A l'heure où tout artiste prépare sa rentrée, la sphère picturale… la scène culturelle tout entière perd une figure éminente, un jeune artiste dont le talent et la sensibilité, la gentillesse et la joie de vivre étaient la devise : Amar Ben Belgacem n'est plus. le peintre nous a quittés le premier week-end du mois de septembre à son domicile à Paris… Né le 18 juin 1979 à Paris, Amar passe les premières années de son enfance dans la ville Lumière. A cinq ans, ses parents décident de l'envoyer en Tunisie, à Hammamet, terre des origines, pour débuter et poursuivre ses études. Avec son diplôme de baccalauréat en poche, Amar retournera en France pour se consacrer à des études artistiques. Très tôt, l'artiste trouve sa voie et impose un style à la fois candide et profond dans l'élaboration des œuvres. Abstraites, ces dernières bannissent toute forme connue pour devenir une représentation du monde tel que le perçoit l'artiste. Des lignes et des cercles concentriques viennent habiter l'espace de la toile, puis c'est la couleur gaie et chatoyante, vive et vivace qui dynamise le travail de Amar. L'œuvre est ainsi renouvelée à chaque nouvel abord. Interrogé sur ce choix, l'artiste ne cessera d'affirmer que ce qu'il propose au public c'est une vision fraîche du monde, une vision d'espoir et de bonheur qui passe par la couleur. Il voulait que sa peinture soit le reflet d'un printemps éternel, d'une joie de vivre démesurée et communicative. De Paris à Washington DC, de Rome à Madrid, en passant par Nagoya (Japon), Séoul, Beyrouth, Oslo entre autres et La Tunisie , Amar intrigue à chacune de ses expositions professionnelles, curieux et amateurs d'art plastique. Sa joie de vivre naturelle, son aisance et sa volonté d'aller vers les autres, enfin sa générosité de cœur et le don de soi, marquent l'esprit de ceux qui l'ont côtoyé et connu. Attachant et sincère, l'artiste nous faisait entrer dans son monde sans prétention, disant en toute simplicité ce que son cœur ressentait. En juin dernier, nous nous sommes vu à Paris. Amar m'a offert son hospitalité et nous avons passé une bonne partie de la nuit à discuter de son art et de ses projets. Avec animation, il parlait de ces futures expositions et de son enthousiasme à surprendre tout le monde avec une exposition de tapisseries inspirées de ses œuvres. Il disait qu'il avait hâte que ce projet aboutisse en Tunisie. Il parla aussi de ces vacances en Espagne, de la rentrée culturelle. Il confiait qu'il avait été souvent déçu par les gens et que certains continuaient à le décevoir, qu'ils profitaient de sa générosité. Mais, il ne tenait rancune à personne. Alors que Paris s'éveillait, Amar nous a accompagné jusqu'à l'arrêt de la navette qui nous déposera plus tard à l'aéroport, nous nous sommes salués et nous nous sommes donné rendez-vous pour sa prochaine exposition à Tunis. Alors que la navette s'acheminait vers la gare Montparnasse, nous vîmes, pour la dernière fois la silhouette de Amar, enveloppé dans son manteau fétiche, traverser le parc. C'est avec une immense douleur que nous avons appris sa disparition tragique à l'âge de 31 ans, dans son havre de paix qu'est Paris. Que garderons-nous de Amar Ben Belgacem, sinon cette image d'un homme attachant au regard candide mais malicieux, un artiste complet à la sensibilité frémissante à l'égard de la beauté indécelable du monde. Enfin, ce sourire juvénile d'un enfant qui dit les choses sans complexe. Nous garderons aussi en mémoire, l'image d'un travailleur acharné, d'un alchimiste des couleurs qui sans relâche renouvelle son inspiration et la puise dans les senteurs et les teintes qu'il ramène de ses voyages. Son départ prématuré laissera un grand vide et ne demeurera que son œuvre : trace immuable de son génie et de son talent tel « un Ange, entr'ouvrant les portes, / [qui] Viendra ranimer, fidèle et joyeux, / Les miroirs ternis et les flammes mortes. »