Par Khaled Guezmir - Décidément MM. Rached Ghannouchi, Abdelfatah Mourou et même le Chef du gouvernement Si Hamadi Jebali commencent à nous manquer sur les médias et surtout à la télévision ! Apparemment ils ont laissé la vedette aux jeunes « loups » de la « Nahdha » qui sont de tous les débats télévisés à la « Nationale une », décrétée pourtant « Télévision de la honte » par cette « tente » inamovible et arrogante qui occupe l'espace public au vu et au su de la terre entière ! M. Sabhi Atig en fait partie et on ne se lasse pas de le voir presque quotidiennement à la télévision développer des thèses à nous faire avaler bien des couleuvres du genre : « le peuple a besoin d'être rassuré sur son Islam parce qu'il a été réprimé depuis plus de cinquante ans », avant d'ajouter et quoi de plus légitime selon lui, que la « Chariaâ » doit être la source de la législation constitutionnelle et légale ! Voilà qui est clair et bien dit ! Donc si j'ai bien compris il va falloir chambouler tout l'ordonnancement juridique de la société et en toute logique l'enseignement même dans les facultés de droit pour s'adapter aux nouvelles valeurs et normes prescrites par la Chariaâ, que le droit tunisien a occultées jusque-là ! M. Atig qui ne manque pas de subtilité il faut le reconnaître, présente la chose comme si c'était un jeu d'enfant, alors qu'il s'agit d'une véritable « révolution » celle que personne n'attendait, qui changerait l'ensemble de la manière de vivre et d'être des Tunisiennes et des Tunisiens ! Il va falloir d'abord s'entendre sur la « Chariaâ » et ses interprétations les plus compliquées à travers l'histoire du « Fikh » même pour les connaisseurs et les plus grands « Ulémas », qui ne se sont jamais entendue sur des questions qui touchent aussi bien à la vie quotidienne comme l'économie, la finance, ou l'état civil, le mariage etc… ou le pénal encore plus problématique parce qu'il implique dans certains pays encore des peines et des châtiments corporels que la société tunisienne n'accepterait jamais. Au dernier débat télévisé de la nationale « Une », le pauvre doyen Si Fadhel Moussa a perdu sa salive et sa patience pour expliquer, aux présents en majorité acquis aux thèses de la Nahdha et dire qu'on s'acharne et traite encore cette même télévision « d'opposée au gouvernement », et pour convaincre l'article 1 de l'ancienne Constitution de 1959 est largement suffisant pour affirmer l'arabité et l'islamité de ce pays et que toute nouvelle référence à la « Chariaâ » risque d'être interprétée comme une manœuvre à caractère politique pouvant mener à plus de divisions dans le corps social. Et dire que M. Moussa très modéré et coopératif n'a jamais jeté de pierres dans le jardin d'Ennahdha puisque son premier leader, le Cheikh Rached en personne, a dit la même chose et même plus : « l'article 1 de l'ancienne Constitution est amplement suffisant pour affirmer le caractère arabo-musulman de la Tunisie et j'en suis très satisfait » ! Comme quoi les jeunes cadres d'Ennahdha sont plus royalistes que les Rois et le Cheikh Rached de la vieille école s'avère beaucoup plus libéral et plus tolérant que les jeunes qui arrivent ! Je ne veux pas finir cette chronique sans passer en revue le contenu du « journal » politique télévisé du lundi 12 mars 2012. Il s'avère pour le profane que je suis, que plus de vingt minutes ont été réservées au discours solennel et important du Président de la République qui est quand même un membre essentiel de la Troïka. Puis une heure de débat avec la présence massive de la Nahdha dans ce débat, puis pour arroser le tout, encore vingt minutes d'interview du porte-parole du gouvernement M. Samir Dilou qui est l'un des leaders de la Nahdha et qui a eu au moins le mérite et l'intelligence de démystifier cette « affaire de complotite » pour nous dire en fin de compte que tout le monde s'est trompé sur la question et qu'il n'y a jamais eu de complot contre le gouvernement ! Tant mieux ! L'analyse sommaire du contenu de cette seule journée politique de la télévision nationale peut-il convaincre nos « amis » qui occupent l'espace public en toute impunité devant le siège de cette même télévision, que les journalistes n'ont aucune animosité à l'égard du gouvernement et de la Nahdha, mais qu'ils font leur travail en professionnels honnêtes et en toute indépendance y compris vis-à-vis du pouvoir actuel et de l'opposition. Le retour à la presse de désinformation totalitaire de l'ancien régime qui légitimerait à nouveau les tentations absolutistes serait fatal à tous les acquis de la révolution du 14 janvier. La Presse est libre où elle n'est pas. Et c'est pour le bien de tous sans exception et surtout pour la démocratie que nous voulons tous bâtir, qu'elle doit être protégée y compris par les gouvernants. Alors de grâce, Messieurs, rendez « son »jardin à la télévision ! Votre tente n'a plus de raison d'être.