Consensus toujours introuvable et possibilité de constitution de deux listes soutenues par la direction sortante «L'UGTT doit jouer un rôle d'acteur, de vigie et d'accompagnateur du processus démocratique», affirment les congressistes Les travaux du 22ème congrès ordinaire de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) se sont poursuivis hier à Tabarka par la discussion des rapports moral et financier présentés lundi. Les intervenants dans le cadre du débat général ont unanimement appelé à repenser le rôle de la première centrale syndicale en Tunisie qui a été un acteur dans tous les événements majeurs de l'histoire contemporaine du pays. Rappelant que plusieurs unions régionales et syndicats généraux ont soutenu activement les manifestants contre le régime de Ben Ali au plus fort de la révolution contre l'avis de la direction de l'organisation, plusieurs intervenants ont affirmé que l'UGTT doit retrouver son rôle de contre-pouvoir. « Il y a une année, des syndicats militants comme ceux de l'enseignement secondaire, de la santé et de la poste avaient apporté un précieux soutien aux manifestants de Sidi Bouzid et Kasserine et accentué la pression sur le régime de Ben Ali qui a fini par s'effondrer comme un château de cartes. C'est d'une organisation syndicale forte et indépendante vis-à-vis du pouvoir que la Tunisie a aujourd'hui besoin », a martelé Mongi Ben M'barek, secrétaire général de la fédération de la poste et des télécommunications. Et d'ajouter : « Notre organisation doit désormais jouer le rôle d'acteur et accompagnateur de du processus démocratique en cours. Bref, elle doit constituer un véritable contre-pouvoir». De son côté, Slaheddine Mezni (fédération de la poste) a noté que «les organisations de la société civile comptent sur l'UGTT pour qu'elle joue le rôle de vigie contre toute dérive autoritaire du nouveau pouvoir», tout en reprochant à la direction sortante de l'organisation de s'être désolidarisée des manifestants de Sidi Bouzid. Solidarité renforcée Réagissant à ces critiques, le secrétaire général sortant de l'organisation, Abdessalem Jerad, a rappelé que nul n'est infaillible. « Critiquez la direction. Tout le monde peut se tromper. Mais ne portez pas atteinte à l'unité de l'organisation», a-t-il déclaré. Malgré ces petites rivalités entre les syndicalistes qui étaient proches de l'ancien régime, notamment les membres de la direction sortante, et les partisans de l'indépendance de l'organisation, les attaques répétées contre l'UGTT semblent avoir renforcé la solidarité entre les diverses tendances qui traversent l'organisation. . Plusieurs intervenants ont, en effet, appelé à défendre l'organisation contre les attaques dont elle fait l'objet. «Les syndicalistes doivent placer leurs divergences entre parenthèses pour pouvoir contrer les campagnes de dénigrement visant à affaiblir leur organisation », a indiqué Naceur Zeribi (syndicat de l'enseignement secondaire). Même son de cloche chez Mohamed Chaâbane ( union régionale de Sfax) a noté que l'UGTT qui a été de tous les combats pour les libertés et la justice sociale malgré quelques dérives restera une citadelle imprenable. Boubaker Metir (union régionale de Zaghouan) a, quant à lui, appelé à privilégier le consensus et l'intérêt général de l'organisation qui a un devoir moral vis-à-vis du processus de démocratisation et des travailleurs. Consensus introuvable Sur le plan électoral, le flou règne toujours sur la composition des listes qui entreront en lice pour les sièges du Bureau exécutif d'autant plus que près de 64 candidats restent dans la course électorale. La liste consensuelle soutenue par la direction sortante ne s'est pas encore précisée Elle compte encore une vingtaine de noms pour treize postes à pourvoir seulement. Selon les indiscrétions, le secrétaire général adjoint chargé de la fonction publique sortant Moncef Ezzahi a été exclu de cette liste. Par contre, les trois autres secrétaires généraux sortants (Mouldi Jendoubi, Hassine Abbassi et Belgacem Ayari) bénéficient du soutien d'une partie importante des congressistes. Outre ces trois membres sortants du Bureau exécutif, d'autres candidats ont de fortes chances de figurer dans la liste consensuelle Il s'agit, notamment, de Noureddine Tabboubi ( secrétaire général de l'union régionale de Tunis) Mohamed Msalemi (secrétaire général de l'union régionale de Ben Arous, Sami Tahri (secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire) Anouar Ben Gueddour (membre de la fédération de l'enseignement supérieur) et des deux membres de l'Union régionale de Sfax, Hédi Jemaâ et Abdelkrim Jrad. Les difficultés que connaît la constitution de cette liste consensuelle pourraient conduire à la constitution d'une deuxième liste soutenue par la direction sortante. Une autre liste devrait être constituée par « l'opposition syndicale», dont une partie s'est regroupée au sein d'un courant baptisé «L'entente syndicale démocrate et militante». Aux dernières nouvelles, cette liste se composerait, entre autres, de Radhi Ben Hassine (ancien membre du Bureau exécutif de l'union régionale de Tunis) Jilani Hammami (ancien secrétaire de la fédération des télécommunications), Fraj Chebbah et Taïeb Bouaïcha (anciens dirigeants du syndicat de l'enseignement secondaire). Les travaux du congrès se poursuivront aujourd'hui par la discussion des motions avant de s'achever par les élections qui concerneront le Bureau exécutif, la commission nationale du règlement intérieur et la commission du contrôle financier. Walid KHEFIFI
Dans les coulisses Appel à la révision de l'accord d'association avec l'UE Le porte-parole du congrès Abid Briki a déclaré, lundi soir, que «les syndicalistes appellent à la révision de l'accord d'association conclu entre la Tunisie et l'Union européenne (UE) et des conventions signées par le précédent gouvernement entre la Tunisie et les Etats-Unis. «Les accords singés avec l'Europe et les Etats-Unis ont été préjudiciables pour la Tunisie, et pour les travailleurs en particulier », a –t-il précisé. 23 candidats à la commission du règlement intérieur Vingt-trois syndicalistes ont présenté leurs candidatures pour la commission nationale du règlement intérieur. Le nombre de candidats à la commission du contrôle financier a, quant à lui, atteint dix-sept. Abdelmajid Sahraoui, candidat de la région du Sahel Les congressistes de la région du Sahel ont tenu lundi soir une réunion dans l'hôtel abritant les travaux du congrès. Ils se sont mis d'accord sur le soutien de la candidature de Abdelmajid Sahraoui, actuel secrétaire général de l'Union Syndicale des Travailleurs du Maghreb Arabe (USTMA) 5 candidats du syndicat de l'enseignement secondaire Le syndicat général de l'enseignement secondaire qui compte plus de 60.000 adhérents et 66 délégués au congrès est la structure intermédiaire qui a présenté le plus grand nombre de candidats au Bureau exécutif. Cinq candidats, dont Sami Tahri et Taïeb Bouaïcha, sont en effet des dirigeants de ce syndicat connu pour sa combativité. Le coût du congrès s'élève à 300 mille dinars Le secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé des finances, Mohamed Saâd, a précisé que le coût global du 22ème congrès s'élève à environ 300.000 dinars. Ces dépenses couvrent notamment, selon lui, les frais d'hébergement et du transport des congressistes. M. Saâd a également noté que l'UGTT a compté sur ses propres moyens financiers pour l'organisation de ce congrès. Le PCOT n'a pas encore choisi son candidat Le Parti Ouvrier Communiste Tunisien (POCT) n'a pas encore choisi définitivement son candidat au Bureau exécutif de l'UGTT. Alors que la direction du parti soutient la candidature de Jilani Hammami, ex-secrétaire général de la fédération de la poste et des télécommunications, les syndicats généraux soutiennent plutôt la candidature de Hefaïedh Hefaïedh, ancien dirigeant du syndicat de l'enseignement de base. Hamadi Jebali envoie un télégramme de félicitations Le nouveau Premier ministre, Hamadi Jebali a adressé aux congressistes un message de félicitations dans lequel il a souhaité la réussite des travaux du congrès et rappelé le rôle de premier plan qu'a joué l'organisation dans la révolte contre le régime de Ben Ali. Le chef du gouvernement a fait savoir par ailleurs que « l'UGTT ne ménagera aucun effort pour contribuer à relever les défis qui se posent à l'échelle nationale, à réaliser les aspirations légitimes du peuple Tunisie », tout en invitant l'organisation syndicale à « placer l'intérêt du pays au dessus de toutes les considérations». 70 millions de dinars de revenus Les revenus de l'UGTT ont atteint 70 millions de dinars durant la période 207-2011. Ces ressources proviennent essentiellement des adhésions (60%) et de la location des locaux de l'organisation et des bénéfices dégagés par la société d'assurances AMI, propriété de l'organisation. Les dépenses ont atteint, quant à elles, 69 millions de dinars. Ce montant a été dépensé notamment dans la construction d'un nouveau siège central pour un coût de 20 millions de dinars, les salaires de quelque 538 employés permanents, le renouvellement du parc automobile et les aides accordées aux travailleurs licenciés pour des raisons économiques ou techniques. Les femmes syndicalistes protestent Les femmes syndicalistes qui participent au congrès ont protesté hier contre la misogynie qui a marqué, selon elles, les travaux des trois premières journées. Ces protestations ont eu lieu quand un grand nombre de congressistes ont quitté la salle où se déroulait le débat général quand une déléguée femme a pris la parole.