C'est en voulant raffermir les liens entre opérateurs, décideurs et universitaires de la Culture dans l'espace euro-méditerranéen que le ministère de la culture et de la Sauvegarde du Patrimoine organise à travers l'Unité de gestion par objectifs de la Cité de la Culture, le forum :Tunis capitale Euro- Méditerranéenne de la Culture qui se tient à Hammamet. Le coup d'envoi a été donné avant -hier en présence de nombreux participants tunisiens et étrangers dont Frédéric Jambu, directeur de l'Assemblée pour le Développement Culturel Européen et International (ADCEI) qui a dirigé de main de maître, la séance inaugurale. Une rencontre pour partager et mûrir avec toutes les Instances présentes, une réflexion, évaluer une réalité en devenir et projeter un avenir commun autour des enjeux de la Méditerranée et de la coopération euro-méditerranéenne…telle est l'idée générale qui se dégage du discours de M. Raouf El Basti, ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, à l'ouverture du Forum. « Pour paraphraser Richard Nisbet dans ses recherches sur la culture et la cognition a dit le ministre, peut -il y avoir vraiment une géographie de la pensée méditerranéenne, vu la grande diversité qui caractérise aujourd'hui les identités , les religions, les langues , les cultures et les hiatus du bassin de la Mare Nostrum… », s'est-il demandé. Pour René Kollwelter, Conseiller d'Etat Luxembourgeois et vice-président du réseau Euromedincultures, Cette mer, cette Méditerranée, est-ce qu'elle unit ou sépare les deux rives, ou éventuellement, les deux à la fois ? Havre de paix Le forum, a rappelé le ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, ne manquera pas de porter nos aspirations mutuelles appelées à promouvoir et à réhabiliter une Méditerranée culturelle revigorée, havre de paix, de connaissance, de reconnaissance et de respect, où triomphent l'inspiration créatrice, et le co-développement humain, solidaire et durable. En effet, loin d'être frontière, la Méditerranée est supposée être un lieu d'échanges. Et c'est ce qu'a essayé d'analyser le ministre dans un discours fort édifiant : « Entre union et désunion, continuité et rupture, présence et silence, prestance et effacement, la Méditerranée aura marqué de ses empreintes le cours des temps paisibles et remuants. Agissons ensemble, insiste t –il, pour qu'elle demeure notre mare nostrum, (notre mer), et non cette mare clausum, (mer clause), celle du repli, du sectarisme politique et religieux que certains géopoliticiens entendent théoriser au dédain de la vie et de l'espoir… » Les axes choisis pour le forum tournent autour des questionnements suivants : -Quelle Méditerranée culturelle pourrions nous compter ou escompter à l'heure de la géopolitique mondialiste ? -Quels Sont les rôles des arts et de la culture pour contrecarrer les soubresauts qu'imposent des relations internationales qui ignorent parfois l'équité, les droits légitimes des peuples et leurs aspirations à la liberté et l'autodétermination ? -Cette monstration pour une Méditerranée culturelle commune, est-elle possible ? ou serait-elle chimère, éphémère et irréalité ? -Quelles actions culturelles devrions nous entreprendre afin de pérenniser une Méditerranée durable ? -Devrions nous débattre d'une culture méditerranéenne ou des cultures de la Méditerranée comme pour signifier la pluralité, la diversité et le particularisme socio- culturel au sein même des pays riverains ? -Entre pluralité et singularité, particularité et universalité, archaïsme et modernité, une adéquation reste à trouver, y compris au sein de l'espace euro-méditerranéen. Des questionnements qui méritent qu'on en débatte et le forum en est une occasion puisqu'il réunit responsables et opérateurs culturels de tous bords dont l' objectif est d'aider à la mise en place de partenaires et de projets de coopération culturelle multilatéraux et d'engager des relations culturelles durables fondées sur l'échange d'expériences et de pratiques . « Pour cela, estime le ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, la cité de la culture est appelée à en être un parfait exemple. Ce projet présidentiel qui se veut pionnier au Maghreb et dans le monde arabe, est appelé à être au cœur des échanges entre les pays des deux rives de la Méditerranée, comme centre de formation, de création, de production et de développement artistique à la fois national et international Frictions entre voisins Pour René Kollwelter, si Marseille est désignée capitale européenne de la culture en 2013, Tunis revendique de son côté, le titre de capitale euro méditerranéenne et cela constitue un petit clin d'œil plein de symboles et de perspectives : « Vous, Tunisiens, autant que nous de toutes nationalités au sein du réseau EUROMEDINCULTURES, a-t-il dit, sommes attachés à la dialectique Orient- Occident, monde musulman, monde chrétien qui est une des questions essentielles et intellectuellement des plus intéressantes en ce début du 21ème siècle. C'est vrai que ce monde méditerranéen est un lieu d'échanges permanent et forcément un point de friction entre les civilisations ou les cultures. Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation, les Méditerranéens habitent le même quartier ; ils sont tous voisins et comme il arrive souvent entre voisins, il y a des périodes de rapprochement , mais aussi des troubles de voisinage, voire de sérieuses disputes d'un bord à l'autre Notre quartier méditerranéen- a-t-il ajouté, est tumultueux certes, mais ne constitue t-il pas dans le village global, le centre ville historique ? C'est ici dans ce quartiers que se sont accomplis les grands progrès de l'humanité . Si la Méditerranée éternue, le monde entier risque d'attraper la grippe… » Compte rendu de : Sayda BEN ZINEB --------------------- Témoignages •Hichem Ben Ammar : documentariste « Pour s'inscrire dans le développement durable, la coopération euro-méditerranéenne suppose la reconnaissance réciproque des intérêts respectifs de chaque partie ainsi que la définition d'objectifs communs basés sur des valeurs en partage. Mis en application de manière saine, sans qu'entre en jeu toute la perversité liée aux rapports de forces ; ce partenariat devrait mener tout naturellement à la construction d'une entité solide et solidaire où la culture constituerait le ciment principal ». •Besnik Mustaphaj : écrivain albanais Ecrivain, homme politique et diplomate albanais, (ancien ministre des Affaires étrangères), Besnik Mustafaj a fait des études de langue et littérature françaises à l'université de Tirana (1979-1982) où il a enseigné de 1983 à 1991. C'est en 1991 qu'il se rend pour la première fois en France. De 1992 à 1997, il réside à Paris en tant qu'ambassadeur d'Albanie. Il a publié de la poésie, (un premier recueil en 1978), puis des nouvelles et des romans, (le premier en 1992). Besnik Mustafaj est aussi l'auteur d'essais et de livres pour enfants. Invité à Hammamet pour participer au forum, Besnik Mustafaj considère que l'identité méditerranéenne constitue en elle -même un enrichissement et qu'il faut travailler davantage pour réaliser une harmonie inter- confessionnelle dans la région. Seulement, il reproche au politique son manque d'implication quant aux questions culturelles. « Pour le politique, a -t-il déclaré, le dialogue culturel fait partie de la démagogie car il ne met pas les moyens nécessaires pour le développement de la culture . Il y a une nécessité énorme, un rêve même pour que la culture nationale de chaque pays sorte du petit village et prenne une dimension universelle. Ainsi, l'échange culturel permet à certains de réviser leur position vis à vis de l'Islam, ce qui garantira une meilleure intégration du musulman en Europe. •Mohamed Zinelabidine, responsable de la Cité de la Culture « Le but essentiel de ce forum, est de mettre en place, avec des partenaires stratégiques, des solutions notamment pour ce qui est de la Cité de la Culture, appelée à ouvrir ses portes incessamment. Pour cela, il faut préparer les échéances, et j'espère que la Cité de la Culture saura profiter de cette manière de faire des autres Instances culturelles pour mettre sur pied, des projets de partenariat où règnent des formes d'équilibre…L'on se demande par ailleurs, quels sont les projets à faire, à définir, et quels sont nos partenaires ? Nous essayons de prendre pour notre compte ce dialogue euro-méditerranéen, car si nous ne faisons pas cela maintenant, qui le fera ? » •Valéry Freland, directeur de l'IFC Tunis Le directeur de l'Institut Français de Coopération qui découvre pour la première fois « le cadre magique », selon ses dires, du centre culturel international de Hammamet, annonce que cet espace abritera le 4 décembre prochain dans le cadre de « Dar Sébastian fait son opéra », le concert « Flow my tears : lute songs of John Dowland, de Damien Guillon et Eric Bellocq, en partenariat avec l'IFC. Question Méditerranée, « c'est important dit-il, il y a à la fois une identité culturelle commune et une identité plurielle d'où sa richesse inestimable…c'est une réalité culturelle qui doit devenir une réalité politique et c'est tout l'objectif de l'Union de la Méditerranée…On est très engagé aux côtés des Tunisiens pour travailler sur la Cité de la Culture, un projet ambitieux et de partenariat dans les domaines de la formation, de la musique, de la muséographie, etc… »