chaînes créer autour d'elles le vide quand elles savent pertinemment que la nature du nouvel ordre de l'information satellitaire en a une sainte horreur… Il est aisé de conclure à ce vide culturel, politique, référentiel quand la logique d'un feuilleton est spécieuse et confond entre les catégories de spectateurs… Il est aisé de conclure au bricolage bête et méchant quand on entend un chapelet de sujets datant de bien avant le moyen âge… Il est aisé de conclure en une possible déconfiture quand une myriade de chaînes propagent une échelle de valeurs qui ferait honte à un simple arabe et musulman qui n'a pas perdu sa raison… Il est aisé de conclure que celui qui ne sait pas communiquer perd toutes les guerres et apparaît comme leur déclencheur… Ajoutez à tout ceci le profond fossé qui sépare ceux qui fabriquent la technologie de la diffusion satellitaire et sa réglementation et ceux qui ne savent que l'utiliser, comme si la technologie n'est pas aussi le résultat d'une vision du monde et de l'ordre social… Organiser des colloques, c'est une bonne et belle chose mais elle ne sera d'aucun effet contre les décisions du congrès américains ni celles du CSA français pour une raison bien bête, c'est que ces institutions sont avant tout l'expression de la citoyenneté et des prérogatives de l'Etat, deux valeurs fédératrices qui, quand elles refusent le vide, elles ont de quoi le remplacer quitte à ce que ce soit un jeu de saute-mouton… Alors, pourquoi – face à ces évidences civiques - certains des nôtres créent-ils un vide sidéral autour d'eux et invitent-ils le loup dans la bergerie? Va savoir…