Il ne s'est pas passé un an déjà qu'Ennahdha songe à élargir ses alliances à la tête du pouvoir. Dans le prochain remaniement ministériel, il s'en serait fini de la Troïka. Non pas qu'il y ait divorce en vue d'avec le Congrès pour la République et Ettakattol, mais ces deux « partis » se verront forcés de cohabiter avec les nouveaux fiancés du Gouvernement de Hamadi Jebali. Depuis peu, on le sait, les membres de la Troïka font chambre à part. Séparation des corps, grève du lit ou désamour réciproque, chacun y va de son indiscrétion conjugale ! Les ragots sur ce ménage à trois reprennent récemment de plus belle après le vote contre le Budget de la Présidence de la République et en marge de l'affaire du « Sheratongate ». Pour sauver les meubles et le foyer, on n'a pas trouvé mieux que de faire entrer quelques prétendants parmi ceux qui frappent depuis des mois à la porte d'Ennahdha. Même si le parti de Rached Ghannouchi aurait préféré convoler avec celui d'Ahmed Néjib Chebbi pour frapper ainsi d'une pierre deux coups : récupérer un adversaire et priver le rival Nida Tounès d'un allié de taille. Mais pour l'instant, le Parti Républicain et derrière lui Al Massar font les coquette et les fières. Il n'empêche que leur union escomptée avec la formation de Béji Caied Essebsi est plus que jamais fragilisée après l'opération de charme entreprise à leur adresse par Ennahdha. L'embarras du choix On s'arrache les prétendants ces derniers jours : Bahri Jelassi prétend que son parti est courtisé par toutes les autres formations politiques. On parle même de lui confier un ministère de poids. D'aucuns par ailleurs placent déjà Mohamed Hamdi (de l'Alliance Démocratique) à la tête du Ministère de l'Education Nationale et désignent Abderraouf Ayadi (du Mouvement Wafa) comme virtuel successeur de Noureddine B'hiri, l'actuel Ministre de la Justice. L'ex-RCD renaîtrait de ses cendres, raconte-t-on, à travers Tijani Haddad, candidat sérieux au poste de Ministre du Tourisme. Le gouvernement de Jebali n'a donc que l'embarras du choix. Alors que le Président de la République appelait à une équipe gouvernementale plus réduite, voilà que Si Hamadi envisage d'incorporer de nouvelles recrues parmi ses troupes. Loi arbitraire de « Si Sayyed » ou caprice de « politgame » incorrigible, l'ambiance est déjà électrique au sein du sérail ! Il va sans dire qu'il est hors de question pour Ennahdha de s'allier à Nida Tounès son ennemi juré du moment. Peut-être à cause de l'âge trop avancé de son leader Essebsi et des mèches blanches qui couvrent le crâne de Taieb Baccouche. Après tout, le parti de Bahri Jelassi promet à ses futurs conjoints des volutes de toisons bien plus brunes et une chair bien plus fraîche. Il paraît en effet que le Gouvernement de l'ex-Troïka a besoin de s'insuffler un sang nouveau pour réchauffer ses prochaines nuits hivernales. A ce propos, il y a lieu de remarquer qu'Ennahdha choisit plutôt l'hiver pour célébrer ses hyménées successifs. Désormais, tous les ans, entre décembre et janvier, elle convolerait avec un ou plusieurs nouveaux partis. (C'est là un avantage insoupçonné de la multiplication des formations politiques en Tunisie !) Qui sait ? Quand Ennahdha aura éprouvé tous les prétendants de calibre trop modeste, il ne lui restera que Nida Tounès qu'elle sera contrainte d'accepter comme partenaire pour le meilleur et pour le pire. D'ici là, l'un et l'autre des deux partis auront rajeuni leurs effectifs réciproques, ils auront rechargé leurs batteries pour réussir la traversée du désert qui coûte actuellement beaucoup trop de temps, beaucoup trop de peurs et beaucoup trop d'argent à la communauté nationale. Epousailles sanglantes Hélas, elles nous coûtent aussi de plus en plus de vies humaines, ces « noces » démocratiques à répétition ! Dimanche dernier, on a enregistré deux nouvelles morts à résonance politico-sécuritaire. La première dans les rangs de l'Armée nationale, la seconde à Douar Hicher ; les deux drames ayant trait à un trafic d'armes entre réseaux terroristes. Lundi, on a appris le décès (suspect ?) de Tarek Mekki, fondateur du parti appelé « Deuxième République ». A première vue, ce début d'hiver s'annonce donc plus tragique que prévu. Et l'année 2012 sera finalement partie avec son lot relativement considérable de morts, de borgnes, d'handicapés et de blessés « révolutionnaires ». Le sang menace encore de couler sous nos cieux, à en croire Si Béji Caied Essebsi dont le parti se verrait obligé de constituer ses propres milices pour défendre ses meetings et ses partisans contre les menées très mal intentionnées des fameuses « Ligues pour la Protection de la Révolution ». Certes, nos traditions festives s'accompagnent souvent de saignées diverses. Mais irions-nous cette fois jusqu'à célébrer les épousailles soi-disant démocratiques dans un horrible bain de sang en calquant les exemples irakien, afghan et syrien ? Ce n'est pas le scénario que les Tunisiens authentiques souhaitent ! Nous sommes habitués aux happy ends des films et des séries égyptiennes. Et pour nos mariages démocratiques, nous tenons toujours à leur concevoir des dénouements heureux ! Quitte à nous entretuer pour ça !