Pauvres automobilistes : leurs voitures coûtent chers, les pièces de rechange sont hors de prix, l'Etat ne cesse de les racketter avec des taxes sur l'essence, des vignettes, des radars, des péages d'autoroute. Et il n'est pas le seul à les ruiner : toute une série de petits arnaqueurs ne cessent de leurs causer bien des tracas, qui, mis bout à bout les mettent à bout ! Plongée dans un univers de petits arnaqueurs aussi nombreux que des mouches, aussi voraces que des moustiques… D'abord il y a un fléau aussi énervant que répétitif : ces hommes jeunes ou vieux qui s'autoproclament gardiens de voitures dans les rues, sur les terrains vagues, dans les squares et près de certaines grandes surfaces. Ce sont des parasites collants, gluants, sentant une mendicité déguisée, méprisable. Certains se munissent de sifflets pour imposer leur autorité. D'autres utilisent les grands moyens qui ne sont autres qu'un gourdin menaçant ou un grand bâton très agressif. Je me suis aventuré à demander à l'un de ces énergumènes s'il ne serait pas plus valorisant pour lui d'aller travailler comme maçon, puisque la demande est grande dans le domaine de la construction. Sa réponse a été cinglante : « dans cette rue du centre ville, je gagne cinq cent millimes toutes les dix minutes avec toutes ces voitures qui cherchent une place pour aller faire leurs commissions et revenir rapidement. Dans quel chantier je gagnerais autant ? » Une logique simple, d'autant plus exaspérante que les autorités municipales de toutes nos villes ne font jamais rien contre ces individus qui lui ôtent pourtant des revenus conséquents. Certains gardiens fabriquent même des badges ou de petits carnets à souches avec les sigles des municipalités, pour avoir l'air d'être des agents officiels. Et essayez de ne pas satisfaire leur demande de bakchich, ils vous empêchent de refermer votre portière et si vous avez déjà démarré, ils vous inondent d'injures, surtout lorsqu'il s'agit d'une femme. Contacté, un responsable de la municipalité de Tunis nous a affirmé sous le couvert de l'anonymat que « depuis la révolution, toute forme d'autorité est remise en cause, pour ne pas dire catégoriquement refusée. Les horodateurs rapportaient des millions par mois, aujourd'hui ils ne fonctionnent plus, occasionnant un manque à gagner appréciable… » Mais il n'y a pas que cette race de profiteurs : à chaque feu rouge des vendeurs ambulants vous obligent à relever votre vitre, même s'il fait chaud, pour ne pas avoir à engager une discussion avec ces jeunes qui tentent de vous vendre des paquets de papiers mouchoirs à un dinar, alors que dans les grandes surfaces, il est à 800 millimes, des pare soleil au double du prix des grandes surfaces et toute une série d'objets de fabrication chinoise dont vous n'avez pas besoin. Et puis il y a les mendiants, gluants comme des mouches, nombreux comme des sauterelles, qui vous sollicitent à chaque feu rouge, profitant de votre stationnement prolongé pour quémander quelques pièces. Certains vont jusqu'à tambouriner sur votre vitre relevée pour vous faire cracher des pièces comme si vous étiez une machine à sous et que vous deviez leur offrir le jackpot ! Face à ces énergumènes, les automobilistes optent souvent pour une gentillesse surfaite, alors qu'au fond d'eux-mêmes ils sentent l'énervement ou l'irritation les pousser à crier leur colère. L'un d'eux nous confie ses envies de meurtres : « si je devais donner quelques centaines de millimes à chaque mendiant qui me sollicite, je dépenserais des dizaines de dinars par jour, tant leur nombre est grand. Et si j'achetais tous ces objets chinois, je pourrais ouvrir une boutique à Sid Bou Mendil ! » Ah notre belle révolution, que ne permet-on en ton nom ! Que d'anarchie et de laxisme…