Dans ses fantastiques basculements, ses moments épiques, ses caprices, ses errements et ses certitudes, l'Histoire réécrit encore et, toujours, en lettres d'or, (ou ensanglanté) en des caractères emblématiques et évocateurs, la légende des peuples, la gloire des hommes et la cupidité des traîtres. Abou El Kacem Chebbi lui fait écho dans "Iradatou Al Hayat", "La volonté d'exister", la force de s'affirmer. Ce cri de détresse, ce cri de guerre qui brise les chaînes et qui force le destin, parce que le peuple l'a voulu dans sa quête de dignité, dans son besoin d'exister. Le 25 juillet 1957, la Tunisie devenait une république. Elle revenait à son moule originel parce que Carthage était une grande république. Honneur aux réformateurs, vénération et fidélité aux martyrs; hommage à Bourguiba, et aux autres grands militants: tout un cheminement, des larmes et du sang, pour que la République voie le jour; pour que les institutions républicaines prennent forme et pour, qu'enfin, la femme obtienne son émancipation et que la jeune république entreprenne de tunisifier le pays et assume sa vocation progressiste et moderniste. Les privilèges des grands commencements faisaient que le peuple, affranchi du joug du colonialisme et de la féodalité, trouve sa plénitude dans une société égalitaire, tournée vers le savoir et distillant une intelligensia d'avant-garde. Cette république avait tout pour réussir et en même temps, elle avait tout pour échouer. Tout pour réussir parce que le modèle républicain pouvait s'appuyer sur un potentiel humain et une plate-forme institutionnelle certaine. Tout pour échouer aussi parce que les nuages de la rupture s'amoncelaient dans le ciel déjà grisâtre de la république, parce que la personnification du pouvoir conduisait inéluctablement à la présidence à vie et à une espèce de monarchie présidentielle. Et dans cette inéluctable sclérose, au milieu de ce désarroi et de ce "désenchantement national", comme dirait Hélé Beji, la Tunisie trouvait encore la force d'enfanter un tournant incroyable; une force providentielle qu'à eue un homme, un fils du peuple, d'infléchir le cours de l'Histoire, un certain 7 Novembre 1987. Sa première action aura consisté à restituer sa valeur et sa pérennité à la République et aux valeurs cardinales de la République, noyau central du Changement. Car rien, en dehors de la République, ne peut cimenter les fondements essentiels d'un pays. L'Etat-Nation, en somme.