Fondateur de la Croix-Rouge et premier prix Nobel de la paix en 1901, Henry Dunant reste injustement méconnu. Ce préjudice a été volontairement réparé suite à la récente commémoration du centenaire de Henry Dunant au siège du Croissant Rouge Tunisien. En présence de l'ambassadeur Suisse en Tunisie, la mémoire et les œuvres de l'auteur de « Notice sur la Régence de Tunis » ont permis de revenir sur la vie de ce genevois. Vie exemplairement vouée à la compassion pour les Autres. Lors de cette rencontre, notre confrère Zied Krichen est revenu sur cette personnalité à travers son intermède dans la régence de Tunis. Frédéric Joly a inscrit, pour sa part, les idées phares et porteuses d'Henry Dunant qui ont engendré la création de son mouvement mondial. Ses dignes descendants, ceux représentés par tout un symbole, celui du Croissant rouge, qu'ils soient de Tunis, d'Algérie, de France ont, par leur prise de paroles successives, exprimé et repris les principes fondamentaux de ces associations actives et foncièrement indépendantes, essaimées dans le monde entier. Principes interrogeables de tolérance et d'amour d'autrui. Cette commémoration, fera dire au président du Croissant-Rouge algérien qu'elle relève d'une « idée remarquable, à marquer en lettres d'or dans l'histoire du mouvement ». Pour sa part, l'ambassadeur suisse revient, dans sa prise de parole improvisée, sur ce citoyen suisse particulier qui a su véhiculer des valeurs humanitaires qui étaient les siennes, en y associant son pays d'origine. « Sa singularité réside dans le fait que comme personne, Henry Dunant a su comprendre l'humain. Plus particulièrement, l'humain dans le champ de bataille. H. Dunant a donné au concept d'humanisme une dimension universelle. Cette universalité est aujourd'hui, grâce à Henry Dunant, véritablement partagée, sans obéir à aucun impérialisme et sans être imposée. Avec Henry Dunant on a presque l'impression que la perfection est de ce monde. Il avait compris quelque chose de fondamental : ce partage de l'humain, de son droit, quelles que soient sa culture, sa religion. Il était Suisse nous en sommes fiers, mais c'est ce qu'il a réalisé, son mouvement qui est important ». Henry Dunant s'intéressait au plus haut point à la culture arabo-musulmane. Intérêt qui l'a poussé à l'étudier et à apprendre la langue arabe. Sa particularité réside dans sa manière toute de respect et d'admiration de cette culture. Durant ses passages en Afrique du Nord, et plus particulièrement dans la Régence de Tunis durant les mois d'hiver et du printemps 1856-1857, il vivra un intermède heureux qui aboutira à la publication en 1958, à Genève, d'un ouvrage intitulé « Notice sur la Régence de Tunis ». C'est cette même année que le Bey de Tunis, le décorera du « Nichan Al-Iftikhar » pour ce livre. Cette plus haute distinction de l'époque sera la seule reçue par Henry Dunant, émanant d'un pays non européen. Zied krichen rédacteur en chef à Réalités abordera Henry Dunant en revenant sur une source inestimable, son ouvrage « Notice sur la Régence de Tunis ». Celui-ci développera deux angles d'accroches pour revenir sur la personnalité et la démarche d'Henry Dunant. Le premier est relatif à une caractéristique psychologique, celle de la forte empathie de l'auteur, l'autre revient sur une démarche, qu'il qualifie de compréhensive des Droits Humains. Tout en focalisant sur la partie qui concerne l'esclavage dans cet ouvrage, Zied Krichen soulève dans un préalable critique, la question des sources qui sont à la base de cette rédaction de moments de l'histoire de Tunis. Soulignant la nature documentaire de ses sources, celui-ci précise que les connaissances de l'auteur sont de seconde main, et à ce titre, l'ouvrage ne peut satisfaire les spécialistes de l'histoire. Néanmoins, le conférencier affirme que l'ouvrage garde une véritable valeur testimoniale, nonobstant, cette empathie qui caractérise la posture et le regard d'Henry Dunant sur la Tunisie de l'époque. Il y a à travers cette empathie dont fait preuve l'auteur pour le pays, un souci singulier, de s'approprier son histoire. Henry Dunant tient des propos tout à fait admirables sur Tunis, et c'est surtout ce regard tout à fait positif qu'il posait dessus qui est particulier. Il a connu les beys. Il en fait une description et témoigne d'une admiration pour la dynastie des husseinites, parlant d'hommes remarquables. L'éblouissement de cet humanitaire né, ne se limite pas à la dynastie et aux princes. Pour Henry Dunant, la ville de Tunis mérite le titre de plus belle ville mauresque, et la lecture de ce livre traduit ce regard bienveillant qu'il portait à la population. Selon Zied Krichen, ce fondateur du mouvement et de la fondation de la Croix Rouge Internationale ne peut être à l'origine de cette entreprise humanitaire mondialement connue et reconnue aujourd'hui, qu'en étant doté à la base de cet état d'esprit qui est le sien, celui de faire don de soi et d'aller vers autrui. Et cette empathie, Henry Dunant l'avait aussi pour l'islam, tant il était frappé par la présence du divin dans le quotidien des musulmans. Au-delà de cette posture empathique de l'auteur, c'est aussi la démarche compréhensive des droits humains qui retient l'argument de Zied Krichen à travers la lecture de cet ouvrage. En revenant sur le chapitre de l'esclavage, il décèle chez l'auteur une lecture comparative par rapport au respect fondamental des droits humains des esclaves. Aussi, en revenant sur la période esclavagiste de Tunis, et plus particulièrement, dans sa description des souks qui en faisaient commerce, ses lieux trouvaient grâce aux yeux d'Henry Dunant, tandis qu'il était particulièrement critique par rapport aux infamies commises à l'égard des esclaves aux Etats Unis. Au terme de sa communication, l'interrogation de Zied Krichen sur la réédition de ce livre unique d'Henry Dunant « Notice sur la Régence de Tunis » a eu pour réponse une promesse, à l'occasion de ce centenaire, de sa réédition imminente grâce à un appui financier de l'ambassade de Suisse. Frédéric Joly porte parole du CICR-Paris évoque Henry Dunant à travers une projection documentaire afin de mieux souligner ce communiquant hors pair qu'il était. Pour Frédéric Joly, Henry Dunant avait un vrai fond, une vraie vision et surtout des idées, qui, si à l'époque n'étaient pas dans l'air du temps, aujourd'hui expriment toute leur pertinence et leur bien fondé. Ce sont surtout les idées d'Henry Dunant, telles que soulignées par l'intervenant qu'il convient de retenir à savoir son idée majeure de mettre des limites à l'inhumanité de la guerre et organiser les champs de bataille. C'est après le traumatisme psychologique de la bataille de Solferino qu'une idée révolutionnaire à l'origine de son mouvement allait germer et progressivement prendre acte, celle de ne plus croire que dans le combat le soldat est remis à Dieu mais que celui-ci doit être remis à l'Humanité, d'où les principes d'assistance, de soutien et de prise en charge. Enfin, selon Frédéric Joly, c'est grâce à Henry Dunant que la Suisse a cessé de produire des soldats et s'est mise à produire des humanitaires.