Après Carlos Saura, Youssef Chahine, Giuseppe Tornatore, Abderrahmane Sissako et Andreï Tarkovsky, le Ciné Club de Tunis organise du 11 mai au 15 juin à la maison de la culture Ibn Khaldoun un cycle de films «Un ticket pour… Mahmoud Ben Mahmoud» avec la projection de 6 de ses courts et longs-métrages qui ont marqué son parcours artistique et cinématographique. Mahmoud Ben Mahmoud est issu de l'INSAS, une école belge de cinéma. Il se consacre ensuite à des études d'histoire de l'art et d'archéologie ainsi qu'à des études de journalisme à l'ULB, l'Université Libre de Bruxelles. Il réalise son premier long métrage « Traversées » en 1982 après avoir participé à l'écriture de deux films : « Le Fils d'Amr est mort » (Jean-Jacques Andrien) et « Kfar Kassem » (Borhane Alaouie). Son deuxième film « Chichkhan, Poussière de diamant » est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 1991. Par la suite, il alterne écriture de scénario et réalisation de films documentaires «Italiani dell' altra riva» (1992), «Anastasia de Bizerte» (1996), «Albert Samama-Chikli» (1996), «Ennejma Ezzahra» (1998), «Les mille et une voix» (2001), «Fadhel Jaibi, un Théâtre en liberté» (2003) et «Les Beys de Tunis, une monarchie dans la tourmente coloniale» (2006), puis signe son troisième long-métrage en 1999 « Les siestes grenadines ». Son 4ème long métrage, «Le professeur» lui vaut le Prix du Meilleur Scénario aux JCC 2012. Son cinéma se veut une dénonciation de la corruption, le racisme, la mainmise sur les médias et la détresse de la jeunesse. Parler de ces problèmes pour Mahmoud Ben Mahmoud, ce n'est pas se couper de la réalité mais au contraire s'y plonger corps et âme. Au sujet de son premier film, « Traversées » (1982) projeté le 11 mai, « il est né d'une expérience des frontières que j'ai vécue dans ma chair. A l'époque, quand on arrivait en Europe, il n'y avait pas encore l'espace Shengen et les frontières étaient bien là. L'idée du film a vu le jour dans le train qui me ramenait à Bruxelles : un Arabe et un Slave enfermés sur un bateau, que peut bien signifier leur rencontre ? Et c'est là qu'intervient la dimension mentale des frontières, autrement dit celles qu'on a dans sa tête » explique Mahmoud Ben Mahmoud. « Traversées » pose la question de la territorialité, celle dans laquelle le Slave était enfermé de par son héritage idéologique mais duquel l'Arabe (qui se présente comme un voyageur et non un immigré) s'est libéré pour accéder à une pensée poétique. Dix ans après « Traversées », « Chichkhan, Poussière de diamants » qui sera projeté le 1er juin, est l'évocation de la coexistence entre l'identité arabo-musulmane et les traces italiennes dans la société tunisienne. La tournure nationaliste prise par le pays au lendemain de l'indépendance n'a malheureusement plus laissé de place pour l'Autre qui ne sera plus alors incarné que par le touriste, et plus jamais par ce voisin de quartier, qui parle la même langue que vous mais avec son accent, qui a sa façon de se vêtir, de prier, de manger. « Les Siestes grenadines » est un terrible constat d'une société qui ne cesse de cacher son vrai visage. Ben Mahmoud ne pouvait le dresser qu'en se centrant sur un personnage partagé : une fille de mère française, de père tunisien, parlant arabe mais venant de Dakar et passionnée de danse africaine. Elle a la vitalité et la naïveté nécessaire pour faire bouger les convenances et révéler les hypocrisies, à commencer par les préjugés racistes et les corruptions manipulatrices. Découvrant les rites du stambali de la communauté noire de Tunis (qui sont ici bien vivants et non folklorisés), elle perçoit que cet ailleurs qu'elle recherche dans son être partagé est déjà présent et que malgré son unité de façade, cette société est elle aussi plurielle. C'est là tout l'intérêt de ce film. Hayet Gharbi Le programme • Samedi 1 Juin 2013 : Projection et débat du long métrage: «Chichkhan, Poussière de diamants». • Samedi 8 Juin 2013 : Projection et débat du long métrage: «Les siestes Grenadines». • Samedi 15 Juin 2013 : Projection et débat de deux documentaires : «Albert Samama Chikli» et «Anastasia de Bizerte».