Le jeune artiste tunisien Bayrem Ben Kilani, alias Bendir Man, s'est produit le samedi 9 juillet au musée de Carthage en compagnie du chanteur et humoriste algérien Baaziz. Le duo a concocté un programme alléchant fait de chansons humoristiques engagées et de sketches improvisés autour des sujets d'actualité. Paru sur scène en bermuda à carreaux gris clair et en T-shirt noir portant l'inscription « Ba'îth Al Kanet 2014 » (fondateur de la chaîne 2014), une casquette vissée sur la tête et des baskets aux pieds, l'artiste se montrait ainsi très à l'aise dès le début de la soirée devant un public très nombreux. Déjà, l'aspect vestimentaire de l'artiste annonçait la portée sarcastique du spectacle qu'il entama par quelques propos satiriques adressés à l'une des chaînes de télévision privée de la place, imitant en cela certains présentateurs de cette chaîne qui ne cessent d'accabler leur président de flatteries et d'éloges. Vint ensuite le tour du Premier ministre Caïd Essebsi, du parti « Ennahdha » en passant par les artistes Rochdi Alouane, Soufia Sadok et autres… Nabil Karoui, président d'une autre chaîne privée n'a pas été épargné à cause de sa déclaration d'avant la Révolution où il vantait les réalisations du régime de Ben Ali en qualifiant ce dernier de « notre père », laquelle déclaration a refait surface après le 14 janvier sur Youtube et Facebook. C'est par la chanson « Ya Bouna Lahnine » que Bendir Man critiqua Nabil Karoui pour avoir retourné la veste. Il présenta au public ses célèbres chansons aux paroles acerbes qui ont dérangé les autorités d'avant la Révolution, comme « Système » et « Elli Baâdou » (Au suivant !). D'autres chansons comme celle qui dénonçait l'émigration « Hbiba ciao » que le public connaît par cœur, ayant déjà circulé sur la toile avant la fuite du président déchu. L'ambiance fut davantage enflammée avec l'entrée en scène du chanteur algérien Baâziz qui, d'un ton satirique, exécuta d'abord en solo ses chansons engagées qui renvoient à des situations vécues avec le régime algérien et d'autres relatives à des expériences personnelles. Il débita des blagues et des anecdotes délirantes, tantôt en dialecte algérien tantôt en français. Il s'est déchaîné dans ses satires des présidents Ben Ali et Bouteflika pour les tourner en dérision. Aussitôt, l'artiste algérien fut joint sur scène par Bendir Man, portant cette fois un T-shirt avec l'inscription anglaise : « Free Feriani » en signe de contestation contre l'incarcération du policier qui avait osé dénoncer certaines anomalies au ministère de l'Intérieur ! Le duo a improvisé dans l'euphorie générale des sketches parfois trop salés autour d'événements actuels. Le ton humoristique du spectacle n'a pas caché l'aspect engagé des sujets traités dans toutes les chansons interprétées par les deux artistes. Hechmi KHALLADI
Les à-côtés : *A cause d'un T-shirt porté par l'artiste sur lequel s'est inscrite l'expression : « Ba'îth Al Kanet 2014 » (le fondateur de la chaîne) qui fait sans doute allusion au président de l'une des chaînes de télévision privées en Tunisie, les journalistes de cette dernière, venus couvrir la soirée, ont dû quitter les lieux avant même le commencement du spectacle, ne pouvant accepter que leur chaîne et leur président soient la cible d'une quelconque critique. Ils auraient dû faire preuve de fair-play démocratique et faire contre mauvaise fortune bon cœur ! *A force de railleries, les deux artistes sont parfois tombés dans le vulgaire, lors des quelques sketches qu'ils ont improvisés et qui tournaient en dérision certains chanteurs (chanteuses) tunisiens et arabes. C'étaient des paroles cuisantes et souvent très suggestives qui pourraient décontenancer plus d'un parent assistant au spectacle avec ses petits enfants ! C'est dire, qu'en matière d'humour, les artistes se sentent complètement libérés des trois tabous qui les ont muselés durant plusieurs décennies, à savoir la religion, la politique et le sexe, devenus du jour au lendemain les muses qui animent leur inspiration humoristique. C'est tant mieux ! Mais, peut-être faut-il ne pas dépasser certaines limites ! * Les moustiques ! Ces bestioles nuisibles étaient là en grandes quantités à importuner et le public et les artistes. On les voit virevolter sur la scène à travers les feux des projecteurs, exécutant leurs pirouettes acrobatiques aux sons de la musique. Les assistants ont dû agiter, durant toute la soirée leurs éventails ou mouchoirs pour éviter d'éventuelles piqûres de moustiques. Les organisateurs auraient dû pulvériser les lieux d'insecticides dès l'après-midi pour épargner au public et aux artistes de tels tourments ! * Les propos tenus par l'artiste contre Soufia Sadok ont été jugés outrageants et déplacés par le mari de la chanteuse, croit-on savoir, puisque ce dernier s'est plaint auprès du manager de Bendir Man pour exprimer son indignation ! Décidément, il nous faudra encore un bon bout de chemin pour accepter ce genre de critiques humoristiques auquel nous ne nous sommes pas encore habitués !