Existe-t-il, au fond, des clivages idéologiques entre Ennahdha et Nidaa Tounes ? A bien y réfléchir et quitte à surprendre, ces clivages ne sont pas aussi marqués qu'on le pense. Ennahdha, islamiste, est naturellement à droite. Nidaa Tounes, qui intègre lui aussi, la composante religieuse est au centre et vacille même allègrement entre le centre gauche-chatouillant le nombrilisme de la gauche tunisienne- et le centre droit, histoire de se rapprocher quelque peu des islamistes modérés ou plutôt ces islamistes baladeurs qui ne se décideront pas forcément à voter Ennahdha. Il est cependant un fait indéniable : la fulgurance de Nidaa Tounes aura bousculé les échéances et procédé à une reconstitution de l'échiquier politique. La Troïka, qui espérait bien voir un jour se constituer une véritable dialectique –c'était le discours mielleux né de l'ivresse de la puissance, il y a un an, et du confort des certitudes – change aujourd'hui d'avis et accuse Nidaa Tounes de hold-up politique et de brassage large en recrutant dans les rangs des substrats de l'ancien régime et même dans la fantasmagorie bourguibiste.
De là, se profite le duel, le vrai : deux personnages, les plus vieux jeunes hommes de la politique tunisienne (Caïed Essebsi et Ghannouchi) en font une affaire personnelle même si le premier appelle à sauver la Tunisie d'une nouvelle dictature tandis que le deuxième juge qu'elle en est déjà sauvée.
Ces deux hommes, nés tous les deux dans la logique du pouvoir autocratique, ne se lâcheront pas d'un pouce jusqu'à ce que l'un deux jette l'éponge, sinon les deux en même temps ou que la chute de l'un entraîne l'autre. On regrette, cependant que l'opportunité d'un dialogue démocratique et pour le moins inédit soit déjà gâchée. Car l'UGTT a proposé un dialogue national qui enfanterait une légitimité consensuelle après le 23. Seulement voilà : Rached Ghannouchi ne se mettra pas à table avec Caïed Essebsi !