Avec l'achèvement du document final, l'Agenda 21 de la Médina de Sfax aura franchi une étape importante et eut le mérite d'être élaboré sur des bases scientifiques dans la mesure où il a adopté une démarche de développement durable, rationnelle et progressive, qui a tenu compte des différents paramètres et associé plus de mille personnes entre citoyens, organisations sociales, experts, universitaires et administrations. Le problème, c'est que sa mise en œuvre ne s'apparente guère à une sinécure. Avant d'aborder cette problématique, il y a lieu de rappeler que les médinas de Tunisie, en l'occurrence, celles de Tunis, Sousse, Kairouan et Sfax, se sont vu attribuer un budget global de 12,3 millions de dinars dans le cadre du 11ème plan. La médina de Sfax aura bénéficié de crédits de l'ordre de 2,3 MD auxquels s'ajoute le montant de 600 mille dinars accordés par l'ONAS. Ces enveloppes qui sont destinées à aider ces médinas à réaliser leurs programmes de réhabilitation et de promotion sont appelées à augmenter au cours du 12ème plan de développement économique et social. C'est dans ce cadre que s'inscrivent, à Sfax, des interventions de l'ordre de 600 mille dinars, portant entre autres sur la restauration de l'infrastructure de base et la réhabilitation de Fondouk El Haddadine. Il y a lieu également de mentionner les différents projets réalisés par la municipalité de Sfax, l'Inspection Régionale du Patrimoine et l'association de Sauvegarde de la médina de Sfax, des actions certes très utiles mais néanmoins ponctuelles et spatialement limitées.
Une meilleure qualité de vie
C'est ainsi que s'est imposée la mise au point d'une stratégie qui serait conçue dans une perspective de développement durable, dans le cadre d'un agenda local fédérateur et participatif qui aurait pour objectif, comme l'a souligné Mme Sana Taktak Keskes, adjointe au maire et présidente de l'Agenda 21 : « de définir un plan d'action stratégique visant à promouvoir et à développer la ville à tous les niveaux, afin de garantir une meilleure qualité de vie pour tous les citoyens ». Comme signalé précédemment, l'élaboration de l'Agenda 21 de la médina de Sfax, a adopté une démarche rigoureuse partie de la réalisation d'un diagnostic sur la base duquel s'est formée une vision future qui a servi de cadre à des propositions objectives et réalistes, classées par ordre de priorité, pour aboutir à un plan d'action détaillé faisant état d'actions multiples, une étape suivie de la finalisation du document définitif. Tous les axes du plan d'actions visent à faire de la médina, à l'horizon 2030, un pôle urbain multifonctionnel, dynamique, ouvert sur son environnement, attaché à son authenticité et à son patrimoine, et s'offrant en tant que cadre de vie agréable aux citoyens. A cet effet, pas moins de vingt-cinq projets, à court, moyen et long termes sont prévus par l'agenda, dont notamment, l'inscription de la médina en tant que patrimoine mondial, la valorisation du patrimoine et de ses spécificités, les divers travaux d'aménagement, de restauration et de réhabilitation, l'adhésion au projet méditerranéen « médinas 2030 », le renforcement de la sécurité, la préservation du dynamisme économique social, culturel et patrimonial et la revalorisation de la fonction résidentielle de la médina. Par où doit-on commencer ? Le plus urgent à notre sens, c'est de commencer par le dernier projet cité, dans la mesure où tous les maux de la médina proviennent de la désertion de ses habitants. S'il n'y avait pas tant de maisons inoccupées, l'espace ne serait pas investi par les ateliers, les habitations seraient mieux entretenues, les lieux ne seraient pas aussi mal famés qu'on les dit, ne serviraient plus de bases pour des gens peu recommandables la nuit, la sécurité ne poserait plus de problèmes et la médina conserverait son image d'espace convivial où il fait bon vivre. Mais comment repeupler la médina ? La question mérite qu'on y réfléchisse de plus près car il n'est pas normal qu'elle ne compte aujourd'hui que 3687 habitants sur une superficie de 24 hectares !
Vocation touristique et commerçante
L'agenda 21 a une autre vision des choses, dans la meure où la revalorisation de la fonction résidentielle de la Médina fait partie des projets à long terme, c'est-à-dire, réalisables dans un délai de plus de dix ans. En matière d'urgences, les mots d'ordre se déclinent essentiellement en valorisation du patrimoine, aménagement et réhabilitation du circuit touristique, des souks, du pourtour des jardins et des remparts et en l'élaboration d'une stratégie de marketing. On semble compter sur cette stratégie pour intéresser les investisseurs, sachant que le dynamisme économique de la médina, actuellement en perte de vitesse, ne serait préservé et pourquoi pas renforcé sans valoriser la vocation touristique et commerçante de la médina. A ce propos, Mme Sana Taktak Keskes insiste : « La médina de Sfax recèle une mine d'opportunités pour les investisseurs, du moins parce qu'elle compte plus de trente habitations traditionnelles pittoresques convertibles en maisons d'hôtes, hôtels de charme, cafés touristiques, foyers universitaires, écoles privées d'arts et métiers, clubs de jeunes, bibliothèques privées etc…La réhabilitation de l'espace, la sauvegarde du patrimoine sont les affaires de tout le monde. Faute de quoi, la médina, anciennement cœur battant de la ville et centre névralgique qui rayonnait sur la région, voire au-delà, continuera de perdre son identité, son âme et, petit à petit, les attributs visibles de son authenticité». A bon entendeur, salut ! Taieb LAJILI