Pour une grande partie des Tunisiens, les plaisirs du palais riment avec les bonnes grillades de l'Aïd EL Kébir, avec cette odeur de méchoui si typique en ce jour de fête familiale. Et si les campagnes de sensibilisation aux maladies transmissibles à l'homme, comme le kyste hydatique, sont toujours présentes grâce au travail des vétérinaires, on parle assez peu des problèmes liés aux quantités de viandes consommées et aux risques sanitaires, comme le cholestérol ou la tension. Nous avons interrogé plusieurs médecins spécialisés en nutrition, mais aussi des vétérinaires, qui nous ont démontré que la prudence s'impose lorsque l'on consomme du mouton, car il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu et qui risquent d'avoir des répercussions négatives sur la santé. C'est avec un spécialiste en nutrition que nous avons entamé ce tour d'horizon des problèmes liés à la consommation de viande de mouton. Selon lui « la viande de mouton est très grasse. Elle contient 30 % de graisses, même dans les muscles… Celle des bovins en contient encore 25 %, puis on trouve les viandes blanches, lapin, poulets, dindes, qui n'en contiennent que 10 à 15 %. D'où la fameuse formule qui dit que le plus gras des poissons, vaut mieux que la plus maigre des viandes… » Dangereuses grillades Selon une étude scientifique réalisée à grande échelle, le niveau de consommation de viandes rouges toléré par jour est de 60 grammes. Car ces viandes, consommées en grandes quantités, vont accroître considérablement le risque de décès dû aux maladies cardiaques et à plus long terme de cancer, surtout lorsqu'elles sont grillées. Consommer l'équivalent de 125 grammes de viandes rouges par jour accroît le risque de mourir d'un cancer de 22 % et le risque de mourir d'une maladie cardiaque de 27 %. C'est pour cette raison que de nombreux spécialistes recommandent de ne pas dépasser 500 g de viandes rouges par semaine. Le problème, c'est que le jour de l'Aïd, bon nombre de nos concitoyens en consomme le double en un seul jour et pratiquement autant durant les jours suivants sous forme de méchoui. Et les tunisiens ne semblent pas en faire grand cas : « je ne vais pas me priver du plaisir de manger de la viande fraîche pour faire plaisir aux médecins », lance un vieux fellah, comme un défi aux maladies et à l'âge… Il faut dire que l'Aïd El Kébir est une occasion rare pour bon nombre de nos concitoyens de manger du mouton, essentiellement pour des raisons de coût. Les chiffres d'une enquête nationale sur la consommation des ménages ces dernières années montrent que nous consommons à peine 25 grammes de viandes rouges par jour. « Alors autant s'en mettre plein la panse une fois par an, c'est pas vraiment grave », ironise un enseignant plutôt bon vivant. Mais une spécialiste en nutrition qui a ouvert un cabinet spécialisé tente de remettre les choses en place : « les protéines de cette viande sont d'excellente qualité, comme celles d'origine animale en général. Elles sont riches en acides aminés essentiels qui ne peuvent être fabriqués par notre organisme. Il est donc indispensable de les apporter par l'alimentation ». Mode de cuisson L'intérêt de la viande de mouton c'est qu'elle constitue également « une excellente source de fer particulièrement bien assimilé par le corps, le fer dit « héminique ». Ce fer est impliqué dans les mécanismes vitaux comme le transport de l'oxygène ou la lutte contre la fatigue et il est 4 à 5 fois mieux absorbé par l'organisme que le fer « non héminique » contenu dans la plupart des autres aliments. La viande d'agneau se caractérise également par des apports significatifs en zinc et en vitamines, en particulier la PP et la B12 ». Spécialisée en régimes alimentaires, la nutritionniste propose souvent à ses patients un régime anti-cholestérol : « il n'est pas question de supprimer tous les corps gras, au contraire, il faut garder une alimentation diversifiée. Il faut juste faire attention car il existe deux sortes de graisses : les bonnes qui sont les graisses insaturées et les mauvaises qui sont les graisses saturées. Les graisses dites insaturées on les trouve dans l'huile d'olive (mais pas les olives elles mêmes !), dans les huiles de tournesol, de maïs, de soja, de noix, dans le lait écrémé, le yaourt, le blanc d'œuf et bien sûr le poisson. Quant aux légumes et fruits, on peut en abuser... » Le mode de cuisson entre aussi en considération, selon cette spécialiste : « dans tous les cas, on doit proscrire les fritures et la cuisson doit se faire sans matière grasse sans trop les chauffer (elles se transforment au-delà de 170°). On privilégiera les cuissons à l'eau, à la vapeur ou au four, et il faut savoir que ce n'est pas une question de goût, mais d'imagination. » Que pense-t-elle de notre « Osbène » traditionnel ? « C'est une excellente façon de consommer du mouton, car il y a de nombreux ingrédients qui en font un repas complet : viande, légumes, aromates… D'ailleurs je veux souligner que si les Tunisiens se contentaient de suivre nos recettes traditionnelles, il y aurait beaucoup moins de problèmes de nutrition ! » Un chef cuisinier nous a également tenu un discours similaire, en apportant quelques précisions relatives à la viande de mouton : « comme pour toutes les viandes, le mouton aura plus de saveur si on le fait cuire avec l'os. Pour profiter de façon optimale des propriétés santé du mouton, il importe de le cuire de façon à éviter la formation de composés nocifs. Il faut éviter de carboniser la viande, la cuire trop et bien sûr utiliser le moins souvent possible la friture et la cuisson sur le grill ou au barbecue. » A part cela, plusieurs médecins ont tenu à attirer l'attention de nos concitoyens sur les risques parallèles inhérents à cette fête : coupures, brûlures, coups de cornes… Ils conseillent également de consommer la viande avec modération pour éviter les diarrhées, mais aussi les hausses de tension, le cholestérol, les problèmes de diabète… Et bonne fête malgré toutes ces informations alarmantes, c'est juste pour votre bien…