L'immunité des membres de la Constituante, la commission du règlement intérieur, les commissions de suivi et d'investigation, leurs compositions, prérogatives, durées, ont été au centre des débats marathoniens d'hier matin, concernant le règlement intérieur, abrités par le Palais du Bardo, tenus sous la présidence de Mme Meherzia Laâbidi, première vice-présidente de l'Assemblée Nationale Constituante, en présence d'étudiants de la Faculté des sciences politiques et juridiques de Tunis. Au début des travaux, Ameur Laâridh, président de la Commission du règlement intérieur, a précisé que l'option pour des groupes composés à partir de dix membres est de nature à permettre au maximum de groupes de se former et d'être présents dans les différentes commissions. Chaque membre d'une commission a la possibilité de participer aux travaux de trois commissions pourvu qu'elles soient de natures différentes. Les commissions sont classées comme commissions constituantes, législatives et spéciales. Il est possible de réduire le nombre de ces commissions, ce qui pourrait alourdir leur travail. Certains proposent la création d'autres commissions comme celle de l'emploi ou celles s'occupant de questions urgentes. Comment vont travailler ces commissions alors que leurs membres appartiennent à plusieurs d'entre elles ? C'est une question plutôt pratique que légale qui peut être résolue par le calendrier des réunions établi par le bureau de la Constituante. Tarak Bouaziz (Al Aridha), propose que la commission de l'immunité soit composée par un membre de chaque groupe. Il considère que les commissions d'investigation s'intéressent à des questions fondamentales. Leurs conclusions doivent être exposées en séances plénières sans passer par la conférence des présidents. Il appelle à ce que les membres de la commission du règlement intérieur soient réélus. Slim Ben Abdesslem (Ettakatol), propose la fusion des deux commissions, celle de l'immunité et celle du règlement intérieur, pour offrir l'occasion aux élus de participer à d'autres commissions. Pour les commissions spéciales, aucun groupe ne pourra en présider plus du tiers.
Ouverture sur la société civile
Skander Bouallègue (Al Aridha), propose que les commissions de suivi soient dénommées, commissions de justice transitionnelle. Les revendications des familles des victimes ne se limitent pas aux dédommagements matériels. Concernant la commission de la réforme administrative et des malversations financières, elle ne devra pas s'occuper uniquement de la période révolutionnaire. Ceux qui ont pillé les biens publics ne doivent pas être épargnés. Fayçal Jedlaoui (indépendant liste la justice), a rappelé que la Révolution a eu lieu en réponse aux malversations financières et à la corruption et a proposé que la commission des martyrs soit ouverte à la société civile et ses composantes comme la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH), le Conseil de l'Ordre des Avocats.. Il propose que le rapport de la commission soit impérativement présenté en séance plénière de l'assemblée. Mme Monia Gasri (Ennahdha), propose la fusion des commissions d'investigation et de suivi et s'interroge sur le sort des snipers. Elle suggère la création d'une commission pour les questions d'intérêt national, tout en retirant l'article 84 stipulant que le rapport des commissions soit soumis au président de la Constituante qui, à son tour, l'expose à la conférence des présidents qui pourrait le passer en plénière ou non. Monia Barhim (Ennahdha), rappelle que le texte proposé parle de la levée de l'immunité, sans parler de son rétablissement, ni quand elle sera levée. Elle propose la création d'une commission pour le contrôle des concours de recrutement dans les entreprises et la fonction publiques. Mohamed Tahar Ilah (indépendant, liste l'Avenir), propose la création d'une nouvelle commission pour le réexamen des conventions internationales et du document de l'indépendance de la Tunisie que chaque constituant doit pouvoir examiner. Heythem Belgacem (CPR), propose la création d'une commission de dix membres pour la transparence, le lancement d'une chaîne de télévision parlementaire, la mise à la disposition du public des procès-verbaux à l'exception des questions touchant à la sécurité, ainsi que le suivi du vote des membres de la Constituante.
Trop de commissions
Samir Ben Amor (CPR) a proposé que la commission de l'immunité composée de 10 membres représente tous les groupes. Pour ce faire, il faudra qu'elle ait un membre pour tous les vingt constituants. Mohamed Ali Nasri (CPR) de Kasserine, a précisé que l'article 82, évoquant la commission des martyrs, doit aussi évoquer les victimes du gaz lacrymogène, ceux qui ont été torturés dans les postes de police, rappelant que les plus jeunes des martyrs est un enfant décédé pour avoir inhalé du gaz. Walid Bennani (Ennahdha), considère qu'il faut revoir la répartition des sièges au sein de la commission des martyrs et des blessés de la Révolution. Il propose que le nombre de ses membres s'élève à 22. Elle doit faire le suivi des procès des tueurs. La commission de lutte contre la corruption doit présenter des rapports périodiques publics vu leur effet sur l'opinion publique. Abdelbasset Bechikh (Ennahdha), a précisé qu'il ne faut pas se limiter à la période Ben Ali. Il faut englober toute la période de dictature. Il craint que la multitude de commissions, sans que la durée de leurs travaux soit fixée, dilue les problèmes. Fadhel Moussa (PDM), rappelle que les commissions de suivi ont un rôle fondamental à jouer. Toutefois, il considère que le Règlement intérieur sert plutôt un Parlement qui va travailler cinq ans. Le nombre des commissions est très élevé. Dans les commissions de suivi, celle des questions financières est très importante. Abderrazak Khallouli (PDM), suggère de retirer les articles 80 et 81. Il ne voit pas pourquoi la commission du Règlement va poursuivre ses travaux. Il considère que l'amnistie générale mérite une commission à part et propose de mettre fin au travail de la commission d'investigation présidée par Abdelfattah Amor qui n'a pas de légitimité populaire. La commission constituée par la constituante assurera la relève. Azad Bady (CPR), propose que les décisions de la commission de l'immunité soient prises au plus tard dans les 72 heures. Les travaux des commissions de suivi et celles d'investigation doivent impérativement passer devant la plénière.
Ne pas oublier les disparus
Abderrazak Kotty propose de création d'une commission de contrôle du budget de l'Etat, qui fasse l'audit des chiffres…Elle peut recourir à l'apport d'experts. Mme Moufida Marzouki (Ennahdha), affirme que la levée de l'immunité doit se faire dans des délais bien fixés. Elle considère que la fusion des commissions fera augmenter le nombre de leurs membres. Abderraouf Ayadi (CPR), pense que la commission de l'immunité peut être composée de cinq membres, de préférence des juristes. La justice transitionnelle, doit faire l'objet d'une grande commission. Il appelle à ce que les disparus ne soient pas oubliés. Les commissions de suivi et d'investigation peuvent être fusionnées. Mme Selma Sarsout (Ennahdha), propose de fusionner les commissions de l'immunité et du Règlement intérieur. Elle trouve que le nombre des commissions est très élevée, tout en proposant la création d'une commission de contrôle des concours de recrutement. Mohamed Néji Gharsalli (PDP), considère qu'il y a une inflation de commissions. Le nombre d'élus ne suffit pas pour les meubler. Il propose la fusion des commissions de l'immunité et du règlement intérieur et suggère que la commission s'occupant des malversations financières se penche sur les anciens budgets. Les allocations réservées à Kasserine se répètent d'une année à l'autre sans effet sur la réalité de la région. Ameur Laâridh, président de la commission du règlement intérieur a annoncé son futur départ pour d'autres responsabilités, tout en précisant que les propositions faites par les élus sont nombreuses dont un grand nombre concerne la commission des martyrs. Il a affirmé que le travail de cette commission touchera les cinquante dernières années. Elle travaillera de concert avec le ministère créé par le Gouvernement. Concernant les malversations, ce qui compte ce ne sont pas les termes retentissants, mais l'efficacité et la clarté, sans esprit de vengeance. L'essentiel est de récupérer l'argent volé. Les commissions sont ouvertes aux différentes composantes de la société civile. Il est favorable à ce que ces commissions aient 11 membres. Ainsi, tous les groupes y seront représentés, proportionnellement à leur poids au sein de la Constituante, sur la base d'un représentant pour 20 élus. Les différentes propositions seront soumises au vote. La séance de l'après-midi a été consacrée à la loi de finances 2012, avant de revenir au Règlement intérieur. L'échéance du 31 décembre impose d'achever la loi de finances, à temps. Hassine BOUAZRA