La campagne d'épuration qui a suivi le 14 Janvier et qui continue a touché pratiquement tous les secteurs professionnels. Ce mouvement général est spontané dans le sens où il n'est régenté par aucune partie. C'est ce qu'on a vu dans les administrations qui en étaient le théâtre et où la quasi-totalité des agents s'y était engagée, la chose est avérée par ce qui s'est produit au ministère des Affaires Etrangères, par exemple. Cette action s'inscrit dans la logique de la Révolution : les symboles de la corruption et de la malversation doivent disparaître avec le régime corrompu, les forbans doivent déguerpir avec leur caïd. L'illustration la plus parlante de cette sentence populaire prononcée à l'adresse des résidus du RCD était la mise à la porte des dix-neuf gouverneurs et des délégués par les populations locales. Faute de sérieux, de la part du gouvernement provisoire, pour employer un euphémisme, le peuple a pris les choses en main et a pratiqué l'exorcisme pour chasser les démons. L'assainissement du climat social est une priorité en période révolutionnaire pour édifier le nouvel état démocratique, un projet d'une telle envergure ne peut voir le jour qu'en rompant définitivement et pour toujours avec une vieille machine dont les courroies étaient rompues et qui dégageait une fumée noire toxique, polluant l'air et le rendant irrespirable. La campagne d'assainissement Les professeurs ne sont pas restés en dehors de ce mouvement général, ils ont rejoint les masses. Leur syndicat général a amorcé le processus en exigeant du ministre la révocation de sept directeurs régionaux et de quelques chefs d'établissements trop corrompus qui se comportaient comme des agents de la Gestapo et non pas comme des administrateurs en raison de leur obédience, de leur dépendance totale aux instances du RCD et à la machine policière coercitive rompant tout lien avec le ministère de l'Education auquel ils appartenaient. Le ministre n'a pas résisté à cette exigence et a décrété le départ immédiat de ces agents d'exécution du régime pourri en signant leur disgrâce. Mais si la mauvaise réputation de ces vassaux était notoire, celle de certains d'autres de la même trempe l'était moins et c'étaient les syndicats de base qui s'en sont chargés, ils ont capturé le serpent et l'ont vidé de son venin. La dégringolade Débarrasser le corps enseignant et l'enseignement d'une façon générale de ces intrus, de ces geôliers du savoir est devenu impératif, un acte de tout urgence : l'ablation de la tumeur cancéreuse ne peut plus attendre, on devait agir très vite pour sauver le corps. Cette opération chirurgicale a été menée à bien par plusieurs syndicats de base dont ceux de la Banlieue Nord. Les directeurs renvoyés par ces derniers en collaboration étroite avec les enseignants bien sûr sont suivant l'ordre chronologique: celle de l'école préparatoire Fadhel Ben Achour de La Marsa, celui du lycée Carthage Présidence, celles de Al Jahid et de Carthage Byrsa et celui du lycée El Aouina. Une autre, celle du lycée 2 Mars de La Goulette est en passe de prendre la direction de la porte. Un haut responsable de la Direction Régionale de Tunis 1 a affirmé qu'elle a été avisée de la décision de la Direction de la démettre de ses fonctions et son remplacement par un intérimaire. Elle était très contestée par les professeurs dès les premiers jours de son entrée en exercice : elle aurait été nommée par Imed Trabelsi, de plus elle était incapable d'assurer la bonne marche de l'établissement cela on peut le deviner facilement quand on se rappelle que son protecteur est le prototype de l'ineptie humaine, donc imaginez les dégâts qu'il peut engendrer lorsqu'il se mêle au savoir. La milice est encore active Parmi tous ces directeurs limogés, celle de Al Jahid a le plus brillé par ses actes subversifs. Elle a embrigadé élèves et parents et mis à sac le collège, les scènes ont été filmées et ont circulé sur facebook. Elle a également instrumentalisé ces derniers pour terroriser les enseignants. Ces derniers vont intenter une action en justice contre elle par l'intermédiaire d'un avocat qui va déposer plainte auprès du procureur général ce samedi. Cette directrice refuse toujours de quitter les lieux et de procéder à la passation de ses prérogatives au professeur élu par ses collègues et approuvé par le ministère, et ce en dépit de l'envoi par l'autorité de tutelle d'un télégramme de révocation d'après les affirmations faites par celle-ci au Syndicat Général de l'Enseignement Secondaire. L'instance syndicale va reposer la question au ministère lors de leur réunion qui aura lieu demain, a affirmé son secrétaire général. A la recherche d'une nouvelle protection Avec le déclenchement de cette vague de limogeage, certains directeurs se sont présentés à l'UGTT et ont fait savoir à l'un des membres du bureau exécutif leur désir de constituer un syndicat. Le responsable syndical leur a expliqué que la chose n'est pas possible légalement, vu qu'ils ne représentent pas un corps à part et qu'ils sont chargés d'une fonction en tant qu'enseignants et que s'ils veulent intégrer le syndicat, ils n'ont qu'à adhérer au Syndicat Général de l'Enseignement Secondaire. D'ailleurs certains d'entre eux en sont des adhérents. Mais ces propos très plausibles ne les ont pas persuadés, puisqu'ils ont mis en place un comité provisoire et déposé une demande auprès de la centrale syndicale. Les collecteurs des « dons » Ces jours-ci, ils mènent une attaque dans les médias contre le syndicat l'accusant de semer le désordre dans les établissements !!! Mais de quel désordre parlent-ils ?! Il est clair qu'on n'a pas la même notion de la chose, ils ont une autre acception du mot. Si l'on suit leur logique, la Révolution même serait un désordre, puisqu'elle a coupé la tête pourrie du régime et a chassé quelques uns de ses grands collaborateurs tels que les gouverneurs et les ambassadeurs. Il faut qu'ils comprennent qu'ils doivent partir à leur tour, puisqu'ils étaient parmi ces collaborateurs. Ils ont envenimé l'école par leurs activités politiques et policières, leur rôle essentiel consistait à dénoncer les syndicalistes et à collecter des « dons » du 26/26 pour les mafieux moyennant sanction et menace. Vous n'avez qu'à demander aux élèves comment ils leur soutiraient de l'argent pour vous en persuader, les récalcitrants parmi eux étaient renvoyés de l'école. Et quand le président déchu organisait ses discours, ils s'ingéniaient à les faire sortir du cours et à les entasser dans les bus pour aller applaudir les palabres de ce dernier. Le processus est irréversible et le rouleau compresseur est en marche, ils ne pourront plus jamais se comporter comme ils l'ont toujours fait. D'ailleurs, le Syndicat Général de l'Enseignement Secondaire s'est mis d'accord avec le ministre lors de la première réunion sur la nécessité de réviser le mode de désignation des directeurs. Le syndicat va organiser dans les jours qui viennent des journées d'études en vue de concevoir un moyen qui soit le plus démocratique possible.