Tous les ans, le 08 mars, les femmes célèbrent leur journée, d'abord pour valoriser leurs acquis jusque-là réalisés, ensuite pour protester et condamner les injustices et les violences subies encore par les femmes quelque part dans le monde. En Tunisie, la femme jouit depuis des décennies de ses droits essentiels et de ses libertés en tant que citoyenne considérée sur un pied d'égalité avec l'homme. De même, la Tunisie a toujours été à l'avant-garde sur le plan des droits des femmes même si l'égalité effective n'est pas encore acquise. Cependant, il parait que depuis la Révolution du 14 janvier on assiste de plus en plus à une résurgence d'idées rétrogrades qui veulent mettre en question tous ces acquis. Des esprits chagrins et radicaux, heureusement encore minoritaires dans la société tunisienne, prêchent déjà l'application rigoureuse des préceptes religieux qui, souvent n'ont rien à voir avec les Textes Saints ni avec la Sunna : dès le lendemain de la Révolution, certains appellent au retour à la polygamie, d'autres exhortent les filles à apporter le niqab, d'autres encore demandent l'abolition de la mixité dans les établissements scolaires. Les dernières « Fatwas » de ces groupuscules réactionnaires et fondamentalistes approuvent la pratique de l'excision sur les filles, pourtant interdite par la loi, et il y a même ceux qui appellent à l'adoption du mariage « orfi », et j'en passe… Devant ces menaces effrayantes lancées contre la femme tunisienne, qui inquiètent non seulement les femmes, mais aussi une grande partie de la population tunisienne qui croyait pourtant, du moins jusqu'à la veille de la Révolution, que la question de la femme est une affaire classée tant qu'il y a un Code du statut personnel qui accorde aux femmes des libertés et des droits sans équivalent dans le monde arabe. Nul besoin donc de revenir sur ces acquis ! Mais certains propos ou actes émanant de certaines parties réactionnaires nous dévoilent chaque fois leurs intentions souvent non avouées. Or, Le silence des organisations féministes en Tunisie et le manque d'initiatives efficaces contre de tels agissements et comportements misogynes permettront à ces idées réactionnaires de prendre du terrain et de s'ancrer davantage dans les esprits des Tunisiens et Tunisiennes. Les textes garantissant les droits de la femme existent, n'en disconvenons pas, et même si les dirigeants du parti majoritaire au pouvoir promettent de ne pas toucher aux acquis de la femme ; mais ce qui fait peur, c'est que certaines tendances minoritaires profitent du climat de liberté offert par la Révolution et agissant à l'ombre d'un régime religieux au pouvoir qui a l'air de faire la sourde oreille, vont propager leurs idées rétrogrades par des moyens détournés, de bouche à oreille, en tête-à-tête, dans les réunions privées et à travers des conférences données par des prédicateurs prêchant le retour en arrière, et c'est ainsi qu'ils réussiront à embobiner les masses de leurs idées rétrogrades et leur inculquer des doctrines étrangères à nos pratiques religieuses et à nos valeurs morales. Et dire que la cible favorite de ces réactionnaires est la femme qui doit subir toutes les violences, tous les caprices et toutes les interdictions et les ordres provenant de l'homme, à telle enseigne qu'elle sera réduite en esclave ou en femme-objet, à l'image de la femme du Moyen-âge et de l'ère antéislamique par excellence. Les femmes tunisiennes n'auront pas tort d'exprimer leurs appréhensions quant à l'avenir : le langage de la discrimination, de la soumission et de la sous-estimation, qui s'est propagé depuis la Révolution dans nos contrées chez certains religieux extrémistes, n'a pas de raison d'être, sachant qu'un tel langage va à l'encontre des principes pour lesquels les Tunisiens et les Tunisiennes ont fait, côte à côte, leur Révolution. Il n'y a pas lieu que les Associations féministes et tous les organismes de tendance démocratique et progressiste baissent les bras devant de telles menaces, ils doivent mettre la main dans la main pour faire face à ces mouvements obscurantistes qui veulent nous ramener aux pratiques d'époques révolues. Une attitude passive ou indifférente à l'égard de ces mouvements antiféministes favorisera l'esprit de l'intolérance et de l'injustice envers la femme et on craint que ces agissements abusifs à l'endroit des femmes ne s'aggravent et deviennent avec le temps tolérables et acceptables par la société. C'est alors qu'on peut imaginer que d'autres recommandations restrictives seront dictées à la fille dès la prime enfance et qu'elle doit exécuter sans discussion, du genre « tu ne parleras pas en présence des hommes, tu ne chanteras pas, tu ne danseras pas, tu ne dessineras pas, tu n'écouteras pas la musique, tu n'iras pas au cinéma, tu ne fréquenteras pas les écoles mixtes, tu ne te maquilleras pas, tu ne te baigneras pas dans la mer, tu ne te bronzeras pas sur la plage, tu ne te photographieras pas, tu ne quitteras jamais ton niqab et d'autres choses considérées comme « haram » dans la liste des péchés répertoriés par ces fanatiques. L'on se souvient encore des élèves qui ont boycotté la séance de dessin ou encore la séance de musique dans certains collèges du pays sous prétexte que les arts sont interdits par la religion ou ceux qui ont arrêté les cours à cause de leurs collègues interdites d'entrer à l'école avec le niqab, ou encore ces étudiantes « niqabées » à l'université de Manouba qui veulent entrer de force en cours en dépit des lois interdisant le port du niqab en classe pour des raisons pédagogiques, sans parler des cas de violences subies par les femmes de la part des hommes et dont les chiffres sont alarmants. C'est un combat acharné que doivent livrer les femmes tunisiennes libres contre ces tendances obscurantistes. Femmes tunisiennes, femmes démocrates, femmes progressistes, restez éveillées! Hechmi KHALLADI daassi chatan