Chahutée par le peuple, oubliée par l'Etat qui fait la sourde oreille, la police tunisienne est, aujourd'hui, au cœur d'une lutte jamais vécue de par le passé. Tentant de se refaire une virginité, le corps policier sollicite une réforme radicale qui tarde à venir et à se faire. Les menaces terroristes qui envahissent et s'enlisent petit à petit ne font qu'envenimer la situation et la posture des forces de la sécurité intérieure. Dans ce contexte fulminant, les syndicats nationaux des forces de sécurité intérieure sont sortis manifester devant le siège de l'ACN au Bardo. Une manifestation fortement soutenue par les citoyens et la société civile. Un message citoyen explicite et un geste emblématique qui annonce le prélude d'une certaine solidarité entre les citoyens et les forces de l'ordre. Appelés par certains présents «le camp opposé» à cause de leur historique terne du temps de Ben Ali, un historique sanguinaire et répressif et une image qui leur colle à la peau, les forces de l'ordre sont aujourd'hui soutenues par leurs semblables Sous un soleil de plomb, ils étaient par centaines à se rejoindre à l'appel lancé par les syndicats des forces de sécurité intérieure. Citoyens, représentants de la société civile et élus de l'Opposition étaient là pour soutenir les revendications des syndicats. En outre, la présence féminine, tout âge confondu, a beaucoup marqué les lieux. Certaines d'entre-elles, en un excès de zèle, ont crié et hautement contesté la situation des forces de l'ordre, celle de la sécurité du pays et du terrorisme qui tente d'envahir nos terres. Hissant haut le drapeau tunisien et le portrait du Feu Chokri Belaid, les manifestants ont brandi des banderoles illustrant leurs revendications. Une police impartiale et républicaine Toute personne, et pour mener à bien sa mission, ne peut travailler que dans un cadre qui lui fournit dignité, équité et sécurité. Voilà ce qui dominait des réclamations affichées hier devant l'ANC. Travaillant dans un domaine à haut risque et où ils sont exposés à tout moment aux danger, les forces de l'ordre exige d'être protégés par la loi qui régularise et réglemente leur situation. Elles ont, également, appelé à la constitutionnalisation d'une loi fondamentale régissant leur métier et au droit à une prime de risque. Les syndicats nationaux des forces de sécurité intérieure se sont plaints, notamment, des conditions de travail très précaires : aucune protection sociale, absence de l'équipement adéquat en mission, danger perpétuel et salaire très faible par rapport à leur fonction. Ce qui envenime la situation, selon eux, c'est la nonchalance des instances dirigeantes et du laxisme de ceux qui sont au pouvoir face aux appels des forces de l'ordre. Le feuilleton en cours du Mont Chaâmbi est le meilleur exemple qui soit pour dévoiler les manquements dont se plaignent les membres de forces de sécurité. Il s'avère que la sûreté nationale et l'Armée sont médiocrement équipées et travaillent dans la précarité la plus choquante qui soit en l'absence totale de la sécurité ou de renfort. C'est sûrement ce qui explique cette fougue et cet élan de solidarité des Tunisiens avec la cause des forces de la sécurité intérieure. D'où le nombre assez important des manifestants venus les soutenir d'hier. Police républicaine, une chimère ? Si les syndicats de sécurité nationale intérieure ne cessent de clamer la formation d'une police républicaine qui soit neutre, impartiale, ne dépendant d'aucun système politique en place et qui soit réellement au service de la partie et du citoyen, ces derniers ont pointé du doigt, hier, les instances de l'Etat qui entravent ces démarches. Parce que selon certains membres, qui étaient sur place, hier, «l'instauration d'une police républicaine ne travaillerait pas l'agenda politique de ceux qui sont en place. L'on veut une sécurité nationale à l'ancienne, celle qui sert un système politique donné et pas la patrie !», se sont indignés certains manifestants faisant partie des forces de l'ordre. Cette police politique et politisée, étaient bien existante du temps du régime dictatorial. Il est temps aujourd'hui, selon les syndicats qu'elle cesse d'exister pour qu'il y ait un réel pacte de conciliation entre forces de l'ordre et citoyens pour que puisse réellement exister une sécurité nationale solide. Rappelons, par ailleurs, qu'une police républicaine impartiale fait partie intégrante d'un processus démocratique sans faille. Cette même police, ne saura respecter et faire respecter la loi dans un régime des lois qu'une fois affranchie et loin des tiraillements politiques. Après l'assassinat sauvage du commissaire Mohamed Sbouï par des pseudo-salafistes et l'hécatombe du Mont Chaâmbi, les Tunisiens et la société civile sont encore plus touchés et convaincus par la cause des membres des forces de sécurité nationale.