« La stabilité et la sécurité, conditions sine qua non pour encourager les promoteurs locaux et motiver les investisseurs étrangers » «Le baromètre de la réussite dépend de la qualité et non de la quantité de la clientèle » Une étude approfondie, des idées pertinentes qui servent même à constituer un projet programme pour l'avenir du tourisme tunisien, telle est la synthèse relevée de l'interview ci-dessous que nous a accordée aimablement, M. Foued Bouslama, un expert en ce domaine dans lequel il continue de rouler sa bosse depuis bien un quart de siècle. Nul doute que le tourisme constitue un secteur névralgique pour l'économie tunisienne. D'ailleurs, il garde toujours ce statut depuis des décades. Toutefois, il a perdu, notamment, après la Révolution, de son aura pour des raisons élucidées ultérieurement. Comment faire pour rattraper le temps perdu et relancer notre tourisme sur des bases solides ? Ecoutons M. Bouslama. M.Foued Bouslama, peut-on se permettre d'être optimiste, après l'écoulement de l'année 2012 ? - On ne peut pas être optimiste : Une loi de finance 2013, qui porte les marques du blocage politique et qui pousse la transition à sacrifier l'avenir au présent, en l'absence d'une vraie relance de la consommation et des investissements à cour et à long terme. Compte tenu de la persistance du climat d'incertitude qui prévaut dans le pays il n'y a aucune raison de penser que la tendance va s'inverser en 2013. Quant au résultat escompté, il ne rassure guère le milieu hôtelier, car les vrais problèmes du secteur n'ont pas été résolus et la majorité des promoteurs n'arrivent pas à redémarrer, alors que les prévisions tablent sur une situation encore plus austère et alarmante. En terme de résolution, le tourisme se retrouve dans une spirale infernale malgré le grand budget alloué au marketing et commercial et l'effort fourni par le ministère de tutelle, compte tenu de la dette non résolue et l'écroulement de l'économie nationale. Si on regarde le rétroviseur, aujourd'hui, on n'est même pas capable de conserver les acquis de 2 ans. Treize années après !!! d'autant plus qu'actuellement la communauté internationale et les agences restent inquiètes. Quelles sont les raisons qui ont précipité le déclin de ce secteur ? - Les principales pertes de vitesse étaient les attentats du 11 septembre 2001 et l'attentat de la Ghriba du 11 avril 2002 ont largement terni l'image de la Tunisie. Mais les difficultés que connaît le secteur dans son ensemble laisse l'activité touristique se caractériser par une forte incertitude et une certaine volatilité. Elle dépend principalement de l'évolution des conflits et de la confiance des pays émetteurs. Paradoxalement, les destinations les plus populaires ne sont ps forcément les plus rentables. La France, par exemple, avec 75 millions de touristes par an, reçoit dix fois plus de visiteurs que l'Amérique, mais elle ne réussit que juste à enregistrer les tiers des recettes américaines !!! Que dire de la Tunisie, qui se situe dans le bassin méditerranéen (principale destination touristique mondiale) avec 40% des arrivées de touristes dans le monde et 30% des recettes du tourisme international et qui n'arrive toujours pas en 2012 à franchir le seuil de 2000 !!! Toutefois, et à mon avis, cette crise relève plus de faiblesse structurelle accumulée que d'aléas conjoncturels et ponctuels. La Tunisie s'est contentée de recevoir pendant une trentaine d'années un flux important de visiteurs principalement intéressés par les plages. Ainsi, arrive-t-elle péniblement à améliorer la qualité et exploiter d'autres aubaines telles que les circuits culturels, l'événementiel et le tourisme des congrès, le tourisme de santé, le développement de la plaisance et des croisières, le golf, la chasse, l'écotourisme... et d'autant plus que le tourisme balnéaire est de plus en plus moins adapté aux goûts actuels et aux exigences de la clientèle. De plus, la révolution a fait naître chez les Tunisiens d'immenses anticipations économiques et sociales. Ainsi, la montée vertigineuse de la grogne sociale et des grèves des travailleurs dans tout le pays illustre l'intensité des frustrations et l'ampleur des attentes. Les chiffres annoncés à ce jour s'inscrivent toujours dans une conjoncture difficile en raison de l'impact de la récession qui frappe l'Europe. Notre tourisme a besoin donc, d'un coup de fouet pour retrouver son rythme de croisière - Tant qu'on est toujours placé parmi les pays à risque, il est difficile d'atteindre les objectifs tracés. La priorité est de faire évoluer l'image et multiplier les efforts dans les domaines de l'accueil et des services de sorte à offrir des nouvelles prestations et une importante diversification permettant des recettes complémentaires. La Tunisie n'est pas seulement une destination de soleil et mer limitée aux mois d'été qui restera inévitablement l'un de nos secteurs stratégiques. Mais, certes, il faut développer les routes nautiques, le tourisme naval, le tourisme de bien-être, le tourisme des circuits et des randonnées, le tourisme des congrès et incentives, le tourisme de courts séjours... Nos objectifs stratégiques doivent propulser la Tunisie dans les marchés établis tels que la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Autriche, les Etats-Unis... consolider notre attractivité dans les marchés matures, tels que la Russie, s'investir plus dans les marchés émergents tels que la Chine, l'Inde, l'Amérique du Sud... De plus, dans cette démarche de promotion on doit encourager le soutien de tous les Tunisiens à l'étranger, le tourisme local, et mieux servir la clientèle des pays amis tels que l'Algérie et la Libye qui demeure une force à ne pas ignorer. Quelle stratégie préconisez-vous pour que le tourisme réponde à l'attente ? - Aujourd'hui, il y a lieu de s'informer sur les nouvelles stratégies de promotion du tourisme et des moyens pour optimiser les participants aux manifestations professionnelles en Tunisie et à l'étranger. L'objectif recherché est d'amener les professionnels à renforcer leurs capacités en s'appropriant les nouvelles techniques modernes de gestion et d'animation pour présenter l'offre touristique sous sa forme la plus attractive et pérenniser un évènementiel touristique avec un produit d'appel de dimension internationale qui drainera de plus en plus de clients. Par ailleurs, il faut éviter, les conséquences d'une politique de tourisme de masse associée à une baisse des prix fort constatée qui a faite naître une politique de bradage. Pou remédier à ce déficit d'image il y a lieu d'entreprendre les dispositions qui s'imposent en vue de la restructuration de cette industrie dans son global et ce en dépit de toutes les réserves. Cette tendance doit être encouragée par une meilleure répartition du budget alloué au marketing en fonction du besoin de chaque pays (initiative déjà prise par le ministère). Il est bien entendu que les représentants à l'étranger resteront toujours un facteur déterminant en fonction des marchés déjà existants et une ouverture pour les nouveaux marchés porteurs. Il s'agit en fait de faire face aux chocs exogènes et de s'aligner en rangs serrés en impliquant la profession dans toutes les initiatives car pour rester dans le budget, les hôtels n'ont d'autres choix que d'user de méthodes peu avouables : cocktails trop sucrés, bière à volonté mais tiède, du vin médiocre, des buffets copieux mais pas vraiment bons... Ainsi, la logique du prix pour l'all inclusive exerce des conséquences néfastes sur le niveau de la qualité des prestations, en général : restauration passable, des lieux laissant à désirer, chambres vieillissantes, personnel surchargé, les hôtels qui étaient réputés excellents il y a quelques années, sont aujourd'hui, dénoncés par des prestations qui ne sont pas conformes à leur classification. Il convient, donc, d'être vigilant d'autant plus si vous êtes exigeants. On dit que l'insécurité a été néfaste sur la rentabilité du secteur ! - Certes, il faut définir un facteur de stabilité et de solidité sans oublier la mise en place d'un groupement d'intérêt nécessaire quand des entreprises se sentent affaiblies et confrontées à des multiples difficultés. Les professionnels sont invités à débattre de nombreuses thématiques en lieu avec la crise au profit d'un meilleur revenu et développer l'attraction de la destination par la qualité des services fournis. Si la crise, aujourd'hui, représente un danger, elle offre aussi une opportunité pour améliorer son image, travailler son produit et mieux se positionner. Une crise bien gérée peut être bénéfique en terme de communication et peut accroître la visibilité et renforcer la crédibilité du produit afin de redoubler les efforts et contrer la mauvaise conjoncture car la gestion des crises devient un savoir-faire stratégique pour ne point tuer les futurs projets et accentuer ainsi un panorama déjà morose. Les hôteliers et les agents de voyage doivent mener ensemble une réflexion plus approfondie pour offrir au secteur de nouvelles perspectives de développement qui auront pour objectif, des plans de relance en marketing et des stratégies qui permettent de rebondir et de retrouver la croissance. Le secteur était depuis longtemps en besoin de crever l'abcès et c'est l'occasion ou jamais, pour repartir sur de bonnes bases. L'heure, en fait, étant au diagnostic bien avant la révolution et l'expérience acquise avec les situations d'urgence a prouvé qu'à chaque difficulté le secteur a démontré une certaine capacité de redressement. La scène commerciale continue toujours à alterner le chaud brûlant et le froid glacial en déphasage avec les saisons en plus d'une alternance du mois saint au milieu. D'où le triste déboire que nous sommes en train de payer si cher en dépit des déchirements sombrant dans une autodestruction sans issue sous la pression des tour-opérateurs lesquels seuls en tirent profit. Mais il est clair que pour arriver à atteindre ces objectifs, il faut au préalable dépasser les contraintes, affronter la diversité, et affirmer sa personnalité afin de retrouver le soleil : Soleil dont on ne sait plus s'il nous vient de l'Est ou de l'Ouest. Propos recueillis par