En 2009, le RCD n'avait pas chômé pendant le mois du jeûne : il en avait profité pour poursuivre sa campagne (sa comédie) électorale même dans les mosquées. Qu'en sera-t-il cet été alors que ce parti est dissous et que nous avons plus de 100 formations politiques concurrentes pour les élections de l'Assemblée constituante d'octobre prochain ? D'ordinaire, le mois saint n'est pas propice à l'activité politique ; nous parlons plus particulièrement de ses veillées que le Tunisien consacre plutôt à ses loisirs nocturnes préférés : télévision, sorties en famille, visites aux proches et aux amis, jeux de cartes au café, courses en ville à partir de la deuxième quinzaine du mois, etc. Mais le Ramadhan de 2011 sera de toute évidence déterminant pour les partis politiques lesquels sont condamnés à n'observer aucun répit en prévision de la date fatidique du 23 octobre. A qui les 30 prochains jours de jeûne profiteront-ils ? Tout le monde est tenté de répondre : « aux partis religieux, à priori ! ». Est-ce à dire que les autres partis se contenteront d'un rôle de figurant ? C'est à voir ! En tout cas, le Ministre des Affaires religieuses vient de rappeler que les lieux de culte resteront chez nous à l'écart des campagnes et des débats politiques. Nous verrons ce qu'il en sera au mois d'aout.
Contexte favorable
Il est sûr qu'un parti comme Ennahdha tire déjà profit des rassemblements quotidiens organisés spontanément aux heures de prière pour mener sa campagne auprès des fidèles. La prière du Vendredi constitue, par ailleurs, un précieux rendez-vous pour mobiliser les prieurs et diffuser les multiples messages islamistes. Au mois de Ramadhan, s'ajouteront à ces meetings non programmés les prières supplémentaires appelées « ettaraouih » qui se prolongeront certainement au-delà des limites prévues et offriront une plage horaire quotidienne pendant laquelle le contact avec la foule sera direct et peut-être plus efficace. Le Parti « Ettahrir » travaillera sûrement en concert avec les hommes de Rached Ghannouchi pour renforcer sa position de rival sérieux pour la Constituante. On peut s'attendre aussi à ce que les nationalistes arabes tunisiens soient au rendez-vous lors de ces réunions religieuses longtemps interdites aux opposants islamistes et panarabistes. Nous voyons mal en effet comment les partisans de Béchir Essid, les baâthistes de tous bords et les autres unionistes arabes, même marxistes, rateraient une telle opportunité pour se rapprocher davantage de leurs futurs électeurs ; surtout que nombreux sont les Tunisiens qui, sans être des habitués des maisons de Dieu, choisissent pendant le mois de Ramadhan d'y accomplir leurs prières du soir.
Les médias, une aubaine !
Que feront les « communistes » francs ou déguisés, dans ce cas ? A notre avis, l'opportunisme politique imposera à certains d'entre eux de «s'infiltrer » parmi les croyants et de jouer le jeu des « convertis de circonstance », comme l'ont fait pendant des décennies plusieurs hommes politiques de l'ère Bourguiba et du régime de Ben Ali. Que coûtera l'affaire ? Pas plus qu'une jebba de fidèle, qu'une barbe de quelques jours si par malheur on n'est pas naturellement glabre, que la récitation de quelques versets coraniques et de certains hadiths du prophète Mohammed, en plus d'une connaissance même approximative de quelques faits et personnalités historiques de l'Islam. Pour les autres, il faudrait batailler pour dénicher d'abord des espaces de meetings qui restent ouverts la nuit et ensuite pour réunir un maximum de gens tentés par les débats politiques, un soir de Ramadhan et d'été. En ce qui concerne les activités diurnes, elles risquent de ne pas rassembler beaucoup de monde ; la plupart des Tunisiens pratiquent le jeûne et auront donc de la peine à se concentrer sur des discours politiques à répétition. Une autre porte à frapper : celle de la télévision. Nous savons tous que pendant le mois saint, celle-ci enregistre ses plus forts taux d'audience, notamment entre la rupture du jeûne et 22 heures. Il faudrait dans ce cas se faire programmer entre deux feuilletons, ou bien se faire inviter le plus de fois possible au journal télévisé. En tout cas, il est hors de question de se retirer de la scène et de laisser le champ libre à ceux que le calendrier de l'Hégire favorise, du moins sur le papier ! Que reste-t-il encore : ah ! La presse écrite. Les journées ramadanesques sont longues à passer, c'est pourquoi une majorité de Tunisiens achète et/ou lit régulièrement plus d'un journal par jour. Multiplier donc les interviews, les scoops, les annonces chocs, voire même les provocations. L'essentiel étant de se faire connaître un peu plus et de gagner quelques sympathisants, tout en sachant néanmoins que les partis rivaux opteront pour la même tactique et ne renonceront pas facilement aux aubaines journalistiques !