Recette aux épices tunisiennes : « Je remanie, donc je suis » A l'instar de la méditation cartésienne la plus célèbre « cogito, ergo sum », nos politiques la considère comme palliatif magique à tous les maux ! Vocable à connotation politique, du verbe transitif remanier, doté d'une large plage d'homonyme allant de la simple retouche au lifting le plus profond, à sémantique sujette de remodelage et de manipulation. Contrairement aux pré-requis magistraux, le cosmos politique transitionnel ne s'arrête pas de nous faire surprendre. On assiste à un dénouement d'un processus de remaniement dérogeant aux règles coutumières et universelles des remaniements en termes d'initiateurs, d'objectifs, de durée et de procédés ... Les ouvrages les plus spécialisées en la matière édictent sans équivoque que l'unique initiateur de tout remaniement ministériel n'est autre que le chef du gouvernement, ayant pour objectif d'ingurgiter un tonus à l'action gouvernementale selon des procédés de concertation et de désignation bien délimités dans le temps. Sous nos cieux les choses se passent différemment, un remaniement est une sorte de cérémonie de baptême aux rites spécifiques à la recherche des sujets les plus purifiés, siégeant en session atemporelle... bref une nouvelle typologie de remaniement !! On est en présence de deux schémas-directeurs de remaniement diamétralement opposés, l'un repose sur des mécanismes conventionnels universels de remaniement, l'autre agit sur un socle de parenté idéologique ou mercantile. Le premier piétine au profit du second qui s'incruste au fil des jours soit par voie chirurgicale ou par acuponcture douce selon les circonstances... En effet, on assiste à un remaniement qui cache un autre plus intense, plus profond en termes d'impact se traduisant par la prolifération d'une nouvelle souche de remaniement affectant profondément notre âme, notre existence toute entière, à savoir : - Les phénix des ténèbres et du crime organisé renaissent de leur cendre pour perpétuer des actes les plus ignobles en éliminant l'un des phares de la liberté, le martyr Chokri Belaid, une nouvelle page meurtrière s'affiche... - Avec une histoire de trois mille ans dont quatorze siècles de culture arabo-musulmane de rite malékite modéré et clairvoyante !! Chaque matin, les Tunisiens se trouvent contraints de se planter en face de leur miroir pour poser la question philosophique la plus épineuse : qui suis-je ? Aujourd'hui ce sont des actes de profanation et de destruction des mausolées, demain les ruines de Carthage et la statuette d'Ibn Khaldoun..., - Tous les indicateurs économiques sont en berne, la courbe d'investissement en chute libre, une inflation atteinte par le syndrome de la vache folle, un chômage au grand galop, et un endettement en sur-endettement, bref une situation économique en état d'échec et mat, - Un traumatisme psychologique profond affecte la plupart des Tunisiens de différentes tranches d'âges et couches sociales, une demande croissante aux soins en psychothérapie individuelle et de groupe, un besoin de se comprendre et de mettre à plat tous nos mal-êtres, des états de névrose et d'anxiété prennent de l'ampleur, une perte de repères, des phobies névrotiques liées à des situations traumatisantes vécues (propagation de la violence et apparition en surface du crime organisé ), des suicides ( consommés ou pas) perpétrés sous les formes les plus extrêmes : l'immolation ! Même notre perception de « L'autre » -notre complice éternel- s'est transformée miraculeusement en ange ou en démon selon des classifications absurdes et stéréotypées incompatibles aux valeurs de notre société, notoire depuis des millénaires par son savoir-faire et son génie à concilier le Moi et l'Autre au sein d'une vision assurant l'harmonie dans la différence... En dépit de toutes les souffrances et les séquelles, ce pays est capable de relever tous les challenges avec beaucoup de grandeur par voie d'auto-conciliation avec sa mémoire collective fluide et ruisselante assurant un retour serein et irréversible aux véritables sources... Le 6- février- 2013 ouvre la voie et balise le chemin, Le 8-février-2013 les tunisiens décrètent leur résistance à toute forme de violence.
Par : Mahjoub Lotfi Belhedi Directeur d'une structure