Comment peut-on parler d'un programme de réforme du secteur de la santé permettant d'assurer l'équité de l'accès à la santé et aux prestations médicales quand une des mesures de ce programme prévoit le désengagement de l'Etat du financement du secteur de la santé et le recours aux associations caritatives dont les fonds pourraient être d'origine douteuse pour la création, le financement et l'exploitation des hôpitaux et des cliniques. Il s'agit de la mesure N° 152 appelant clairement à « revoir les modalités de financement du secteur médical en vue d'impliquer le secteur associatif dans la création des cliniques ». Cette mesure pourrait mettre à mal l'un des piliers du régime républicain qu'est la santé. Ce faisant, l'Etat ne pourra plus être garant de l'équité de l'accès à la santé, de la couverture sociale et des prestations médicales, pour tous les citoyens. En outre, cette mesure pourrait aussi mener à l'appauvrissement des structures publiques de la santé et à les mettre en concurrence déloyale avec des structures parapubliques financées par des associations caritatives. Par ailleurs, cette mesure est de nature à mener à la discrimination et au clientélisme politique conditionné par une affiliation au parti politique au pouvoir ou aux groupes d'intérêts influents. La Révolution du 14 janvier est venue, entre autres, pour réclamer justice et équité en matière de prestations sanitaires. Seule une réforme profonde et rationnelle du secteur de la santé pourrait répondre aux attentes des citoyens. Elle mènerait à moyen terme à une couverture sanitaire totale, équitable et sans discrimination, à des structures hospitalières efficaces et efficientes à travers le pays, et au développement d'une industrie médicale, paramédicale, et pharmaceutique moderne et novatrice, créatrice d'emplois et de valeur ajoutée. L'aboutissement serait l'équilibre des régions. Avec des mesures émanant des anciens projets de restructuration du secteur de la santé, à connotation ultra-libérale, le programme de la santé d'Ennahdha ne pourrait qu'accroître le malaise et les injustices qui sévissent dans le secteur de la santé, détériorer davantage la politique sociale sanitaire existante depuis longtemps contestée par les experts du domaine et fort préjudiciable notamment aux personnes à faibles revenus, aux sans emplois et aux indigents. Le programme parle de généralités, comme l'amélioration du « système de santé régional pour fournir tous les services médicaux spécialisés de qualité et équitables dans toutes les régions. Pour ce faire, il sera procédé à un découpage du pays en six grandes zones hospitalières ». Ce programme n'apporte aucune mesure concrète pour améliorer les conditions de travail et de sécurité du personnel médical et paramédical, et dans les structures de la santé. En plus, aucune mesure concrète n'a été proposée pour inciter et convaincre le personnel médical et paramédical à s'installer dans les régions intérieures du pays. Enfin, en l'absence de clarté, tout porte à croire que ce programme santé dénote la méconnaissance totale des « experts » qui l'ont élaboré, du système de santé en cours en Tunisie étant donné que ce qu'ils proposent comme nouveautés en matière de spécialité médicale existe déjà depuis fort longtemps (secourisme, psychologie, etc…). Comme il n'est plus permis, la santé pour Ennahdha serait au service de l'appareil politique et/ou des groupes d'intérêts. Toutefois, le programme, contient quelques éléments positifs comme l'ambition de « faire de la Tunisie un pôle du tourisme médical en s'appuyant sur une stratégie marketing destinée principalement aux marchés arabes, africains et européens. » Mais est-ce véritablement une nouveauté ? Cette proposition était bien incluse dans tous les derniers plans de développement.