De notre correspondant particulier à paris Zine Elabidine Hamda - Depuis mai 2011 date à laquelle le QSI (Qatar Sports Investments), contrôlé par le prince héritier du Qatar Cheikh Tamim al-Thani, a acquis le PSG, club de football parisien, en rachetant à Colony Capital Europe 70% du capital du club pour environ 40 millions d'euros, le paysage audiovisuel français est entré en ébullition. L'entrée dans le capital du PSG ne s'inscrit pas seulement dans une perspective sportive. Elle semble avoir des dimensions stratégiques pour le Qatar. En effet, outre les événements successifs liés à la vie du club sportif, qui ont fait la une des journaux, les investisseurs qataris ont l'ambition de faire du PSG un grand club européen et de se lancer dans une opération médiatique « française » de grande envergure. Acte un de cette razzia des temps modernes, le volet sportif débute par l'acquisition du club. Finalisée à l'avant-saison, elle s'est poursuivie par le recrutement du brésilien Leonardo comme directeur sportif et du spécialiste en économie sportive Jean-Claude Blanc, ancien patron de la Juventus de Turin, nommé comme directeur général du club. Or, pour rivaliser avec le FC Barcelone, le Real Madrid ou Manchester United, un budget de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros est nécessaire. Une première mise de l'ordre de 200 millions d'euros est engagée pour de nouvelles acquisitions. 89 millions d'euros sont déjà déboursés pour le recrutement d'intersaison dont 42 millions pour le transfert de l'argentin Javier Pastore. D'autres noms s'ajoutent à la liste : les Français Kevin Gameiro, Jean-Christophe Bahebeck, Mohamed Sissoko, Jeremy Menez, Blaise Matuidi et Nicolas Douchez, le Serbe Milan Bisevac, l'Italien Salvatore Sirigu et l'Uruguayen Diego Douchez. Avec ce groupe, le PSG entraîné par Antoine Kombouaré termine champion d'automne. Mais l'objectif étant de préparer le club à jouer les premiers rôles en Ligue des Champions, Kombouaré est débarqué et remplacé par l'Italien Carlo Ancelotti, détenteur de deux coupes d'Europe. La tentative de recruter Beckham , Kaka et Pato n'ayant pas abouti, le club se contentera de l'arrivée du brésilien Maxwell pour conquérir le titre de champion en attendant la fin de saison. Sur un autre plan, les nouveaux dirigeants planchent sur la préparation d'une équipe compétitive, la construction d'un centre d'entraînement, dont les travaux ont commencé, à la hauteur des nouvelles ambitions du club, et la rénovation du Parc des Princes en vue de l'Euro 2016. D'après des sources proches du projet, Il serait question de rebâtir à la place un grand stade de 80.000 places. Une rumeur bruit même, depuis quelque temps, que les Qataris auraient l'intention de se porter acquéreurs du Stade de France en rachetant les parts de Bouygues et de Vinci. Intrusion dans le paysage médiatique Acte deux de l'opération, l'arrivée d'Al-Jazeera Sport dans le paysage médiatique français. L'acquisition du PSG semble être la pointe de l'iceberg. En effet, Al Jazzera se prépare à lancer pour le mois de juillet 2012, à partir de Paris, deux chaînes francophones de sport 24/24 dont le football est la matière programmatique de base, diffusées sur le cable, le satellite et les box Internet. C'est ainsi qu'Al- Jazeera a ravi à Canal + et à TF1 quatre des cinq lots des droits audiovisuels de la Ligue des Champions (pour 2012-2015), 133 matches pour la somme de 61 millions d'euros. En plus, le QSI obtient 2 matches par semaine de la Ligue 1. Des négociations seraient en cours pour l'acquisition des droits de la Liga espagnole, du Calcio italien et des matches du Basket français. Acte trois, le lancement à partir de Doha, dans les mois qui viennent, d'une chaîne d'information Al-Jazeera en langue française qui viendrait concurrencer directement la chaîne France 24. En choisissant la France comme tête de pont en Europe, le Qatar se donne une vitrine à l'échelle mondiale d'autant plus que ses chaînes francophones seraient diffusées sur les cinq continents et leurs programmes adaptés région par région. Soutenue officiellement par le gouvernement français et par les instances dirigeantes du sport qui considèrent positif l'investissement qatari dans ces temps de crise, et surtout la perspective de la création de 150 postes pérennes, cette initiative n'a pas fait que des émules. Canal + et TF1 voient d'un mauvais œil cette nouvelle concurrence. Le directeur adjoint du Groupe Canal +, Rodolphe Belmer, a déclaré sur les colonnes du Monde que Canal + « ne [pouvait] lutter à armes égales » avec Al-Jazeera. La perspective de perdre le Real Madrid et le FC Barcelone ne fait qu'exacerber les appréhensions du Groupe Canal+. Les derniers à entrer en dissidence sont les cinéastes. Dans une tribune publiée récemment, la société des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP) s'inquiète de « la baisse de participation de Canal+ dans les productions cinématographiques françaises ». Des noms célèbres comme Claude Lelouch, Costa Gavras, Bertrand Blier ou Bertrand tavernier sont parmi les signataires. En effet, depuis sa création, Canal + est liée par des dispositions légales qui l'obligent à investir dans le cinéma français. Son investissement est calculé en fonction de son parc d'abonnés, de sorte que les téléspectateurs abonnés aux chaînes sportives de canal participent directement au financement des œuvres cinématographiques. Mais dans un monde de plus en plus globalisé, l'arrivée du Qatar dans le paysage médiatico-sportif français ne manquera pas de dynamiser le foot français. Depuis qu'il a acquis le droit d'organiser la Coupe du monde de football 2022 , le Qatar poursuit une stratégie mondiale qui conforterait son image globale. Il se positionne en tant que grand diffuseur à l'échelle planétaire, acquéreur de droits télévisés et pourvoyeur de « projets industriels » sportifs de grande envergure.