La TACC, la Chambre Tuniso- Américaine de Commerce, a choisi de débattre, lors d'un déjeuner débat ayant pour leitmotiv « Comment intégrer les TIC « Made In Tunisia » dans les chaines de valeurs mondiales ». Un sujet choisi à un moment où le commerce électronique en Tunisie tarde encore à remonter la pente et se lancer comme il lui a été prévu aux débuts des années 2000, mais aussi à un moment où un nombre d'entreprises étrangères, dont notamment celles américaines, mettent la Tunisie dans leur collimateur, et débarquent moyennant des investissements lourds, à l'instar de HR Acess, HP, ou encore Sungard. Pour élargir les débats, l'événement a connu la participation de M. Mohammed Naceur Ammar, ministre des Technologies de la Communication, et M. Gordon Gray, Ambassadeur des Etats Unis en Tunisie. Un parterre d'hommes d'affaires, notamment ceux ayant des liens étroits avec le marché américain a animé les discussions ! Pour la TACC, l'objectif était de « contribuer au dialogue sur cette question et dresser un tableau prospectif du devenir du secteur TIC en Tunisie », on aurait, pour l'occasion, souhaité l'exposition des résultats de la nouvelle stratégie nationale en la matière, et surtout celles de l'étude sur l'offshoring récemment réalisée pour le compte du gouvernement tunisien, mais M. Ammar a indiqué « qu'il était encore prématuré de divulguer les résultats de cette étude, étant encore en cours d'élaboration ». Selon M. Nazeh Ben Ammar, président de la TACC «le secteur des TIC en Tunisie continue à progresser d'une manière significative. Mais cela reste insuffisant eu égard au potentiel humain disponible et l'investissement en infrastructure concédé par le gouvernement. Force est de constater que l'offre tunisienne n'est pas dans le radar des grands donneurs d'ordre internationaux, et pas assez dans celui des donneurs d'ordre locaux », et de s'interroger « nous constatons le retard pris dans le développement du secteur, en comparaison à des pays compétiteurs, ce qui nous oblige à nous tourner vers les grandes firmes internationales pour les solliciter à venir s'implanter en Tunisie. A défaut d'offre tunisienne, devrions-nous nous contenter d'une offre made in Tunisie ?». Le passage du simple off-shoring, avec tout ce qu'il veut dire de dépendance par rapport aux donneurs d'ordre étrangers, à un produit 100% tunisien, l'industrie du contenu, l'innovation dans le secteur, la promotion du partenariat public/ privé, la valorisation de la recherche, l'amélioration du cadre législatif pour une meilleure activité au profit des entreprises actives dans les TIC ainsi que le financement, ont été les points soulevés par les participants à ce débat. Etant dans la majorité des chefs d'entreprises spécialisées dans le secteur, donc connaissaient mieux que d'autres les handicaps. Ces mêmes points là sont ceux qui représentent les majeures barrières pour une vraie envolée de l'industrie des TIC dans nos murs. Pour le ministre des Technologies de la Communication, un nombre de performances est à souligner. Il s'agit, selon lui, « de la démocratisation de l'accès au haut débit, en visant la connexion de plus de 1.4 million d'abonnés à l'horizon 2014, à travers le déploiement des réseaux fixes et des réseaux mobiles 3G et des nouvelles générations ». Le très haut débit à travers la fibre optique « va d'abord se généraliser au niveau des zones d'affaires, des zones industrielles, des campus universitaires et des centres hospitaliers, avant d'attaquer le segment résidentiel » a-t-il aussi précisé. Et le processus de développement ne devrait pas s'arrêter là, avec le déploiement de la TNT avec une couverture de 90% des régions à la fin de l'année en cours, ce qui va avoir un double impact, celui de réallouer le dividende numérique pour le développement des réseaux basés sur les systèmes LTE (4G), d'une part, et de permettre le lancement de bouquets de programmes HD éducatifs, culturels et autres, d'autre part. Mais au-delà de ces données, quoiqu'encourageantes, quelle stratégie faudrait-il adopter pour développer une offre TIC Made In Tunisia ? Comment fabriquer des champions locaux avant de les exposer à la compétition internationale ? Pour certains, et vu les atouts de la Tunisie, à savoir ceux humains et de l'infrastructure, outre notamment la certaine expertise acquise, la restructuration des chaines de valeurs mondiales, offre à notre pays une chance unique pour se positionner sur certaines filières, notamment dans certains pays qui prennent la Tunisie pour exemple, notamment ceux de l'Afrique Subsaharienne ! Handicaps culturel et psychologique Pour le faire, plus d'un chantier doit être ouvert. Tout d'abord le retard du commerce électronique. Même, par rapport à certains pays voisins, ce commerce n'est boosté que par les services de la Poste au profit des étudiants, et encore, il s'agit d'une action « forcée ». Selon le ministre « il s'agit d'handicaps culturel et psychologique », mais pour certains autres participants, il s'agit de beaucoup plus que cela. Les cartes bancaires, le déficit en sites marchands tunisiens ainsi que le problème de change, un problème qui pourrait être résolu à l'horizon 2014, une fois le dinar devenu convertible, pourront ensemble donner un coup de pouce à cet e-commerce. La problématique de l'industrie du contenu, est, elle aussi, toujours d'actualité. A l'aube de l'an 2000, on prévoyait la création de 300 mille sites web tunisiens, les statistiques montrent qu'on est encore toujours loin d'une telle performance. Cette industrie avait connu son plus grand coup lorsque le Centre National Pédagogique avait décidé de produire son propre contenu, alors que les recommandations faites stipulaient qu'il externalise ce service. Résultat ; des dizaines de startups ont du mettre la clé sous le paillasson. Le contenu électronique produit en Tunisie, est toujours en deçà des aspirations. Cet élément, joint au problème des financements, représente un véritable handicap à une réelle montée de l'entrepreneuriat. Ajouter à cela l'éparpillement des textes de loi dans l'objectif d'inciter les jeunes à créer davantage de SSII. Les banques quant à elles, ne financent pas ce genre d'entreprises. Elles exigent des « garanties solides », c'est-à-dire des garanties matérielles, ce qui veut dire que les investissements dans les idées « ne les intéressent presque pas ». Comment peut-on alors innover dans de telles conditions afin de passer de l'off- shoring et de la sous traitance à un produit 100% Made In Tunisia ? Peut être bien à travers la promotion de la recherche et développement. Selon le ministre, 0.5% du PIB des opérateurs de téléphonie mobile seront consacrés à la R& D et à l'Innovation. M.Gordon Gray, lui, conseille de « profiter de la présence de la Banque Africaine de Développement en Tunisie pour décrocher des contrats dans les pays africains ». Les développeurs tunisiens, eux, ambitionnent de faire de la Tunisie « un sous laboratoire », ou les technologies venant des pays développées font leur première entrée sur le continent africain, avant d'être « vulgarisées » au contexte du continent et exportées sur les pays de l'Afrique Subsaharienne. Les perspectives restent vagues, et en attendant l'aboutissement de l'étude stratégique sur l'off-shoring, la chance d'attitrer des mastodontes américains en matière des TIC demeure probable. Entretemps, il semblerait que l'on commence à compter sur Facebook, alors que Google a exclu toute la sous région du Maghreb, et l'a joint à une autre plus grande à savoir celle du «Middle East and Africa ».