La Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH) a dénoncé dans un communiqué rendu public hier, et prononcé par M. Messaoud Romdhani de la LTDH -lors de la manifestation de protestation organisée par les journalistes de Dar Assabah à la Kasbah pour exprimer leur refus de la nomination d'un nouveau responsable à la tête de Dar Assabah- les tentatives répétitives de limiter la liberté d'expression, de l'information et des médias ainsi que la poursuite des nominations de nouveaux responsables à la tête des établissements médiatiques de manière unilatérale et sans concertation. La ligue réitère dans le même communiqué son attachement aux garanties de la liberté d'expression, de l'information et de la presse selon les normes internationales. La LTDH s'étonne, par ailleurs, de la politique adoptée par les autorités concernant les nominations à la tête des établissements médiatiques lesquelles s'effectuent sans concertation avec les organisations professionnelles et syndicales. La Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme considère que cette démarche a pour objectif de mettre la main sur les médias et elle soutient les mouvements pacifistes des journalistes pour qu'ils réalisent leurs revendications légitimes.
Olivia Gré, Reporters Sans Frontières
«Très mauvais signe»
« C'est un très mauvais signe. Nous sommes très inquiets du fait que le gouvernement ne cache plus ses intentions et essaye de prendre le contrôle des médias publics en plaçant des directeurs qu'il nomme lui-même. Nous considérons qu'il est très important de créer un cadre juridique qui permette d'encadrer les activités d'une instance indépendante et qu'il y ait une concertation avec les acteurs du secteur tout en lançant des appels à candidature pour ces postes. Il n'est pas normal qu'il n'y ait pas d'appels à candidature qui soient des mécanismes transparents. Il faut par ailleurs, rester vigilants et attentifs. Il faut que les journalistes soient solidaires que ce soit dans le secteur public ou privé. Les journalistes du privé doivent se mobiliser pour les journalistes exerçant dans le secteur public. Ils doivent aussi faire preuve d'une capacité à se solidariser et à être garants de la liberté, car c'est important de se battre pour des causes justes. Les journalistes du public ont le devoir de se racheter. Ils ne se sont pas battus à l'époque de Ben Ali et ils sont là pour le peuple tunisien et non pas pour le gouvernement provisoire ».
Kamal Laabidi, ex-président de l ‘Instance Nationale Indépendante pour le secteur de l'Information et de la Communication
«Impossible d'accepter cette démarche»
«Kamal Laabidi dénonce les dernières décisions prises par le gouvernement provisoire dans le secteur des médias, dont le but est de mettre la main sur les établissements médiatiques. Il exprime par ailleurs, son étonnement de la méthode adoptée dans ce sens et surtout l'insistance du gouvernement provisoire à prendre ces décisions sans concertation avec les instances concernées. Kamel Laâbidi affirme qu'il est impossible d'accepter cette démarche et que le gouvernement provisoire n'a pas le droit de priver le Tunisien des compétences expérimentées capables de gérer les médias. « Il ne faut pas faire assumer aux journalistes la responsabilité de réformer le secteur alors que le gouvernement provisoire est en train de commettre des fautes graves telles que les nominations parachutées », appelle M. Laabidi.
Zied El Hani Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT)
«Le gouvernement a commis une grave erreur»
Le SNJT soutient pleinement l'action de protestation menée par les confrères et les consœurs de Dar Assbah pour défendre l'indépendance éditoriale de leurs journaux et exiger que la nomination du responsable à la tête de leur entreprise ne soit pas parachutée mais prise en concertation avec les organisations professionnelles des médias. Nous estimons que le gouvernement a commis une grave erreur en procédant à des nominations controversées non seulement à Dar Assabah mais, aussi à la tête de la télévision nationale.
Om Zied, activiste, militante des droits de l'Homme
«Ils veulent mettre la main sur les médias»
« C'est le contexte général qui m'interpelle. Ce qui se passe à Dar Assabah est un détail parmi d'autres à savoir : la volonté de mettre la main sur les médias. Ils veulent en fait, mettre la main sur les médias, l'administration et les structures municipales... à cause des prochaines élections. Tout cela est alarmant. D'ailleurs, cette démarche est une façon pour désorienter l'opinion publique, car rien ne se réalise pour préparer les élections. Ni code électoral, ni instance indépendante pour les élections. Ces décisions sont prises avant la négociation du draft de la Constitution, qui est non démocratique et risque de mener vers une dictature, car elle limite les libertés, dont la liberté d'expression. »
Sihem Ben Sedrine, activiste, militante des droits de l'Homme
«C'est une nomination politique»
« Tout d'abord je voudrais affirmer ma solidarité avec mes collègues de Dar Assabah. Je considère que leur combat est légitime. Il n'est pas question d'exiger que le gouvernement renonce à ses prérogatives de nommer un responsable, mais d'exiger un processus de nomination transparent et éviter que des symboles de la corruption soient récompensés pour leur forfait. Concernant le premier point, il aurait été plus judicieux qu'il eût un appel de candidature tout en déterminant les critères de nomination pour qu'ils soient étudiés par une commission qui se réunit afin d'examiner les CV. Là, c'est une démarche saine et transparente. Mais ce qui s'est passé, est une nomination politique. C'est une nomination discrétionnaire, sans motivation et ils ont récompensé quelqu'un qui s'est distingué par des actes réprehensibles, quelqu'un connu pour la censure. C'est scandaleux de la part d'un gouvernement issu des élections. C'est une nomination scandaleuse ».