« Le France est une farce et on s'est fait trahir », ce sont là les propos de Bachir, alias Tunisiano, un jeune rappeur tuniso-français. Et ces propos auraient, semble-t-il, fait lieu de slogan d'une jolie frange de la société civile –à priori- de la Tunisie. La France serait-elle racleuse quant à ses rapports avec son amie et partenaire privilégié : la Tunisie, aujourd'hui éclopée par une plaie ouverte depuis 23 années ? Car voyez-vous, nous nous lassons ces derniers temps, d'entendre dire que la France veut redorer son blason, dans cet ère postrévolutionnaire, auprès de nous autres Tunisiens. Nous donnons notre langue au chat. Mais qu'a-t-elle donc fait, la France, d'aussi réprouvable? Tout s'est fait en un coup de vent. En fait, la présidence française a été prise de cours par la Révolution tunisienne. Elle n'y a probablement pas trop cru, en tous cas au début. Accordons-le lui, après tout ce n'est pas comme si la France demeurait stoïque. D'accord, la position affichait en haut de l'écran par la très bêchée et vitupérée MAM n'a fait qu'ajouter de l'huile au feu. Oser proposer une aide « policière » aux forces de l'ordre de la Tunisie afin de fustiger davantage les manifestants : audacieux, pour le moins. Et MAM a sous-estimé le pouvoir du peuple tunisien lorsqu'il s'agit de dénuder des vérités à la lisière du scandale. Mauvaise pioche MAM, il ne fallait pas rendre fiel un peuple en plein soulèvement contre un régime dictatorial ! Dans le même sillage, la France a été accusée d'arriver comme les carabiniers faisant montre de son soutien à la Révolution. Pourtant, la douce France a pris pour habitude d'être avant-gardiste dans de pareilles postures. Paris plaide coupable et Nicolas Sarkozy reconnaît publiquement qu'il a « «sous-estimé les aspirations du peuple tunisien à la liberté». Puis, l'épisode MAM a donné suite à celui de Boris Boillon, chef de la diplomatie française. Sa réaction quant à des questions posées par des journalistes lors d'une conférence de presse, jugée incongrue. Du coup, le jeune ambassadeur, circonspect, s'est mis sur le dos pas moins de 500 manifestants scandant le slogan far de la Révolution : « dégage » ! En gentleman avéré, BB a, toutefois, présenté de plates excuses. Des excuses qui n'ont pas fait mouche. L'image de la France, jadis considérée comme puritaine, part en lambeau. Sa position est, dès lors, galvaudée. Le ton est donné : il faut dénicher une esquive au plus vite, car pas question de divorcer d'avec un partenaire aussi privilégié et stratégique que la Tunisie. Paris intègre alors à grands fracas le champ du salut : un ballet de corps diplomatiques se relaye sous nos cieux, pour ainsi dire : la France est là, avec la Tunisie, pour le meilleur et pour le pire. Dans l'essence, l'ensemble des visites des ministres français, de Christine Lagarde, à Eric Besson en passant par Pierre Lellouche, notamment, a baigné dans un ultime slogan fédérateur –on croise les doigts d'ailleurs- celui de l'amitié et du travail. La looping exercée remarquablement par la France, dans cet esprit, n'a pas, pour autant que nous sachions apaisé les mœurs. Maintenant, ils versent dans la théorie du complot franco-américain. Non entendez-vous ? N'est-ce pas là une aberration que de croire à de telle élucubration ? Pis, cela peut même être qualifié de paranoïa. Le peuple tunisien nous dépeint un tableau au penchant pessimiste sur fond de négativisme quasi absolu. Fâcheux ! Si notre chère et intime amie la France s'échine à calfeutrer les brèches qu'elle a, dirons-nous, involontairement amorcé, qu'il en soit ainsi. Cela ne signifie guère que nous allons prendre les vessies pour des lanternes, tout juste que nous serions, désormais, plus à l'affut à guetter le moindre faux pas quant au dessin de la coopération bilatérale avec la France. La France n'ânonne pas un laïus mielleux dont le peuple tunisien est las. Et c'est justement le point d'orgue de tout le baroud : la France doit traiter avec la Tunisie d'égal à égal. Voilà tout !