Vendredi dernier, la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (H.A.I.C.A) a rappelé à l'ordre la Nationale 1 et Nessma TV à propos de leurs deux caméras cachées « Arrahina » (L'Otage) et « Braquage ». La nouvelle instance fraîchement installée recommande de programmer les deux émissions à une heure beaucoup plus tardive qu'immédiatement après la rupture du jeûne. D'autre part, elle souhaite que les directions des deux chaînes mentionnent lors de la diffusion de ce type de divertissement son interdiction aux moins de 12 ans. Justification de tout cela : « Arrahina » et « Braquage » donnent lieu à des scènes qui portent atteinte à la dignité humaine et au droit de l'enfant à la protection contre toute forme de violence morale. Le martyre des enfants sur Ettounssiya C'est beau, c'est correct, c'est nickel ! Même si la HAICA aurait pu adresser la même remontrance à Ettounsiyya également, non pas pour son « Ezzelzel » (comme le souhaitent certains médias jaloux de la télévision de Sami Fehri et remontés exclusivement contre elle), mais pour le sitcom Happyness. Non seulement, cette série recourt à l'humour trop facile des blagues les plus communes, mais on y banalise effrontément et de manière irréaliste le martyre des enfants. En effet, le fils de Hassouna (enseignant qui plus est) est tout le temps menacé de fessée, sinon reçoit bien des coups de l'un de ses parents ou des deux à la fois. Comme dans l'épisode de vendredi soir qui s'achevait sur l'image soi-disant drôle de l'enfant complètement groggy après la correction de maman (infirmière !) et qui doit se préparer à subir ensuite la volée de papa. Sans parler bien sûr de la violence verbale, morale et physique que lui assène l'institutrice des cours particuliers à domicile. Toutes ces situations insoutenables sont vécues dans la bonne humeur tant par les adultes de la famille que par l'enfant lui-même lequel semble même prendre un plaisir masochiste à essuyer et les baffes et les remarques les plus abaissantes. C'est d'autant plus surprenant et paradoxal que l'univers de Happyness se veut ouvert et railleur des préjugés traditionnels sur la vie de couple et la pyramide familiale. De plus, la plupart des familles petites bourgeoises de Tunisie, qui semblent inspirer le sitcom ne se reconnaîtraient pas dans le foyer de si Hassouna chez qui prévaut en même temps la permissivité la plus inconcevable et les réflexes répressifs les plus anachroniques. Pour ne pas trop pérorer sur ce programme qui ne le vaut pas, disons que le salafisme wahabite ne peut pas être mieux servi que par de telles émissions prétendument moderniste et foncièrement intégriste. Du pain sur la planche pour la HAICA Revenons donc aux dernières remontrances de la HAICA dirigées équitablement contre une chaîne publique et une autre privée. En fait, la nouvelle instance de l'audiovisuel tunisien a du pain sur la planche. Dans le contenu de nos médias, il y a suffisamment d'aberrations susceptibles de la retenir dans son travail d'investigation et de contrôle plus de 24 heures par jour et plus de 12 mois par an. Dans le seul dossier de l'exploitation et de l'instrumentalisation de l'enfance par les publicitaires, elle a de quoi dresser des milliers de procès chaque année. Mais cette HAICA à laquelle nous commençons par accorder notre préjugé favorable est-elle dotée du pouvoir coercitif conséquent contre les innombrables abus commis quotidiennement par divers professionnels du métier? Saura-t-elle rester à l'écart et au-dessus de toutes les formes d'influence ? Son « indépendance » sera-t-elle préservée en toute circonstance ? Si c'est le cas, qu'elle commence par un « gros morceau » comme l'affaire Sami Fehri ! C'est facile de nous répondre par une réplique du genre : « la HAICA n'est pas là pour faire de la politique » ! Et si le politique ne faisait qu'intervenir dans le monde de l'audiovisuel. Les membres de la HAICA ne sont pas sans savoir le poids que représentent les médias (tous supports confondus) pour les dirigeants et les partis politiques dans l'endoctrinement et l'embrigadement des masses (jeunes ou adultes). Ni police, ni syndicat, ni ONG servile Donc cette première mesure reste courageuse, mais pour une instance « révolutionnaire », c'est comme le gladiateur romain, musclé, fougueux et téméraire qui affronte une souris. Nous attendons de la HAICA qu'elle impose son autorité partout où elle sévit, sans « tri sélectif », sans exceptions marchandées. Dans certains journaux, sur les ondes de certaines radios et les écrans de certaines télévisions, tous plus ou moins proches d'Ennahdha et de la Troïka, les atteintes à la dignité humaine et à la déontologie de la profession sont monnaie courante. La HAICA ne l'ignore pas ; éprouvons-la dans l'affrontement avec ces médias du pouvoir mobilisés quasi exclusivement et continûment pour la propagande et la contre propagande. Cependant et du moment que cette haute autorité est créée pour le long terme, il lui faut dès à présent engager des chercheurs de tous bords, des experts confirmés dans le domaine des études et des enquêtes sur tous les sujets susceptibles de concerner le secteur de l'information audiovisuelle. La HAICA n'est pas seulement une « police » de ce secteur professionnel. Autrement, il faudrait créer aussi une « police de la police » et l'on n'en sortirait jamais. Ce n'est pas un syndicat. La HAICA est d'abord au service du « consommateur » de la communication audiovisuelle : elle œuvre prioritairement pour la qualité du produit qu'on lui sert. Pourvu qu'elle ne finisse pas un jour par connaître le sort de l'Organisation de Défense du Consommateur sous Ben Ali, c'est-à-dire une gentille ONG impuissante et servile pour qui l'intérêt du consommateur tunisien vient toujours après ceux de la mafia dirigeante.