Il n'est pas aisé de se faire une idée claire et nette sur la politique énergétique du pays. Notre présente enquête nous laisse supposer qu'on n'a pas encore abouti à une stratégie énergétique pouvant être appliquée sans hésiter, ni tâtonner. A l'Agence Nationale de Maîtrise de l'Energie (ANME), on est allé loin en besogne. Et on a carrément lâché le mot. C'est la révolution qui révolutionne le langage. « En Tunisie, il n'existe pas, hélas, une stratégie énergétique ». C'est un des responsables d'un certain rang de l'ANME qui nous le dit sans ménagement ». En d'autres temps, non lointains, une déclaration pareille aurait vite coûté le fauteuil tournant de l'orateur imprudent, pour ne pas dire « insolent ». Et l'on aurait joué avec le feu en ouvrant le feu à bout portant sur les sacro-saints politiciens de la nation. « Oui, nous dit-on, nos illustrés décideurs ne se sont jamais décidés de nous dire au juste ce qu'ils veulent, où ils veulent nous mener et comment ils veulent procéder pour nous débarquer au terminus visé ! ». G.P.L écolo ? Non, nous dit-on ! Le dossier le plus édifiant sur la politique tâtonnante, titubante et trébuchante est celui de la carburation au gaz de nos cylindrées, dit GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié). Il s'agit d'une énergie de rechange faisant tourner les moteurs de nos véhicules à bon marché, moyennant un supplément vignette GPL à régler. Côté écologique, nous sommes surpris d'apprendre que le GPL serait plus polluant que l'essence et le mazout, contrairement à ce qu'on a toujours entendu dire et redire. Et que seul le gaz naturel est le grand ami de Labib. Au cas où cela s'avérait vrai, bonjour le scandale ! Cacophonie administrative stérile Le hic, c'est que la multiplicité des parties prenantes n'est pas pour faciliter la tâche de ceux qui cherchent à tirer au clair ce problème quasi-cafcaïen. L'aspect économique relève de Messieurs Industrie » conjointement avec « Messieurs Finances ». La sécurité de l'utilisateur est la chasse gardée de « Messieurs-Transport ». Tandis que le volet écologique est évidemment la plate-bande de « Messieurs-Environnement ». Donc, chaque décision, dans un sens, ou dans l'autre, doit avoir la bénédiction conjointe de tous ces intervenants, ayant des poids différents dans l'échiquier stratégique. Que de réunions ont eu lieu jusqu'ici, que de P.V et de prose co-signés et que d'eau minérale pompée par nos ronds de cuir autour des tables rondes. Et tout ce beau monde a été toujours d'accord pour ne pas être d'accord. Et aucune solution cohérente et aucune mesure tranchante n'a été enfantée par cette cacophonie administrative stérile. A chacun sa musique ! Quant à la volonté politique, elle a toujours été à la traîne. Elle s'est cantonnée dans le stade du vœu pieux. En l'absence de données fiables et convaincantes permettant à cette volonté politique de peser de tout son poids. Chaque partie prenante voit le problème sous l'angle restreint de l'intérêt pour lequel elle est grassement rétribuée pour le défendre. Et à chacun sa propre musique. Et pour mettre en musique le dernier des projets, il n'y a que les fausses notes qui précipitent l'échec de l' « orchestre ». Et l'on ne peut s'attendre à des « airs musicaux mélodieux » si le joueur de la « zokra » se produit coude-à-coude avec le bonhomme du piano. Et c'est à nous autres, communs des administrés de continuer à respirer l'air impur, pollué par la fumée opaque, dégagée par les échappements. En l'absence du bon gaz (naturel) aux propriétés dites, beaucoup moins maléfiques. A la queue leu leu Les faits reflétant le mieux notre tableau caricatural consistent, sans contester, dans les très longues files d'attente qu'on constate tout le temps devant les rares stations de distribution de GPL. Là, les conducteurs des cylindrées de divers volumes font de longues heures de queue tous les jours avant de pouvoir dire « bonjour ! » au pompiste et faire le plein de leurs citernes. Nous nous sommes approchés ces jours-ci, à la station-service (GPL) de Sabbalet Ben Ammar, d'un cortège de voitures, d'allure funèbre, pour voir de près ce qu'il en est. Supplément-vignette et soucis en supplément ! L'on croirait à un sit-in opéré par la gent taxiste. Des taxis à perte de vue. La question à poser, a priori, est pourquoi cette majorité de taxistes ? La réponse nous est donnée par le taxiste le plus proche. Ammar, lassé par l'attente et plein d'envie de bavarder pour briser la solitude et tuer le temps qui le tue : « On n'a pas les moyens d'acquérir de grosses cylindrées Diesel. Ça nous ferait des dettes énormes, difficiles à honorer. Le véhicule à essence est aux deux tiers du prix. On y introduit des équipements pour carburation-gaz pour un millier de dinars de frais, et on se met à rouler à petits frais. Il y a un supplément de vignette-gaz à payer : 325d.000. Mais, comme vous voyez, monsieur, nous sommes esclaves de la pompe. On vit les funérailles chaque jour ! » Meilleure distribution… et corvée à éviter… Abdessattar, au volant d'une cylindrée jaune, le teint jaune, tout somnolent avec une tête d'enterrement, change vite de tempérament et se montre tout content de se trouver nez-à-nez avec celui sur qui il peut compter pour transmettre ses messages pimentés. « Pour nous, pauvres taxistes, la révolution est insensée si on laisse notre calvaire quotidien perdurer. « El Hakem » qui tend la main pour nous déplumer (allusion faite au supplément-vignette de GPL), doit être fichu de nous faire distribuer correctement le produit pour lequel il a perçu un grand supplément. Il suffit d'injecter d'autres stations pour nous faire grâce de cette corvée ! ». Ali, un autre taxiste, ayant lui aussi, une mine de papier mâché et de déterré, intervient depuis sa cabine pour exhaler, lui aussi, sa rancœur contre les responsables de son malheur. « La responsabilité n'est pas un jeu d'enfant, clame-t-il. Qu'on se décide une fois pour toute. On est pour le GPL ou contre. Pour qu'on sache sur quel pied danser et quel carburant pomper. Nous avons des bouches à nourrir, des crédits à rembourser. Et nous n'avons pas de temps à gaspiller !... ». Précieux interlocuteurs et… « agent double » Maintenant, écoutons le suivant, un particulier non-taxiste pour diversifier. Quel bon hasard ! Quel bon vent amène ce respectable automobiliste ? Qui vient à point nommer pour nous aider à tout décortiquer. Notre interlocuteur se trouve être un précieux « agent double ». Il est au four et au moulin. Il bouge au GPL sur la route. Et parle GPL au bureau. Oui, le bonhomme est un rond de cuir, bien gradé, ayant son mot non écouté au sein d'un des services concernés… désintéressés. Il nous promet des non-dits. Et ne cherche qu'à crever l'abcès et faire rectifier le tir, en toute âme et conscience… Nous allons l'écouter et nous faire conseiller dans nos démarches à effectuer pour percer les secrets de notre grand dossier. Que nous nous proposons de traiter en autant d'épisodes qu'il faudrait. Nous y reviendrons donc. A bientôt.