Le service public représente toutes les entreprises et les administrations qui sont gérées par l'Etat, et doivent, par là même, servir l'intérêt général, c'est-à-dire, l'intérêt du peuple. C'est la raison pour laquelle le service public doit rester neutre, quels que soient la forme de l'Etat et les princes qui nous gouvernent. La neutralité du service public est fondamentale à la bonne marche de la transition démocratique. C'est autour de ce thème qu'a été organisé, vendredi dernier, un colloque sous l'égide du Réseau tunisien des Droits, des libertés et de la dignité, et auquel ont participé plusieurs représentants des partis politiques et des associations ainsi que des juristes, des représentants des médias écrits et audio-visuels et des membres des composantes de la société civile. * Mohsen Marzouk a insisté, pour sa part sur le fait que toutes les entreprises publiques ont été auparavant au service du pouvoir, que ce soit dans les administrations ou dans les universités, voire dans les mosquées, ce qui nuit à une grande partie du peuple qui se trouve par la même lésée. Bien plus, les droits de certains ont été bafoués et violés, cela ne doit plus avoir sa raison d'être en Tunisie postrévolutionnaire. * Le professeur Zakia Safi a démontré que la neutralité du service public est fondamentale pour les droits et les libertés. Elle est dans l'intérêt du peuple, sans aucune distinction. Il faut qu'elle soit réalisée tant sur le plan politique que sur le plan religieux et social d'une manière générale. * Ghazi Jribi, président du Haut Comité du contrôle administratif et financier a pour sa part axé son intervention sur ce dilemme qui existe entre le lien de subordination du fonctionnaire et la neutralité. Il y a, en effet, une intervention du ministre dans l'action de ses subordonnés et ce que ce soit de manière horizontale ou verticale. Dans le premier cas il intervient directement pour ne pas contrecarrer le but poursuivi par le gouvernement qui est essentiellement politique. A titre d'exemple, les commissions de contrôle agissent sur intervention du ministre qui choisit notamment les secteurs à inspecter, ce qui influe sur la neutralité de l'agent public d'une manière générale. Il est important, en l'occurrence, que les organes de contrôle soient désormais indépendants afin d'assurer une réelle neutralité du service public. * Quant à Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue des Droits de l'Homme, il a observé que la neutralité du service public est fondamentale pour faire face à tout abus éventuel du pouvoir. C'est la raison pour laquelle il faut que le principe de neutralité soit consacré par la nouvelle Constitution. Le droit administratif, par exemple, n'assure aucunement la neutralité du service public et ce, pour deux raisons : 1/ L'obligation de réserve qui ne laisse pas la faculté au juge administratif de prendre des décisions de manière équitable son intime conviction étant quelque peu altérée. 2/ L'absence d'une décentralisation efficace du tribunal administratif, obligeant le citoyen résidant dans le sud du pays de se déplacer pour engager une procédure administrative. * Abdessattar Ben Moussa fit remarquer en outre, qu'il est important de renforcer le rôle de la Cour des comptes, par l'élection de ses membres à la place de leur nomination comme c'est le cas actuellement. Cela contribuerait à mieux consolider leur indépendance. * Hédi Zakhama et Ahmed Souab, respectivement magistrat au tribunal civil, et magistrat au tribunal administratif, ont tour à tour démontré que la noble mission du juge impose la neutralité du secteur de la justice dont la mission est d'instaurer la paix entre les citoyens. * Ahmed Souab a ajouté que la justice fait partie de ce qu'a appelé Ibn Khaldoun « l'autorité du glaive », (par opposition à « l'autorité de la plume » au pouvoir législatif) et de ce que les constitutionnalistes appellent depuis Montesquieu, le pouvoir judiciaire. Celui-ci doit être en principe neutre pour assurer son indépendance. Le service public étant la base du droit public, cette neutralité est assez difficile à réaliser. Comment y parvenir pour réaliser une réelle transition démocratique ? Par la consécration du principe de la suprématie de l'intérêt général dans toutes les décisions administratives sans aucune considération d'ordre politique ou religieux, a-t-il soutenu. * Riadh Chîibi, du parti Ennahdha, a fait remarquer qu'il vaut mieux parler de « démocratie naissante », à la place de transition démocratique. Car, nous sommes en période de tâtonnement, depuis la Révolution. Il est évident que le respect de la neutralité est fondamental pour l'indépendance des services publics par rapport au gouvernement et aux différentes tendances des partis politiques, ce qui prime, c'est l'intérêt général. Cela n'a jamais été pratiqué durant l'ancien régime et c'est ce qui explique l'injustice et le favoritisme qui ont sévi durant plus de 23 ans. Il faut en tirer la leçon pour la consolidation de la transition démocratique.