La Révolution du 14 janvier 2011 ressemble bien à un véritable laboratoire de science politique mais aussi à ce miroir. Stendhalien où se projette et se promène, le roman de notre société tunisienne en pleine mutation. Elle reflète aussi tous nos espoirs déçus par vingt trois ans de despotisme totalitaire et personnalisé, et une grande frustration élitiste et populaire d'avoir raté un grand rendez-vous avec l'histoire qui aurait pu amener le pays progressivement et pacifiquement vers la démocratie politique et le progrès économique et social. C'est ce qui fait que nous soyons si « pressé » d'arriver au but et surtout de ne pas rater à nouveau… ce nouveau rendez-vous ! Mais alors que le Tunisien moyen élevé au bon sens et dans le culte de la modération, s'attache à préserver les acquis de l'Etat moderniste, beaucoup de schismes apparaissent dans les états majors des Partis politiques, ce qui rend toute la visibilité opaque et l'avenir incertain. Commençons d'abord par les courants de gauche. L'impression que donnent certains partis marxisants c'est qu'ils n'ont pas encore franchi l'étape d'habilitation à devenir des partis de gouvernement. Ils se complaisent dans la contestation puérile et illuminée et veulent installer le pays dans le chaos révolutionnaire de la lutte des classes afin d'opérer une destructuration sociale et économique qu'ils jugent vitale, mais dont ils ne calculent pas le prix et la douleur pour un pays si fragilisé en ce moment. Je dirai un mot des partis qui se réclament du nationalisme arabe nassérien et baâthiste et là on a l'impression qu'ils vivent sur une autre planète et ne regardent pas ou ne veulent pas savoir ce que le parti au pouvoir en Syrie fait en ce moment de ce beau pays et de ce peuple admirable de culture et de civilisation et qui meurt chaque jour par dizaines sous les balles des « milices » de l'armée « baâthiste ». Les Islamistes quant à eux sont plus subtils et mieux organisés mais ils suscitent énormément de méfiance parce qu'ils ne vont pas justement droit au but. Je m'explique : les leaders « d'Ennahdha » qui ont certes gagné en charisme et en assurance surtout qu'ils sont les plus présents sur les écrans T.V et sur la scène médiatique, ont compris que le modèle que les Tunisiennes et les Tunisiens pourraient accepter à la limite ne se situe ni en Iran ni en Arabie Saoudite mais en Turquie.. ! La Turquie d'Erdogan ! En effet celle-ci fascine par ses progrès économiques et politiques. Donc… banco… Pour la tentation, on y va vers la Turquie. Mais il y a un hic ! Nos islamistes refusent de séparer la religion de l'Etat et de la politique. Du coup le modèle Turc n'est plus opérationnel parce que la Turquie est un pays « Laïc » depuis Ataturk en 1924. Pour être crédibles les islamistes devraient aller dans la voie de la rationalisation de la religion et surtout accepter de la séparer de l'Etat. Si par ailleurs un régime parlementaire à la Turque est instauré et si les élections dégagent une majorité « islamiste » modérée et rationalisée comme celle d'Erdogan, il n'y aurait plus de problème ni d'appréhension ! C'est dire si nos partis ont l'obligation en ce moment d'être honnêtes et clairs sur les programmes et surtout leurs projets de société. On ne peut pas parler de la Turquie et amputer sa constitution de l'aspect moderniste essentiel qu'est la « laïcité », ce qui n'interdit pas par ailleurs la pratique religieuse, mais la ramène à la vie privative. Le temps est peut être venu pour dire aux Tunisiens à quelle sauce ils vont être « mangés » ! Pourtant c'est si simple de comprendre que la majorité des Tunisiens veulent enfin une démocratie tranquille paisible et humaniste à l'occidentale. Encore une fois ni l'Iran, ni Cuba et encore moins la Corée du Nord… Mais une démocratie sereine facile à vivre et à comprendre… Comme l'Espagne, la France ou l'Allemagne. Pourquoi pas ! K.G zarzour [email protected]