Ce court-métrage d'un peu plus de 10 minutes se propose de dénoncer artistiquement la guerre et ses désastres. Sujet sans originalité en principe, puisqu'avant Slah Gouider, des milliers d'écrivains, d'artistes et de cinéastes l'ont abordé de toutes les manières possibles. L'exercice était donc d'emblée plus que difficile pour ce réalisateur libyen ; en s'adressant avant la projection, aux quelque cent spectateurs venus manifestement pour voir « Viva laldgérie » de Nadir Moknèche, il mit l'accent sur le fait que son film donnait la primauté exclusive à l'image, après quoi il se retira, préférant céder la « parole » aux scènes muettes du court-métrage. Allégories prévisibles C'est vrai, le silence des protagonistes y est assourdissant et d'un effet dramatique saisissant ; des bruits extérieurs comme ceux du vent, des portes entrebâillées et des moteurs de l'avion de guerre, l'explosion de la bombe, tous ces éléments se chargent de suggérer la tragédie imminente qui guette une famille paisible dont les enfants paieront de leurs corps le tribut du conflit. Ce sont deux écoliers qui se relaient pour chausser la même paire d'espadrilles. La guerre résoudra leur problème : elle amputera chacun d'eux d'un pied (du bon, bien sûr) et ainsi la paire disponible suffira et épargnera bien des soucis à leur père indigent. On peut déceler de l'humour noir dans cette fin du film en l'interprétant comme une allusion aux guerres (modernes ?) déclarées sur la base d'arguments fallacieux du genre « instauration de l'équilibre dans la région », « mise en place d'un régime démocratique », « rétablissement de l'ordre et de la justice » etc. Toujours est-il que même cette lecture allégorique nous a déjà été inspirée par d'autres films, sinon par des œuvres théâtrales ou littéraires. La métaphore du scorpion (on en voit partout, de ces arthropodes, autour des héros) ne recèle pas non plus de nouveauté ; c'est même la plus prévisible du court-métrage. Le choix des enfants comme victimes touchantes est un poncif commun à toutes les œuvres sur la guerre. En définitive, Slah Gouider a réalisé un film ordinaire qui de surcroît donne lieu, notamment au niveau de son scénario, aux clichés les plus répandus dans les procès littéraires ou cinématographiques de la guerre. S'il a échappé au pathos des mots, il a basculé dans celui des images. Nous sommes certains qu'il y a moyen, surtout à travers le court-métrage, de dire les monstruosités humaines autrement qu'en recourant aux procédés universellement éprouvés. C'est cela qui fait la force poétique d'une grande œuvre d'art, et sa difficulté, hélas. Avec « Partage », Slah Gouider n'innove en rien. Pire : il peine à susciter la révolte du spectateur contre les bourreaux de l'enfance et de la paix. Son message humaniste passe mal même auprès des âmes les plus sensibles, peut-être aussi à cause de la banalisation dont font l'objet les massacres sur nos petits et grands écrans et dans tous nos médias. Sur le plan purement cinématographique, donc technique, il n'y a vraiment pas de prouesse exceptionnelle à signaler dans « Partage » qui, nous apprit-on samedi, avait reçu le Prix de l'Union des Cinéastes Iraniens! Tant mieux pour son réalisateur ; mais nous aimerions au moins savoir le mérite pour lequel cette récompense lui fut décernée ! Peut-être partagerions- nous les avis du jury sur « Partage » !