Dans la journée d'hier, vendredi 19 juillet 2013, a eu lieu le lancement officiel du vote des neuf prochains membres de la future Instance Supérieure Indépendante des Elections. Ils étaient 36 candidates et candidats présélectionnés par le Comité chargé du tri qui les ont retenus sur les 480 qui ont postulé pour être membre de la future ISIE. Chacun d'eux avait 5 minutes d'intervention durant laquelle, le candidat et la candidate se sont présentés, ont récapitulé en quelques lignes leur cursus académique et leur carrière professionnelle. L'hémicycle était le théâtre d'un incessant aller-retour des élus. On a beau être face aux éventuels futurs membres d'une haute instance au rôle décisif dans la transition démocratique, et qui s'adressaient et au peuple et aux élus, plus d'une vingtaine de députés se plaisaient à faire la navette entre l'intérieur de la plénière et le hall de l'ANC. Les plus sages restaient tout de même à l'intérieur mais ne se dérangeaient pas pour papoter avec le voisin d'à côté. Certains parlaient au téléphone. D'autres surfaient sur le net, d'autres encore, somnolaient se tenant la tête entre les mains. Les plus érudits feuilletaient des journaux ou revérifiaient pour la énième fois la liste des candidats. Le tableau n'est pas si lugubre que cela. Une bonne partie des élus présents prenaient le temps d'écouter patiemment les allocutions des candidats, prenaient note et dressaient attentivement les oreilles pour mieux comprendre le discours de ces derniers dans un brouhaha parfois tellement dérangeant que le président de l'Assemblée, Mustapha Ben Jaâfer a dû à maintes reprises clamer le respect et le silence des plus bavards. Pendant que les candidats défilaient un à un, les hommes et les femmes à tour de rôle (oui, parce que le principe de la parité était respectée hier) l'ambiance à l'extérieur était tout à fait autre. Les deux halls du rez-de-chaussée et du premier étage de l'ANC étaient jonchés d'élus. Pourtant, la séance n'était pas levée et se poursuivait calmement. D'abord, l'on s'étonna de ce bon nombre de députés qui étaient affaissés nonchalamment sur les canapés et les fauteuils si douillets dans les espaces qui leur étaient réservés et même en dehors de ces derniers comme s'ils n'avaient pas à assister aux allocutions des candidats d'une instance tant réclamée et clamée par eux. L'on se demandait, comment peut-on voter, par la suite, pour ou contre un candidat alors que l'on n'a même pas pris le temps de l'écouter ou de connaître son profil ! Parce que pendant ce temps-là, messieurs les élus étaient plutôt obnubilés par la fraicheur ensorcelante qu'il faisait à l'extérieur de l'hémicycle. Pis encore, on se la coulait douce. Ça rigolait, ça criait, ça plaisantait sur un tas de choses. Oui ! Les temps n'étaient pas aux choses sérieuses, qu'importe, on ira voter plus tard celui qu'on avait en tête et «basta». Les temps étaient plutôt aux anecdotes et la somnolence. Place maintenant aux plus impliqués • Jmal Neji (élu à l'ANC sur la circonscription de France Sud et membre de la Commission du tri) Le Temps : Comment est l'ambiance interne ? «La commission a fait le travail de dépouillement et l'ouverture des dossiers pour choisir les 36 membres, 4 de chaque catégorie, deux femmes et deux hommes. Nous avons, malheureusement mis 6 mois pour faire ce travail. En fin de compte, nous nous sommes mis d'accord, la semaine dernière sur la liste des 36. Aujourd'hui, selon la loi relative à l'ISIE, il s'agit d'écouter les candidats un à un pendant 5 minutes. Une fois ceci fait, il y a le vote. Pour ce dernier, comme c'est mentionné, il faudra les deux tiers de vote par les élus pour les candidats retenus. Chose qui implique obligatoirement un consensus entre les membres de l'Assemblée. Une fois ces 9 membres choisis par catégorie, on passe au vote du président de l'ISIE. Ce dernier doit être choisi par la majorité absolue par les élus. Si les choses se compliquent, nous sommes obligés de faire plus d'un tour pour d'abord choisir les 9 candidats élus. Quant à la liste finale de ces derniers, cela dépendra de la décision du président de l'ANC, si elle sera divulguée instantanément au public ou pas. Par contre, je pense qu'au plus tard, aujourd'hui samedi ou lundi, le peuple saura qui sont les membres et le nouveau président de la nouvelle ISIE pour qu'ils puissent déjà commencer à travailler à partir de la semaine prochaine.» Quels étaient les critères de sélection de ces 36 candidats sur les 480 ? Comme le postule la loi, on a axé notre travail sur une grille d'évaluation : âge (pas moins de 35 ans), diplôme, expérience professionnelle, participation dans le domaine électoral. Nous nous sommes aussi enquis de vérifier quant à leur appartenance à un parti politique, impartialité, de compétence, de non appartenance à un quelconque syndicat. Y-a-t-il eu quelque tension au cours du tri ? La Commission se compose de 22 personnes provenant de 12 partis politiques et malgré cela, on est arrivé à élire les 36 candidats et futurs membres de l'ISIE avec la majorité de trois quart, de 7 sur12.
• Khemaïs Ksila (élu et membre de Nidaa Tounes) «Il s'agissait d'une séance d'écoute des présentations des 36 candidats de l'ISIE. Ils ont eu l'opportunité de prendre la parole pendant 5 minutes chacun. Le plus important, c'est le passage au vote pour en sélectionner 9 tout en respectant les différentes spécialités. On va faire en sorte d'avoir une ISIE réellement indépendante, professionnelle et efficace. Nous attendons ce moment avec impatience pour passer à l'étape cruciale et essentielle qu'attendent le citoyen et tous les observateurs qu'est la date définitive des prochaines élections. Le Temps : Etes-vous pour l'instant optimiste quant à la composition de la future ISIE ? On a réussi jusqu'à présent à formuler un consensus sur un bon nombre des 9 mais on n'est pas arrivé à trancher pour un consensus qui garantit les deux tiers pour la liste complète des 9. Les négociations entre les groupes parlementaires ont connu des hauts et des bas. Le groupe Ennahdha a tenu à élire dès le premier tour les 9 candidats par les deux tiers et plus. On est resté en très grandes négociations sur trois ou quatre d'entre eux. Notre vœu est que cette instance soit totalement impartiale et indépendante des tiraillements politiques.
• Amel Azzouz (Bloc parlementaire Ennahdha) «C'est une mission assez délicate qu'est la sélection des membres de l'ISIE dans le sens où il faudrait que l'on garantisse au maximum l'indépendance de cette instance pour le bien de tout le monde, indépendamment de l'appartenance politique. Il s'agit d'une instance décisive qui écrira le présent et préparera le futur de la Tunisie et celui de notre progéniture. Les membres de cette commission et les partis qui les représentent connaissent parfaitement l'ampleur et l'impact de leur rôle ainsi que leur responsabilité quant à l'avenir du pays et du processus démocratique. Il y a eu quelques tensions quand il s'agissait du profil des candidats quant à leur neutralité politique ou leurs prises positions contre telle ou telle idéologie. Ces tensions ont duré pour un petit moment et si les membres de cette commission ne se sont pas entendu sur un bon nombre de consensus, il y aurait eu un réel blocage qui aurait entravé l'avancée des travaux et le vote de la nouvelle composante de l'ISIE. Ce blocage a poussé les membres de la Commission à renégocier à plusieurs reprises. Il leur est même arrivé de travailler le soir pour s'entendre et avoir des décisions consensuelles dans le but de débloquer la situation et avancer.
• A l'heure où nous mettions sous presse les résultats du vote n'étaient pas encore connus