De notre envoyé spécial : Ikbal Zalila HirokazuKore-Eda a ensoleillé la Croisette avec son dernier film « Tel père, tel fils ». Le soleil en cinq jours de pluie ininterrompue c'est inouï tellement ça semble improbable cette année. Quand par bonheur deux heures durant un cinéaste arrive à vous toucher sans sollicitation aucune ni insulte à votre intelligence en interpellant l'humanité qui est en vous c'est qu'un petit miracle s'est produit. « Tel père, tel fils » est l'histoire d'une erreur dans une maternité qui va bouleverser la vie d'une famille et perturber quelque peu celle d'une autre sans conséquences majeures. Ryota, architecte brillant et obsédé par la réussite sociale élève son enfant Keita à la dure aidé en cela par une épouse aimante douce et dévouée qui a sacrifié sa carrière pour l'éducation de son fils. L'ordre règne dans ce foyer aux intérieurs chics et aseptisés, le petit Keita doux et obéissant se plie en quatre pour exaucer tous les désirs de son père absent mais très exigeant s'agissant de la réussite de son fils : Cours de piano, cours particuliers pour réussir l'examen d'entrée dans une école prestigieuse. La vie suit son cours jusqu'au jour où le couple est convoqué par la clinique de province où Keita a vu le jour. Keita s'avère ne pas être le fils biologique de ses parents suite à un échange malencontreux qui a eu lieu le jour de sa naissance avec un autre bébé. Les vrais parents de Keita sont un couple de condition plutôt modeste dont le fils aîné s'avère être le véritable fils des parents de Keita. Commence alors un long cheminement qui amènera les deux couples à accepter l'idée que c'est la paternité biologique qui prime et que chaque fils doit être rendu à la mère qui lui a donné naissance. Une histoire maintes fois traitée au cinéma, mais rarement avec autant de douceur et de grâce. Kore-Eda a cette faculté très rare de traiter de grandes questions de société en trouvant l'exacte distance par rapport à des sujets que le surcroit d'empathie condamne à se transformer en pensums didactiques et la distance en constat froid et désincarné. « Tel père, tel Fils » est dans la lignée des grands films d'Ozu dans sa pudeur et sa dimension à la fois très locale et universelle. La mise en scène dans sa sobriété nous rappelle que Kore-Eda est avant tout un documentariste qui est passé à la fiction. La gravité des enjeux est désamorcée par l'humour avec notamment le personnage du père du second couple Lily Franky (le vrai père de Keita) déjanté, peut être un petit peu bloqué dans l'enfance, bon à rien mais excellent dans son rôle de père tendre, affectueux et amusant . Le destin de deux enfants est en jeu et si le point de vue défendu par le film est celui de la primauté de la paternité culturelle par rapport à celle biologique, le scénario est suffisamment équilibré pour laisser se déployer librement les deux alternatives avant que l'on en arrive au dénouement final au cours duquel chaque enfant finira par rester chez la famille qui l'a élevé. Ce parcours n'aura pas été inutile puisqu'à sa faveur, le personnage principal, Ryota père de Keita, lui-même élevé par la seconde épouse de son père, se sera transformé. Le film peut être lu aussi comme un récit d'apprentissage au cours duquel un homme conforté dans ses certitudes et grisé par son ascension fulgurante dans l'échelle sociale renoue avec son humanité et son histoire personnelle refoulée.