Tout gouvernement issu des urnes a droit aux fatidiques cent jours avant que son action ne soit évaluée et son (vrai) profil délimité. Cela s'inscrit dans les us et coutumes de la démocratie et si l'on veut bien croire qu'une Démocratie est née en Tunisie, malgré ses insuffisances, il faudra déjà commencer par ne pas l'affubler d'avatars, de « déformation génétique » comme voudraient nous le faire croire les maximalistes de tout bord, qu'ils soient de droite (et donc, religieux), de centre (en existe-t-il un, d'ailleurs ?) ou de gauche (oui, mais laquelle des gauches ?). Samir Dilou est bien dans son rôle de communicateur. Il a, bien entendu, défendu le gouvernement contre les attaques « acerbes » auxquelles il fait face, mais un certain déterminisme culturel a fait qu'il s'est surtout exprimé en Nahdhaoui, et, particulièrement, sur l'affaire Nessma, qu'il commente en brandissant les « croyances sacrées » laissant entendre, dans la foulée, que c'est bien le gouvernement qui est le garant de leur inviolabilité. Nous aurions aimé connaître l'avis de Moncef Marzouki et de Mustapha Ben Jaâfar sur la question. Car, il ne s'agit plus, ici, de protéger les croyances sacrées, mais, surtout, de s'interroger sur le sort de la laïcité qu'il ne faut pas présenter comme le remède contre le choc des religions et le conflit des ethnies et des cultures. Pour autant, la question de cette déferlante de la violence au nom, justement, des croyances sacrées, est reléguée en arrière-plan comme pour cultiver le syndrome d'une épée de Damoclès suspendue sur la tête des « mécréants ». Et là on s'emmêle inévitablement les pinceaux : « Nous préférons que le gouvernement soit taxé de relâchement plutôt que d'être perçu comme gouvernement répressif ». On confond, en l'occurrence, entre sécurité et répression. Et alors, les esprits gambergent : ce gouvernement tient-il les forces de sécurité en main ? Et celles-ci, diabolisées au lendemain de la Révolution, sont-elles disposées à s'impliquer dans la sécurité sans recourir à la répression ; dans la persuasion, sans user de la violence. Sinon, ce sera la loi du talion. Le gouvernement a encore soixante-dix jours devant lui, pour éviter tout cela et corriger le tir. Car, en définitive, chacun doit être dans son rôle : le gouvernement fait son travail et les leaders politiques leur propagande. En tous les cas, ceux d'Ennahdha – et on l'a vu avec M. Chourou – ne facilitent pas le travail à « leur » gouvernement.