Toutes les deux venues de l'I.S.B.A.T. (Institut supérieur des Beaux Arts de Tunis), Myriam Koubaji Bouslama et Jihène Aouam parcourent les dédales des chemins de traverse et des cités ressuscitées où la composition, la couleur et la touche nous amènent vers des lieux imaginaires comme le ferait « le magicien d'Oz ». Rasant les murs prison où l'on circule librement, ou caressant les parois aux fenêtres closes et aux portes grandes ouvertes, ces images nous rappellent étrangement « les villes tentaculaires » d'Emile Verhaeren: « …Elle a mille ans la ville La ville âpre et profonde Et sans cesse, malgré l'assaut des jours Et des peuples minant son orgueil lourd, Elle résiste à l'usure du monde… » Regardant l'ensemble des toiles, on pense aux cités terrestres et aux cités célestes de Saint Augustin où les personnages fil de fer de Myriam nous font entendre leurs voix muettes cachées sous une texture picturale qui vocifère, et où l'urbanisme sublimé de Jihène qui nous fait basculer dans les méandres de l'être nous rassure quand l'œuvre se plie au désir de l'autre. Tous les travaux qui sont pleins d'intenses émotions, sources d'idées fertiles, sont autant d'états d'âme qu'il y a d'âmes dans la ville. Une exposition où le néoplasticisme créé par Mondrian en 1917 est bel et bien vivant aujourd'hui où « l'expression visible et en même temps sa limite » sont le leitmotiv des œuvres exposées. Les deux plasticiennes sont comparables à un astrolabe qui regarde plus haut que l'horizon l'ascension d'un soleil certain, éclairant un nouveau jour. L'exposition se tient à la galerie le Damier jusqu'au 11 avril. Sylvain Monteleone