Par Khémais khayati - Nul ne peut nier- à moins qu'il soit de mauvaise foi – que l'environnement et son entretien jouissent dans notre pays d'une attention particulière…. C'est comme le Grand Prix du Président de la République pour la protection de la nature et de l'environnement ou celui décerné par le Chef de l'Etat à la Municipalité la plus soucieuse de la santé environnementale des citoyens et ce pour commémorer une journée nationale, celle du 11 juin, consacrée à la propreté et la préservation de l'environnement… C'est beau… C'est grand… C'est généreux… pour emprunter des qualificatifs connus La chose, lancée depuis 2003, ne s'est pas arrêtée à un encouragement de façade. Une administration entière fut créée pour assurer une politique d'hygiène sociétale opérant tant au niveau du cadre de vie que de son esthétique non seulement dans la capitale mais aussi dans les bourgs et bourgades de l'intérieur. Bien plus. 1,2% du PIB furent réservés au développement d'un cadre de vie propre avec une moyenne respectable d'espaces verts… Qu' à titre d'exemple, la municipalité de Sfax d'après des communiqués officiels, plante d'un coup 500 arbres et crée 7 mille m2 d'espaces verts supplémentaires tout en adoptant de nouvelles méthodes d'irrigation à distance pour améliorer l'esthétique de la ville, il y a de quoi pavoiser. Ces efforts ont contribué à l'augmentation à 15.5 m2 le pourcentage des espaces verts par habitant . Avouez que ceci légitime la dénomination de notre pays dans la mémoire populaire comme étant « la Tunisie verte »… Que cette dénomination vienne de l'hameçon lancé par les Fatimides aux 70 ou 200 mille Hilaliens (nous n'étions pas à un millier près) dont 50 mille guerriers pour qu'ils décampent de la Haute-Egypte et viennent au XI siècle installer leurs tentes et planter leurs épées dans notre pays afin de réprimander les Zirides pour leur velléité d'indépendance… Ou que ceci vienne de la réalité réelle telle que les marges de la connaissance racontent sur notre pays du temps de la Kahina avant qu'Hassan Ibn al-Nu'man ne l'oblige à se réfugier dans l'amphithéâtre d'El Jem pour la décapiter à Bir al-Kahina… Que ceci ait été ou que cela soit advenu, notre pays est reconnu par sa « verdoyance ». Vivent les plantes libres C'est ainsi que je me souviens comment, dans mon jeune âge, le maître nous emmenait pour que chaque élève plante un arbre le jour de la « fête de l'arbre »… Plus de cinquante ans après, je passe dans la petite forêt au nord du ksour dans le Nord-Ouest… mais chaque pièce à son revers. Et bien que son entretien soit laissé entre les mains du Seigneur et les minauderies de la météo, j'y pénètre des fois à la recherche de l'arbre que j'aurais planté. Certes, c'est idiot et débile de ma part de chercher une aiguille dans une botte de foin un demi siècle plus tard. Mais vous savez, la nostalgie c'est comme une soif subite. Il vous faut l'assouvir au plus vite… Rien qu'en voyant les mauvaises herbes pousser partout avec la candeur d'une adolescente bien convaincue d'être une belle plante, je me convaincs réellement que ce sont là des verdures dont nous étions caractérisées et qu'il nous fallait entretenir pour en augmenter la verdure… Cette question d'herbes mauvaises n'est pas aujourd'hui si mauvaise que cela. Car, à bien y regarder de loin comme de près d'ailleurs, on remarque aisément que la verdure dont se parent nos rues et ruelles, dans nos villes comme dans nos villages, provient principalement, et non uniquement et nécessairement, de cette volonté qu'ont les mauvaises herbes à pointer leurs feuilles n'importe où. Que ce soit au pied d'une plaque de signalisation ou dans les interstices d'un mur laissé pour compte de chaux, que ce soit au pied d'un bâtiment neuf mais non encore occupé ou celui tout aussi neuf mais bien occupé, que ce soit dans les anciens quartiers dont seuls les décorations signalent la splendeur passée ou dans les nouveaux quartiers « dortoirs », vous trouverez ces chères plantes sauvages qui – comme tous les Tunisiens - ne demandent rien d'autre que de vivre en paix, elles qui ne demandent ni eau ni bichonnage, ni bèche ni sécateur… rien qu'on leur foute la paix. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, au nord de notre Méditerranée, nos plantes sauvages à nous sont libres de pousser où elles veulent et là où elles le désirent. Elles nous appartiennent et nous en sommes habitués. Elles et nous faisons un couple que nul marchand de défoliants ne peut séparer… D'ailleurs, passez voir ces marchands non loin du Bab Dzira et vous les verrez occupés à vendre des poissons rouges et des mort-aux-rats que des produits pour luter contre les adventices. Verdure, vous avez dit verdure ! Vous ne trouverez personne penchée sur des pousses d'orties bien portantes dans une rue bien fréquentée de notre capitale. On le prendrait pour un zinzin. Ailleurs, on y prendrait soin et on irait les rempoter dans un jardin des plantes quand, chez nous, respectueux des désirs de la nature, nous les laissons croître en faisant un peu attention à ne pas nuire à leur identité. Vous ne trouverez pas non plus un quidam muni de son arrosoir en train de faire acte charitable sur une masse bien verdâtre accrochée au pied d'un palmier bien mort que la municipalité – bien chargée par ses charges - n'a pas eu le temps nécessaire de s'occuper... Loin s'en faut. Ce tronc rugueux mort est laissé là exprès auprès d'un tas de poubelle pour être un tuteur pour ces plantes qui viennent n'importe comment, sans honneur ni orgueil et poussent entre les sacs noirs des déchets organiques… Cette humilité est faite pour agrémenter gratuitement la vision de tout un chacun parmi nous qui traînerait ses savates aux quatre points cardinaux à la recherche improbable de son âme sœur… Si ailleurs, dans les pays dits modernes et civilisés où non seulement le soleil fait défaut, les droits des plantes sauvages ne sont pas respectés en plus. On oublie dans ces pays que souvent les mauvaises herbes ne sont pas si méchantes que ça. La civilisation leur a fait oublier que ces pousses libres rendent bien service à l'humanité. Chez nous, dans notre vert pays, elles alimentaient la pharmacopée traditionnelle. Mais modernes que nous voulons être, nous préférons un cachet d'aspirine à une gluée d'orties bien appliquée sur les tempes… Que soient ici remerciées en mon nom propre de citoyen qui n'a rien à faire sauf se trimballer entre les rues et ruelles à la recherche du temps perdu, toutes les municipalités de notre verte Tunisie qui sont tellement chargées par servir le citoyen, qu'elles offrent une chance de plus à ces herbes dites mauvaises de rendre service à l'humanité nationale rien qu'en absorbant le CO2 des innombrables caisses qui vous encaissent et d'égayer un peu le regard d'une fraîche verdure face à des immeubles qui n'ont d'humain que les tas de gravas qui les entourent… Pourquoi, dans notre pays, n'en veut-on pas aux mauvaises herbes ? Va savoir !