C'est le journaliste Tarak Mustapha qui, lors de son émission "Ghinwitin we Bess" (deux et seulement deux chansons) sur la radio El Aghani , qui annonça l'information de la mort de Chahrazade qui survint au cours de la première semaine du mois d'avril 2013. Chafika Mohamed Essayed alias Chahrazade ,l'une des plus grandes chanteuses égyptiennes de la seconde moitié du 20ème siècle, est née le 2 mai 1922 à El Hilmyia dans une famille férue des chansons de Salah Abdelhay, Sayed Dérouiche, Oum Kalthoum et bien évidemment Mohamed Abdelwahab. Elle épousa le violoncelliste de la troupe d'Oum Kalthoum Mahmoud Ramzi qui lui apprit à jouer au luth. C'est l'homme de théâtre Zaki Toulaymet , qui fit un long passage en Tunisie à la tête de la TVT dans les années cinquante, qui la lança dans le bain , étant convaincu de ses potentialités vocales et de son talent. Sa première œuvre, pour la radio cairote, lui fut composée par R. Sombati en 1952. Puis , elle enchaina avec un bon nombre de mélodies qui connurent un grand succès. Nous citons notamment "Ya Nassini" , "Kaddabine" et "Sâa Wahda"(Sombati),"Fi Dhil El Ward"(Abdelwahab) "Ahibbi Ismak"et "Iddini Min Ouatak Sâa"(Mahmoud Escherif) et "Assal We Sokkar"(Baligh Hamdi). Elle chanta également pour M. El Mougui , F. Latrache, A. Sedki, M. Mourad et S. Mekkaoui. Juste avant le coup d'Etat militaire et la chute du roi Farouk en juillet 1952 , elle accepta de chanter pour les militaires, chose qui aurait été refusée par Oum Kalthoum. C'est ainsi qu'elle fut surnommée "la chanteuse de la révolution" ce que mentionna Anouar Essadate dans son livre "Safahat Majhoula"(Pages inconnues). Par ailleurs, au cinéma, Chahrazade campa quelques rôles dans des films qui n'avaient pas fait long feu. Nous tenons à mentionner dans cet article, la relation qu'avait cette grande artiste avec la ville de Sousse et plus particulièrement avec la famille de l'hôtelier et mélomane Habib Bannour (le père spirituel de Lotfi Bouchnak et Amina Fakhet). Après 1953, (elle chanta alors aux théâtres municipaux de Tunis et de Sousse ) et 1955, Chahrazade se produisit pour la troisième fois en Tunisie en août 1956, invitée par la Tunisie Indépendante . Et cette fois-ci encore, elle chanta à Sousse sur invitation de Habib Bannour. Le gala eut lieu à l'ancien emplacement de la salle du marché central de la Perle du Sahel (où siège actuellement le Magasin Général). La cantatrice était accompagnée du monologuiste Mahmoud Choukoukou et du chanteur à la voix d'or Mohamed Kandil . Ce soir -là, et contre toute attente, arriva le combattant suprême Habib Bourguiba et proposa à Chahrazade de rechanter son chef d'œuvre "Ahibbi Ismak" ce qu'elle fit avec un énorme plaisir. Elle se produisit encore une fois en Tunisie en septembre 1968. Par la suite, nous avions toujours eu de ses nouvelles, grâce notamment aux revues artistiques, "El Kawakeb" en particulier. Tenant à lui rendre un vibrant hommage, Hiba Yosri, sa petite-fille, qui éprouvait un amour sans limites à l'égard de sa grand-mère, a produit, en 2011, un documentaire de 82 minutes intitulé "Setto Zada, Awel Echq" (grand-mère Zada, mon premier amour), où elle a retracé les différentes péripéties de la vie et la carrière de la regrettée Chahrazade. Nous savons parfaitement que Chahrazade s'était éloignée du monde de la musique depuis un long bail déjà. Mais nous continuons à écouter ses œuvres régulièrement grâce surtout à certaines émissions radiophoniques qui continuent à consacrer quelques plages à la chanson arabe authentique . Nous nous rappellerons toujours les efforts consentis par le regretté Abdelaziz Fathallah pour permettre aux auditeurs de radio Monastir de rêver deux heures durant chaque samedi soir grâce à son émission "Kazaen Al Alhane"(armoires des compositions musicales). D'ailleurs, Si Abdelaziz avait rendu visite à Chahrazade chez elle au Caire et il avait alors gratifié l'audience du contenu nostalgique de l'enregistrement effectué. Heureusement pour les mélomanes, il y aura toujours des occasions pour satisfaire, avec beaucoup de bonheur, leur goût tout en faisant face au matraquage quotidien d'une musique "légère" , vide et surtout éphémère comme l'odeur d'un parfum de mauvaise imitation.