L'association tunisienne Almadanya a organisé avant-hier à Hammamet une conférence débat sur le thème « Constitution et démocratie » en présence de plusieurs juristes, étudiants de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et représentants de l'Initiative Citoyenne. Le programme Campus de l'Association Almadanya comme la précisé son président fondateur Lotfi Maktouf vise à installer une dynamique de formation continue et de plate-forme de réflexion au profit de tous et sans contrainte aucune. Les thèmes et les débats porteront sur la problématique du développement et la gouvernance. Le concept est de permettre à notre jeunesse d'entrer en contact direct avec des penseurs, artistes, décideurs, créateurs, aventuriers, médecins, chercheurs et scientifiques pour élargir les sources d'inspiration et de motivation. « Se situant structurellement au sommet de la hiérarchie des normes de droit interne, la Constitution reflète la nature même de la gouvernance et sert de régulateur assez fidèle de l'évolution de la démocratie d'une nation. Quel rôle revient-il à la constitution dans l'instauration et la construction d'un système démocratique ? Est-ce celui de dernier recours en cas de conflit ou celui de phare éclairant en permanence la vie politique et prévenant en amont toute collision ? Ou bien les deux rôles à la fois ? » souligné M Mektouf qui a précisé que dans le cas unique et inédit de la Tunisie, que peut-on attendre du processus rédactionnel de la nouvelle constitution ? La mission d'une Assemblée constituante est-elle de concevoir une nouvelle architecture de la société démocratique ou plutôt de s'ériger en rempart contre une nouvelle dictature ? Peut-on imaginer et consigner en un seul texte tous les garde-fous possibles à cet effet ou suffit-il d'affirmer la quintessence de la démocratie : liberté, justice indépendante, égalité et séparation des pouvoirs ? Stephen Gerald Breyer, membre de la Cour suprême des Etats-Unis depuis 1994 est réputé être l'un des membres les plus progressistes de la Cour suprême. On l'appelle « Mister Justice ». Stephen « Justice » Cet homme est l'un des plus influents des Etats-Unis et l'un des neuf membres de la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire. De Washington et en vidéo-conférence, il a parlé de la constitution américaine, des relations entre les différents pouvoirs, la liberté d'expression, le respect des droits individuels, la discrimination positive, la place de la constitution et le rôle du juge dans nos démocraties. Son approche est séduisante, car elle a pour but de coller le plus étroitement possible au fondement de la démocratie, à savoir « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Elle constitue une manifestation de ce qu'il appelle la « Liberté Active », c'est à dire l'association intime de la liberté du peuple dans son ensemble vis à vis de ses gouvernants, avec la liberté individuelle, protégeant les citoyens de la tyrannie de la majorité. Cet équilibre subtil suppose un jeu de pouvoirs et de contre-pouvoirs et des liens entre gouvernement et peuple fondés sur la responsabilité et la participation. Le juge Breyer a estimé que le régime présidentiel américain n'est pas transposable en Tunisie. « Les Tunisiens doivent penser à un régime politique qui répond aux attentes de la population. Il faudrait garantir un Etat de droit avec une constitution élaborée par les forces de la raison et la société civile » dit-il. Le modèle turc a été présenté par les Pr Ahmet Goken de la Faculté de droit de Marmara et Izzet Ozgenc de l'université d'Ankara. Le modèle turc parlementaire civil et laïc a-t-il des chances d'exercer une attraction sérieuse sur la Tunisie. ? Ce modèle est-il transposable ? Cette expérience de la modernité politique turque s'est invitée au cœur du débat et a alimenté les réflexions. La Turquie qui offre une «combinaison réussie » de système démocratique et d'islam politique modéré peut-elle exporter son modèle vers les autres pays arabes ? Pour les deux universitaires turcs, le vrai débat est un débat sur le projet de société que les Tunisiens veulent instaurer et qui leur permettra de mieux vivre ensemble demain. Quel genre de démocratie conviendrait à la population ? Le modèle américain ou allemand convient-il aux Tunisiens ? Les tunisiens doivent prendre leurs destinées entre leurs mains et créer leur propre constitution qui répond aux attentes du peuple. Cette conférence débat est clôturée par la présentation d'un groupe d'étudiants de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis d'un projet d'une nouvelle constituante de la Tunisie. Pr Rachida Ennaifer a précisé que le séisme a ébranlé l'ordre juridique en Tunisie. Nous voulons, avoue-telle, une nouvelle Constitution. Ces jeunes étudiants rêveurs et bâtisseurs à la fois ont lancé un défi à la société tunisienne et ont réussi à rédiger ce projet en quatre mois ». Kamel BOUAOUINA