Ici, pas de mixité ! Et gare à celle qui daignera se mettre du côté des hommes. Mais nous sommes comme même sous des cieux bleus méditerranéens, où il fait bon vivre depuis l'ère du temps ! Et où bons musulmans et ceux qui le sont moins, hommes et femmes, cohabitent ensemble en se rangeant sous le drapeau blanc immaculé et rouge sang. Et pourtant nos frères de sang veulent une autre Tunisie. Une Tunisie qui fait table rase de son Histoire trois fois millénaire pour n'en considérer qu'un seul depuis l'avènement de l'Islam. Mais ce n'est pas tout, ils veulent reconstruire la Tunisie en mettant en veille la moitié de la société, la femme, la sœur, l'épouse, la fille, la cousine, la villageoise, la bourgeoise, l'intellectuelle, l'égérie, la muse et la fille de joie. C'est une Tunisie qui s'enfonce dans la fausse pudeur, scandaleusement conservatrice que l'on obtiendra pourvu que l'on règle des comptes avec une Tunisienne qu'on veut reléguer aux oubliettes de l'Histoire que l'on renverra une fois de plus dans le noir des ghettos. « Couvrez-moi ce beau visage que je ne saurais voir ! »
N'est pas salafiste qui veut
Ce serait le rêve éveillé, un rêve grandeur nature des partisans du parti ‘'Jabhat Al Islah'' qui a organisé dimanche dernier sa première conférence de presse au Palais des Congrès sous le thème « La Charia notre voie, la réforme notre choix ». La conférence a servi de moyen pour battre en brèche les idées reçues qui ont la vie dure et qu'on a de la Charia, pour montrer, un tant soi peu, que la Charia n'est pas un ensemble de supplices corporels que l'on fait subir aux sujets musulmans. On est bien d'accord. On ne niera pas également que la Charia est porteuse de l'ensemble des valeurs universelles et d'un mode de vie à la manière islamique auquel aucun domaine de la vie n'a échappé. Et qu'il est temps de repenser notre union de Musulmans quelqu'en soit la nomination qu'on lui attribuera et de redonner à la finance islamique la valeur qui lui échoit. En rappelant au passage que l'Occident est en train de renouer avec le système économique islamique comme alternative à l'économie de marché et du capitalisme ravageur qui ne considère pas la valeur humaine de l'Homme.
Tous ces volets ont été largement étudiés lors de cette rencontre qui était en ce sens enrichissante à plus d'un titre. On excusera au passage les organisateurs d'avoir prévu une rencontre à laquelle ils ont convié des journalistes même si elle avait tout d'un meeting populaire. On les pardonnera aussi pour ne pas avoir pensé à réserver un espace pour les journalistes tout en commettant l'erreur de ne pas séparer hommes et femmes. Mais jamais on ne fera l'impasse sur un projet qui menacera d'un cran les acquis de la femme tunisienne et son droit au travail et à vivre comme bon lui semble.
La portée universelle de l'Islam n'est pas une invention du parti Jabhat Al Islah encore moins les acquis de la femme musulmane qui du temps du Prophète, elle soignait les blessés de guerres et prenait les rênes de l'armée ou de l'économie voire même enseignait les préceptes de l'Islam aux hommes. Et pourtant elles étaient des femmes. Elles étaient de bons modèles de Musulmanes. Alors pourquoi priver ce droit aux femmes des temps présents les obligeant à vivre dans l'ombre des hommes ?
Foued Ben Salah, membre du bureau politique du parti, qui répondait à une question du journal -Le Temps- quant aux raisons de l'absence de la gente féminine dans le parti Jabhat Al Islah a préféré s'esquiver en évoquant la place de la femme musulmane dans notre religion. Dans un autre passage il a cité un Hadith, pourtant non confirmé, et qui stipule que la femme ne peut en aucun cas diriger les hommes. En évoquant les acquis de la femme tunisienne notre interlocuteur a fait remarquer que celles qui étaient au sommet de la vie politique y « étaient pour le décor ».
Polygamie, dites-vous ?
Que pense Monsieur Ben Salah dans ce cas des femmes de la Jabhat Islah qui étaient présentes lors de cette rencontre et qui y étaient sans voix, se contentant d'applaudir les interventions des uns et des autres sans mot dire ? Elles étaient de tout sourire, également, quand on évoquait la question du retour à la polygamie. « Est-ce que vous préférez un mari polygame ou un mari volage ? » dit-on. On citera bien évidemment le verset qui fixe le seuil maximum du nombre d'épouses à quatre et on fera taire la partie où Allah rappelle que l'homme ne pourra jamais être juste avec ses épouses sans pour autant favoriser l'une au détriment de l'autre.
Et puis une note d'humour pour finir. Les premiers rangs étaient réservés à des cheikhs dont Rached Ghannouchi, Mohamed Khalifa et Mokhtar Jébali. Mais on n'oubliera pas de citer cheikh Moncef Werghi le fameux instigateur du Zamaqtel sous nos cieux. Ainsi étant, on est bien sûr que le changement qui va s'opérer sera bien celui du terrain. Le ‘'maydane'' comme l'a si bien dit dernièrement notre chef du gouvernement nahdhaoui. Les islamistes de mon pays ont tellement de choses en commun...