Trois listes, au moins, entreront en lice pour les treize sièges du Bureau exécutif Vers la constitution d'une liste consensuelle conduite par quatre membres du Bureau exécutif sortant Rejet de treize candidatures, dont celle de Adnène Hajji, ex-prisonnier d'opinion et ancien porte-parole du mouvement de protestation du bassin minier Le 22ème congrès de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) qui s'ouvre aujourd'hui à Tabarka sera forcément marqué par un important taux de renouvellement au niveau du Bureau exécutif national. Et pour cause: l'article 10 du règlement intérieur de l'UGTT a barré la route à neuf membres du Bureau exécutif sortant, dont le secrétaire général de la centrale syndicale, Abdessalem Jerad. Conformément à cet article adopté lors du congrès extraordinaire de Djerba (février 2002) pour favoriser l'alternance au sein des instances dirigeantes de la principale centrale syndicale du pays, seuls quatre membres du Bureau sortant ont pu briguer un nouveau mandat: Belgacem Ayari, Mouldi Jendoubi, Hassine Abbassi et Moncef Ezzahi. La brèche laissée par le retrait forcé de la majorité des membres du Bureau sortant a attisé les convoitises des syndicalistes, dont plus de 80 ont présenté leurs candidatures. Anciens membres du Bureau exécutif pendant les années 80 et 90 comme Hédi Ghodbani, Abdennour Meddahi et Abdelmajid Sahraoui, dirigeants de structures intermédiaires à l'instar de Noureddine Tabboubi (union régionale de Tunis) et Sami Tahri (syndicat de l'enseignement secondaire) ou encore représentants du comité national de la femme travailleuse, tous convoitent les treize sièges du Bureau exécutif, qui constitue l'une des plus hautes instances dirigeantes de l'organisation. L'opération de vérification de la recevabilité des candidatures par la section du règlement intérieur a abouti au rejet de treize candidatures. Il s'agit, entre autres, de celles de Adnène Hajji, ancien prisonnier d'opinion et ex-porte-parole du mouvement de protestation du bassin minier dont l'adhésion à l'UGTT a été gelée en 2008 et d'Ahmed Kahlaoui, ancien dirigeant du syndicat de l'enseignement secondaire, lequel ne dispose plus d'une adhésion à l'organisation depuis quelques années . Listes En dépit de cette mise à l'écart règlementaire d'un nombre conséquent de prétendants, une pléthore de candidats jamais connue dans les annales du mouvement syndical tunisien reste dans la course électorale. Les tractations sur la constitution de listes se poursuivent encore dans la discrétion la plus totale. Une chose est, cependant sûre : trois listes, au moins, entreront en lice pour le sièges du Bureau exécutif. Selon les premières indiscrétions, une liste consensuelle est en cours de constitution. Outre les quatre membres du Bureau exécutif sortant qui briguent un nouveau mandat, cette liste devrait compter des représentants des unions régionales, dont Noureddine Tabboubi (Tunis), Mohamed Msalmi (Ben Arous), Abdelkarim Jerad (Sfax), et des représentants des secteurs comptant un nombre important d'adhérents comme Sami Tahri (enseignement secondaire), Hfaïedh Hfaïedh ( enseignement primaire), Kamel Saâd ( fédération du tourisme) et Mongi Ben Mbarek ( fédération des télécommunications). Une deuxième liste devrait être constituée par ce qu'il est convenu d'appeler l'opposition syndicale, qui s'est regroupée au sein d'un courant baptisé «La Rencontre syndicale démocrate et militante». Aux dernières nouvelles, cette liste se composerait, entre autres, de Radhi Ben Hassine (ancien membre du Bureau exécutif de l'union régionale de Tunis) Jilani Hammami (ancien secrétaire de la fédération des télécommunications), Fraj Chebbah et Taïeb Bouaïcha (anciens dirigeants du syndicat de l'enseignement secondaire). Une troisième liste devrait être constituée par des syndicalistes indépendants qui se regrouperaient autour de l'ex secrétaire général adjoint de l'UGTT, Hédi Ghodbani. A ce stade, les pronostics demeurent hasardeux tant les alliances pourraient se faire et se défaire au gré des arrangements de dernière minute entre les diverses sensibilités politiques qui traversent l'organisation. Enjeux Le nombre record de candidats et la grande discrétion qui entoure les tractations sur la constitution des listes dénotent les enjeux colossaux du congrès qui se poursuivra jusqu'au 28 décembre. Placé sous le slogan «Ô peuple je t'aime» (Emouvant cri du martyr Farhat Hached qui exprime la confiance de ce leader nationaliste et syndical en son peuple, NDLR) , ce congrès constituera, de l'avis de tous les syndicalistes, une occasion pour redorer le blason de l'organisation terni par des présumées relations suspectes avec le palais de Carthage qui ont été révélées notamment par le dernier rapport de la Commission d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CICM) qui accuse ouvertement certains dirigeants de l'organisation « d'inféodation au régime de Ben Ali, d'abus de pouvoir et de malversations». Universitaire et conseiller économique de l'UGTT, Abdeljelil Bédoui estime que ce congrès sera un moment d'auto-critique, d'assainissement des structures et de refondation de l'action syndicale. «Une occasion historique s'offre aujourd'hui à l'organisation ouvrière pour revoir le modèle de développement économique et social tunisien vers plus de justice entre les régions et les catégories. La classe ouvrière a été plusieurs années durant victime des disparités sociales, de la pression fiscale et des modes de travail précaire», précise-t-il. Et d'ajouter: «Ce 22ème congrès devrait aussi représenter une occasion pour élire des dirigeants crédibles et influents et pour rompre définitivement avec l'instrumentalisation de l'UGTT à des fins politiques ou personnelles».