Après la France, vice-championne du monde, l'Italie, tenante du titre, est sortie piteusement, jeudi, au premier tour du Mondial 2010. Loin d'être un hasard. Les choses ne traînent pas ici en Afrique du Sud et les réputations n'y font pas de vieux os. Quarante-huit heures après l'équipe de France, finaliste en 2006, c'est au tour de l'Italie, championne du monde en titre, de rentrer à la maison dès la première quinzaine et de repartir d'ici avec un bilan aussi catastrophique, si ce n'est sur le plan humain, du moins sur le plan sportif. Dernière de son groupe avec deux points et zéro victoire au compteur, comme les Bleus, la Squadra Azzurra aura donc fait «aussi bien» que le Brésil en 1966 et la France en 2002, les deux seuls tenants à avoir été sortis, jusqu'ici, dès le premier tour. Un vrai coup de poignard pour Lippi La défaite de jeudi après-midi contre la Slovaquie (2-3), qui a précipité sa chute, marque donc la fin d'une génération et d'un cycle commencé il y a six ans. Elle constitue aussi un très grave échec pour le football italien (si l'Inter Milan a remporté la Ligue des champions le mois dernier, elle ne comptait pas un seul joueur italien dans ses rangs), comme celui-ci n'en avait plus connu en Coupe du monde depuis 1974 et son élimination prématurée face à la Pologne et l'Argentine. Enfin, elle ressemble à un vrai coup de poignard pour Marcello Lippi, qui n'aura pas su trouver les moyens de renouveler suffisamment le groupe dont il avait à nouveau hérité au lendemain de l'Euro 2008, et lui offrir la qualité et la cohérence nécessaires. A la différence de Raymond Domenech, son discours à chaud a eu toutefois une autre classe et une autre dimension. «J'assume toutes les responsabilités de cet échec, a dit aussitôt Lippi. Si une équipe se présente pour un rendez-vous aussi important avec de la peur dans sa tête, dans son coeur et dans ses jambes, et qu'elle ne réussit pas à exprimer son jeu, cela signifie simplement que l'entraîneur ne l'a pas bien préparé techniquement, psychologiquement et tactiquement.» Comme Blanc, Prandelli aura du pain sur la planche La veille encore, pourtant, Fabio Cannavaro, le capitaine des champions du monde 2006, avait eu ce mot, en plaisantant : «Nous sommes vieux et nous jouons mal ? Peut-être. Mais personne n'a envie de nous affronter.» Apparemment, pas les Slovaques, pas plus que les Paraguayens et les Néo-Zélandais. L'Italie aura t-elle été aussi ridicule que l'équipe de France dans ce Mondial ? Presque. Vulnérable en défense, inefficace en attaque En tout cas, sa terrible contre-performance n'est que la conséquence logique de beaucoup de choses. Des blessures clés (Buffon, Pirlo), des joueurs usés (Cannavaro, Zambrotta, Gattuso), une équipe rongée par le doute (elle n'a pas gagné depuis sept mois), vulnérable en défense, trop inefficace en attaque, ce qui ne ressemble pas à l'Italie, incapable de produire du jeu et mal préparée comme l'a admis Lippi. Mais aussi des organisations de jeu qui n'ont cessé de changer et ne lui ont jamais permis de tirer le maximum de l'effectif présent (4-2-3-1 contre le Paraguay, 4-4-2 contre la Nouvelle-Zélande, 4-3-3 puis 4-4-2 en seconde mi-temps contre la Slovaquie). Comme Laurent Blanc avec les Bleus, Cesare Prandelli, le successeur de Lippi, ne va pas manquer de travail à la prochaine rentrée... --------------------------- Lippi : « C'est de ma faute » Marcello Lippi ne veut pas se cacher. Lors de la conférence de presse qui a suivi la défaite de l'Italie face à la Slovaquie (2-3), synonyme d'élimination pour la Nazionale, le sélectionneur transalpin a assumé l'entière responsabilité de cet échec. "Je tiens à dire que j'assume l'entière responsabilité de cet échec. Nous avions un match important à jouer et l'équipe s'est présentée avec de la terreur dans les jambes, la tête et le cœur. Cela veut dire que le nécessaire n'a pas été fait et que l'entraîneur n'a pas bien préparé techniquement, tactiquement et psychologiquement son équipe", a reconnu dignement le champion du monde 2006. L'ancien technicien de la Juventus Turin est conscient qu'il n'a pas réussi à transcender ses joueurs: "Cette fois, je n'ai pas réussi à donner la bonne motivation à mes joueurs". Droit dans ses bottes, il a confié se sentir autant impliqué dans cet échec retentissant que dans les plus grandes victoires passées. "Je pense avoir joué un rôle important lorsque nous avons eu des résultats probants, et cette fois j'ai eu un rôle important dans l'échec", explique-t-il. Interrogé sur la non-convocation de Francesco Totti pour ce Mondial, il a jusqu'au bout défendu ses convictions: "Avec Totti, je ne crois pas que nous aurions gagné la Coupe du monde à nouveau". Quant à son avenir, Marcello Lippi ne sait pas de quoi il sera fait. "Déjà, je suis prêt à faire face à cette situation (...) Je ne veux pas immédiatement entraîner de nouveau. Je souhaite faire un break de quelques mois pour tout bien évaluer", a-t-il confié avec humilité. --------------------------- Suite à la déclaration du ministre des Réformes : Polémique en Italie ! Le chef du parti populiste italien de la Ligue du nord, Umberto Bossi, allié-clé du gouvernement Berlusconi, a présenté ses excuses mercredi à la "Nazionale" après avoir déclaré que l'équipe italienne allait "acheter" son match crucial de jeudi contre la Slovaquie au Mondial. "Je présente mes excuses à la Nazionale", a déclaré à l'agence Ansa, M. Bossi, interrogé par téléphone, en assurant qu'il avait voulu "faire une plaisanterie". "C'était une blague faite à la buvette (du parlement, ndlr). "C'était seulement une plaisanterie comme le font tous les gens qui suivent le foot quand ils sont entre amis", a ajouté le chef de la Ligue. Mercredi matin, la presse italienne avait fait ses gros titres sur des déclarations de Bossi datant de la veille. "Ils achèteront le match. Vous verrez, la saison prochaine il y aura des joueurs slovaques évoluant dans des clubs italiens", avait déclaré M. Bossi, qui est aussi ministre des Réformes. Qualifiant ces déclarations de "déconcertantes et insultantes", la Fédération italienne de football avait jugé que "Bossi a dépassé les limites cette fois-ci". La Ligue du Nord ne cesse de plaider pour plus de fédéralisme et ne goûte guère les célébrations nationales. Depuis que la fièvre du football a pris d'assaut l'Italie, ses responsables n'ont pas caché qu'ils ne soutenaient pas l'équipe nationale. Les commentateurs de la radio du parti ont même acclamé le 15 juin le but du Paraguay contre l'Italie qui avait ouvert la marque avant l'égalisation des Azzurri. L'un des fils de M. Bossi, Renzo, a dit qu'il ne soutiendrait pas l'équipe nationale, et un autre ministre de la Ligue du Nord a proposé de réduire les bonus de l'équipe. --------------------------- La presse italienne : «La pire Italie jamais vue» ; « Azzurri, honte et larmes » Comme on pouvait s'y attendre, la presse italienne n'y va pas de main morte avec son équipe nationale au lendemain de la défaite devant la Slovaquie (2-3), synonyme d'élimination de la Coupe du monde. «C'est le noir complet», titre ainsi le principal quotidien sportif La Gazzetta dello Sport qui ajoute : «Dehors la pire Italie jamais vue» dans un Mondial. A côté d'une photo montrant le capitaine Fabio Cannavaro qui console son équipier Fabio Quagliarella, l'éditorial qualifie la défaite italienne (2-3) de «journée la plus sombre et terrible de l'histoire du football» national. «Comme le miroir de Dorian Gray, cet après-midi à Johannesburg nous restitue l'image d'une équipe vieille, défaite, sans jeu ni idées, dépassée techniquement et physiquement par de modestes Slovaques», ajoute La Gazzetta. «jamais aussi mauvais dans l'histoire du Mondial» De son côté, Tuttosport, quotidien sportif basé à Turin, se montre plus ironique, qualifiant la Nazionale de «Mozzarella azzura», en référence à la mollesse du fromage italien. Le titre de l'éditorial, «La bufala Lippi» joue aussi sur les mots puisque bufala signifie à la fois «canular» et «bufflonne», dont le lait est utilisé pour la mozzarella traditionnelle. «Azzurri, la défaite et la honte», «jamais aussi mauvais dans l'histoire du Mondial», indique le principal journal généraliste italien Il Corriere della Sera. «Tout se termine avec les vuvuzelas en fond sonore, synonymes de mélancolie comme dans un tango et de prise de conscience définitive de n'avoir jamais compris ce qui se passait», assène le commentateur Mario Sconcerti sous le titre «Pire que la Corée il y a 44 ans», évoquant la défaite contre la Corée du Nord lors du Mondial 1966 en Angleterre. Le Corriere parle de «cycle qui se termine», avec une photo de Cannavaro brandissant la coupe du 4e titre italien mondial en 2006 à Berlin. Enfin, le grand quotidien de gauche La Repubblica barre également sa Une d'une photo de Cannavaro et Quagliarella sous le titre «Azzurri, honte et larmes».