Faut pas croire, ça vaudra toujours le détour. Que l'on soit pour ou contre, on est forcément pris dans le jeu. Et On succombe. Pas seulement pour le charme craquant, et le charisme intrépide des protagonistes principales du film. Non plus pour cette histoire, enlevée et lucide, qui nous plonge au cœur du quotidien d'une poignée d'individus, quadrillant une ville, qui est filmée comme un théâtre ouvert de toutes les vicissitudes, de tous les rêves enfouies et enfuis, comme de tous les cauchemars. Non. Car justement le personnage principal de cette fable, poético-dramatique, celui qui vous entraine dans son sillage, dans des dédales insoupçonnées et vertigineuses, d'où l'on perçoit, au détour d'une rue, le bleu de la mer qui vous happe le regard, en vous faisant oublier tout le reste au passage, c'est Alger la blanche, malgré ses grisailles, malgré ses heurs et malheurs, et en dépit de toutes les violences passées qui lui ont labouré les entrailles, belle et attachante par toute cette humanité qui l'habite, et qui lui confère un visage- envers et contre tout-, résolument altier. « Viva Laldjérie », second long –métrage du réalisateur algérien, né à Paris Nadir Moknèche, se penche en filigrane, à travers l'histoire de trois femmes, -une mère, sa fille, et une fille de joie- sur cette Algérie unique et plurielle qui a survécu aux années 90 violentes et meurtrières, et qui n'en finit pas de panser ses blessures, résistant à toutes les tentatives de lui faire courber l'échine, sachant qu'elle en a vu d'autres, et qu'elle se souvient. Mais la trame n'en n'est pas moins passionnante et passionnée, qui tourne autour de la figure d'une mère (Papicha, truculente Biyouna !), réfugiée dans un hôtel du centre-ville avec sa fille Goucem, à ressasser sa nostalgie des jours heureux, d'avant le terrorisme et l'assassinat de son mari, avec la peur encore lovée au ventre, qu'elle calfeutre derrière des apparences de quiétude et d'insouciance devant sa télé qu'elle fixe des yeux, unique rempart imaginaire contre la sempiternelle angoisse qui la taraude. Pendant ce temps, sa fille tente inlassablement d'en découdre à sa manière, en travaillant pour un photographe, et en remplissant sa vie comme elle le peut, entre des week-ends en boîte et une liaison avec un homme marié et généreux. Est-elle heureuse ? Elle-même n'en n'est pas si sûre au final, mais lutte farouchement pour préserver cette part de liberté arrachée au forceps, lors même que son amie «Fifi», habitant le même hôtel et se prostituant sous la coupe d'un « protecteur », amorce lentement mais sûrement, sa descente en enfer. C'est ainsi que le film, faussement enjoué, ayant pris le parti d'en rire, ce qui n'empêche pas d'en pleurer, se clôt sur un drame. La vie est belle et pleine de danger… dans cette « Laldjérie » là dont la vision peut gêner aux entournures à l'image de toute vérité qui blesse. Et si ce long-métrage renvoie à des fragments de vérité, comme des morceaux de puzzle à ramasser à la petite cuillère, il n'en séduit pas moins pour autant, par la force d'évocation qu'il charrie, d'une volonté de vivre malgré vents et marées, digne et debout… (Avec Lobna Azabel, Biyouna, Nadia Kaci…)