Avant-hier fut le jour « j » à l'ANC pour examiner le décret présidentiel se rapportant au limogeage de Mustapha Kamel Nabli, Gouverneur de la BCT. Les députés avaient à se prononcer sur l'ordre du jour avec une affaire épineuse qui suscite encore la polémique sur la scène politique et économique. La séance tourna court et prit l'allure d'un scandale et mise en scène dramatique où nos fameux élus furent des acteurs médiocres et sans envergure par rapport au rang qui leur sied. Comble de désolation nous étions à la limite d'un spectacle de pugilat sur le « ring » de la Chambre des Députés. Le feu couvait et ne tenait qu'à une étincelle pour s'embraser entre l'opposition, le président de l'ANC et des députés d'Ennahdha. Revenons aux faits...
A l'ordre du jour, Ridha Saïdi, ministre auprès du Chef du Gouvernement Chargé des dossiers économiques, devait soumettre les arguments sur lesquels se sont appuyés les deux présidences (Chef du Gouvernement et la présidence de la République) pour mettre un terme aux fonctions de Mustapha Kamel Nabli, dernièrement élu meilleur gouverneur des banques Centrales en Afrique. Rappelons au passage que Ridha Saïdi a démenti le lundi 2 juillet courant le limogeage de Kamel Nabli. Après deux semaines, les jeux sont faits et la même personne se rétracte-Une manie de mauvais goût chez le gouvernement de la « Troïka »
Mais tout d'abord, faisons un détour rétrospectif sur la « fiesta » des députés. Certains partis de l'opposition ont soulevé les vices de forme entachant la procédure. Selon eux, il s'agit d'un non lieu pour vice de forme. Ils ont même sollicité le président de l'ANC à renvoyer ledit décret à la présidence de la République pour reformuler la demande en bonne et due forme. Notons que la demande parvenue à l'ANC pour examen (avec des mentions au stylo et sans cachet humide officielle) est selon certains députés, indigne d'un décret présidentiel. D'où l'appel au report de la séance et pour motifs : reformulation du décret, convocation du Gouverneur de la BCT et du Président de la République.
Face à ce cactus et avant de passer aux votes le président de l'ANC lève la séance pour 10 minutes afin de permettre aux partis de l'opposition de se concerter : soit ils cèdent la parole à Ridha Saïdi, soit ils reportent la séance pour répondre aux cris de l'opposition. Et en passant au vote, le parti au pouvoir a finalement tranché en soutenant la position irrévocable de Mustpaha Ben Jaâfar à faire passer coûte que coûte le décret. Intérêt politique oblige ! La partie n'en finit pas. Le président de l'ANC lève de nouveau la séance pour 10 minutes à la demande d'un bloc parlementaire. Toutefois, les efforts de l'opposition furent vains. Et le professeur Ben Jâafar tenait bon à faire régner sa discipline à lui et faire passer la parole au représentant du gouvernement. Démocratie quand tu nous tiens! 95 ont voté pour la poursuite de la séance. A la fin de cette mascarade ou de cette scène tragi-comique, nous ne pouvons que compatir au destin incertain qui guette la pauvre Tunisie et faire Adieu à la Révolution. Une Révolution mort-née et malmenée par les partis au pouvoir aux yeux de certains politiciens et concitoyens.
Revenons maintenant aux arguments tant attendu par l'opinion publique pour expliquer les raisons d'un limogeage. Ridha Saïdi, ministre auprès du Chef du Gouvernement Chargé des dossiers économiques énumérait quatre bons raisons ou quatre objurgations.
Les quatre griefs à l'encontre de Nabli
Primo les rapports conflictuels qui marquent els relations entre le gouvernement et la BCT. Une guerre froide entre l'exécutif et le président d'une institution nationale de poids. Ridha Saïdi reprochait au président de la BCT ses apparitions sur les plateaux TV pour éclairer la position de l'institution d'émission au lieu de s'adresser au gouvernement. La poursuite d'une politique monétaire inadéquate avec la politique budgétaire du gouvernement, la dépréciation du dinar face à l'euro, la baisse du taux de change, la hausse de l'inflation, la chute des réserves en devises et la dégradation de la note souveraine de la Tunisie sont tellement d'indicateurs qui selon le gouvernement condamnent la politique monétaire empruntée par la BCT. Comme si tout le malheur de l'économie nationale dépendait de la personne de Kamel Nabi et comme si la BCT, cette institution de contrôle et de régulation serait à l'origine du marasme économique qu'a connu le pays au lendemain de la Révolution.
Secundo, le gouvernement incrimine le gouverneur de la BCT de mauvaise gouvernance comme gardien du temple et le retard accusé dans le lancement des réformes structurelles de cette institution. Comme si le gouvernement provisoire avait réussi en ce qui le concerne après neuf mois de règne à activer les réformes structurelles dans les secteurs de la justice, des médias et autres.
Tertio, le gouvernement reproche à Nabli la défectusité observée dans le contrôle du système bancaire et l'abstinence injustifiée dans la mise en place d'un programme de restructuration du système bancaire et financier tunisien. Autre grief, la BCT aurait failli à son rôle de contrôle de certains transferts de fonds « illicitement » à l'étranger après la Révolution et de l'actif des banques de la place et notamment les banques accusées de complot avec la famille déchue. Le tout ficelé en forme de reproche qui cache machiavéliquement en son seing une accusation d'une grande gravité.
Enfin, le quatrième reproche du gouvernement contre Nabli réside en « l'absence de résultats » dans la restitution des avoirs des Ben Ali et des Trablesi à l'étranger et dont la commission nationale se trouve chapeautée par Nabli. Il souligne entre autres l'inefficacité des mécanismes mis en place pour accélérer la récupération des avoirs.
Tels sont les quatre griefs à l'encontre Nabli avancés officiellement par le gouvernement qui considère le principe de succession au pouvoir, la seule issue favorable à la préservation de l'intérêt suprême de l'Etat et des institutions de l'Etat.