Il y a quelques mois seulement, on invita les journalistes tunisiens à une conférence de presse au siège de l'Alecso, pour annoncer que désormais, le 1er mars de chaque année, sera consacré à la célébration de la « Journée de la langue arabe ». On distribua à l'occasion un manifeste d'une page et demie sur cette nouvelle « fête », deux gros manuels scolaires édités par l'organisation et une copie du projet élaboré en vue de la promotion de la langue arabe. On nous parla longuement des dangers qui menacent cette langue et de la nécessité de la défendre et d'actualiser les méthodes de son enseignement et de sa diffusion. Un colloque international se tint ensuite à Paris autour de la question et s'acheva sur des recommandations visant la préservation de notre identité dont la langue est l'une des premières expressions. Tout cela est bien beau ; mais la défense d'une langue est un combat de tous les instants qui se traduit au quotidien par des actions concrètes et efficaces. Dans ce sens, nous pensons que le plus urgent pour les « arabisants » authentiques, c'est de partir en croisade contre le charabia apatride que nos chaînes de radio et de télévision et nos publicitaires diffusent avec une rare générosité ! Salmigondis et cocktails vénéneux On ne sait plus aujourd'hui, quelle langue parlent et écrivent ces médias à très large audience : certains discours et messages en sont devenus inintelligibles pour ceux qui, naïfs comme nous, croient encore vivre dans un pays arabe. L'autre jour, en tentant de déchiffrer le texte- pourtant extrêmement bref- d'une annonce publicitaire, nous avons mis plus d'un quart d'heure à le décrypter pour enfin réaliser qu'il n'était écrit dans aucune des langues habituellement utilisées pour ce genre de réclame. C'était une mixture, qui plus est drôlement transcrite, de berbère, de tunisois et de franco-arabe ! A la radio, notamment sur les ondes des chaînes privées, plus personne parmi les animateurs ni parmi leurs invités, n'ose prononcer une seule phrase entièrement arabe, de bout en bout française ou totalement anglaise. La règle consiste maintenant à concevoir des cocktails « d'épluchures » linguistiques locales et étrangères, que l'on sert sur tous les « plateaux » et que consomment sans modération aucune des millions d'auditeurs et de téléspectateurs. Inoculés par cet étrange assortiment, ces derniers accommodent à leur tour, en communiquant avec leur entourage, les parlers les plus incompatibles et confectionnent de la sorte un ou plusieurs langages nouveaux dont ils sont les seuls à maîtriser la syntaxe, l'orthographe et la prononciation. Où situer l'arabe dans ce salmigondis ? Comment prendre au sérieux le projet de promotion de la langue arabe alors qu'aucune institution nationale ou nationaliste n'a su jusqu'à présent contrecarrer ce raz-de-marée déracinant ? De quel pouvoir disposent l'Alecso et les autres organisations panarabes pour freiner la vague déferlante qui sape un des piliers de l'identité arabe ? Pour notre nation, tous les jours doivent être des 1er Mars, parce qu'en face, les ennemis n'observent pas la moindre relâche ni ne lésinent sur aucun sacrifice lorsque l'enjeu est d'asseoir un peu plus leur ascendant sur notre culture, sur notre terre et sur nos hommes. Le français, langue malmenée Le plus curieux, c'est que nous ne sommes pas les seuls à subir passivement le vandalisme linguistique. Les adeptes de la francophonie dans le monde ne semblent pas, eux non plus, s'alarmer outre mesure des outrages et des mutilations que subit actuellement la langue française aux quatre coins du globe. Devant l'impassibilité des Français eux-mêmes face au fléau dévastateur, nous avons choisi de ne pas réagir en « plus royalistes que le roi » ! Seulement voilà, nous trouvons désormais prétexte à rire dans toutes sortes d'aberrations commises, sous nos cieux, contre la langue de Molière. La plus récente figure sur une affiche publicitaire parvenue au bureau du doyen de l'une de nos prestigieuses facultés, où justement les professeurs s'évertuent à enseigner le français correct et élégant ! Voici le texte de cette annonce fidèlement et intégralement reproduit, mais nous vous laissons le soin, à vous chers lecteurs, d'en commenter les nombreuses incorrections et maladresses: « Besoin d'argent de poche? Les annonces des centres d'appel te propose la solution mais encore indécis…où peut être rater un entretien ? Même si tu a très peu de temps même si tu te croyer peu doué (suit le nom de l'agence annonciatrice) te propose la solution on t'aideras à dépasser tes lacunes en Français on t'aideras à développer ton talon commercial on t'apprendras comment gérer un entretien…N'hésiter pas à nous contacter »