Pour connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire, il faut remonter à quelques mois auparavant, lorsque le prédicateur Habib Boussarsar, a, lors de l'un de ses prêches publics, appelé à la mort de Caïd Essebsi et ses hommes. Suite à quoi, un comité de défense de CES s'est constitué pour porter plainte contre le prédicateur en question, pour incitation à la haine en mars 2012, en vertu des articles 50 et 51 du décret-loi de 2012.
Quelque temps plus tard Béji Caïd Essebsi , avait lors d'une intervention dans l'une des chaînes de télévision tunisienne, qualifié le prédicateur de « criminel », pour avoir incité au meurtre. Sachant que le mot arabe « mojrem » signifie littéralement celui qui a commis une infraction, ce qui présente une nuance.
Ce fut donc le prétexte sur lequel le prédicateur se basa pour attaquer sa victime, en portant plainte contre lui pour diffamation.
Béji Caïd Essebsi a donc été inculpé pour propos diffamatoires et l'affaire a été fixée au 22 mai 2012 devant le tribunal de première instance de l'Ariana, a été renvoyée à deux reprises, le 29 mai puis le 5 juin 2012, soit mardi dernier, audience au cours de laquelle chacun des avocats de la défense et de la partie civile ont plaidé en avançant des thèses contradictoires, notamment en ce qui concerne la notion de diffamation, devenue depuis la révolution une notion bateau. Un bateau ivre, où tout le monde essaye de s'embarquer sans savoir à quelle destination il peut les mener.
« La Fitna est pire que le meurtre » Dans plus d'un verset du Saint Coran, il est énoncé que le fait de semer la discorde est un acte plus grave que le meurtre.
Béji Caïd Essebsi a estimé que le fait d'inciter au meurtre par le prédicateur constitue un crime. le fait de l'avoir traité de criminel, n'est nullement diffamatoire, selon lui et ses avocats, mais la constatation d'une réalité.
Le prédicateur avait en effet, comme l'affirment les avocats de la défense, tenu des propos incitant à la discorde en appelant à la mort de leur client.
Il est en tous les cas, malaisé d'intenter une action en justice pour diffamation, sans que cette action puisse être corroborée par des preuves tangibles.
En effet non seulement les faits en eux-mêmes doivent être établis mais il faut en outre prouver que tel acte ou tel propos constitue une diffamation.
S'attaquer à l'intégrité physique ou aux qualités essentielles de quelqu'un peut constituer un acte diffamatoire.
Porter un avis sur les agissements ou les propos de telle ou telle personne ne peut être diffamatoire. Outre le fait qu'il est difficile de prouver l'intention diffamatoire, constituant l'élément moral nécessaire à l'établissement de l'infraction.
Bien plus, les avocats de la défense ont estimé qu'en l'occurrence, c'est Caïd Essebsi qui est victime ayant subi un grave préjudice suite à l'incitation à sa mort par le prédicateur. « Ce dernier a sauté sur l'occasion, estimant que la meilleure défense c'est l'attaque, pour se présenter en tan que victime, alors que c'est lui qui est en tort » ont encore soutenu les avocats de la défense.
Problème de compétence En outre les avocats de la défense ont soulevé le vice de procédure, le tribunal de première n'étant pas compétent pour le délit objet des poursuites. En effet la peine prévue étant de 1000 dinars, c'est le tribunal cantonal qui est légalement compétent.
Les avocats de la partie civile ont pour leur part, déploré l'absence de l'accusé quand bien même elle ne soit pas légalement obligatoire pour un tel délit.
« L'attitude de Caïd Essebsi constitue un défi et un manque d'égard pour la Justice » ont-ils affirmé.
Ce qu'ont contesté les avocats de la défense en analysant ces propos comme étant, non seulement non fondés sur le plan juridique, mais constituant en outre un moyen pour attaquer davantage leur client dans le but de lui nuire.
De victime par les propos du prédicateur appelant à sa mort, Béji Caïd Essebsi est devenu accusé.
Comme quoi la meilleure défense c'est l'attaque. C'est la tactique dont ont a usé le prédicateur, soutenu par ses avocats, ont encore fait remarquer les avocats de la défense.
Quelle sera la décision du tribunal, devant tout cet amalgame d'arguments de fait et de droit, présentés par les parties au procès ?
On saura la réponse le 12 juin prochain, date à laquelle l'affaire a été renvoyée pour le prononcé du verdict.