Fini les récompenses de TikTok en Europe, et un départ probable de ByteDance des USA    Réunion de concertation Tunisie-Algérie-Libye : «Le Sommet de Tunis est inédit»    La Mauritanie joue dans la cour de l'Egypte et du Maroc : les Européens signent 3 accords qui pèsent lourd    France-Attal sait où trouver l'argent : TotalEnergies affiche un bénéfice net de 5,7 milliards de dollars en 6 mois    Explosion du tourisme de croisière en Tunisie    Ministère des Technologies de la Communication : Ouverture d'un appel à candidatures aux start-up labellisées    ActionAid : G-a-z-a devient "un cimetière" pour les femmes et les filles    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    Match Mamelodi Sundowns vs EST : où regarder la demi-finale de ligue des champions du 26 avril?    Fléau de la violence: Une enseignante agressée par un parent d'élève à Béja! [Vidéo]    Les prix des moutons de sacrifice pourraient augmenter cette année pour ces raisons [Déclaration]    Ministère de l'éducation : Un programme de lutte contre les fraudes dans les examens nationaux    Sfax – Crise migratoire à El Amra et Jebeniana : La Tunisie, entre transit et migration, plaidera toujours pour une approche multidimensionnelle    Béja : Les récentes précipitations favorables à près de 30% des superficies céréalières    Interruption temporaire du site de l'ATTT pendant deux heures    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    Une feuille de route nationale pour l'industrie du textile    Institut de Presse et des Sciences de l'Information : Un nouveau centre de recherche sur les médias, la communication et la transition    Composition probable de l'EST face à Mamelodi Sundowns    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Miguel Cardoso : Détermination absolue avant la bataille contre Mamelodi Sundowns    Daily brief national du 26 avril 2024: Saïed s'entretient au téléphone avec Emmanuel Macron    Les préparateurs en pharmacie porteront le brassard rouge à partir du 3 juin    Ligue des champions – Demi-finale retour – Ce soir (19h00) – Mamelodi Sundowns-EST : Faire attention à tous les détails...    Les chinois chargés de remettre à niveau le Stade d'El Menzah : Dans le vif du sujet    Expatriés : Derby County sur Driss Mizouni    Le statut de l'artiste exige une classification fiscale    En bref    Exposition pluriculturelle «Regarde !», du 27 avril au 19 mai, à l'espace d'art Sadika à Gammarth : Autres perspectives de l'Art    Entretien Saïed-Macron : La version de l'Elysée    Kais Saied réaffirme l'indépendance financière de la Tunisie lors de sa rencontre avec le gouverneur de la BCT    AMEN BANK : Tenue de l'AGO – Exercice 2023 Renforcement général et excellent rendement    Tunisair affiche un chiffre d'affaires en hausse et une amélioration de la ponctualité    Nabil Ammar participe à la 11e session du Comité mixte tuniso-camerounais à Yaoundé    Météo : Températures maximales comprises entre 19 et 25 °C    Violence – France : Le ministre de l'interieur Gérald soutient le couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans    ByteDance refuse de céder aux USA et vendre TikTok malgré les pressions    Kaïs Saïed, Emmanuel Macron, affaire de complot… Les 5 infos de la journée    Hamma Hammami : Kaïs Saïed opère de la même façon que Zine El Abidine Ben Ali    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    L'Espérance de Tunis vs Al Ahly d'Egypte en demi-finale de la Coupe d'Afrique des clubs Oran 2024    Le Chef de la diplomatie reçoit l'écrivain et professeur italo-Tunisien "Alfonso CAMPISI"    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    L'homme qui aimait la guerre    Soutien à Gaza - Le ministère des Affaires religieuse change le nom de 24 mosquées    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Nimrod relit l'amour en blanc et noir
Littérature :
Publié dans Le Temps le 28 - 07 - 2013

Un Balcon sur l'Algérois est le quatrième roman de Nimrod. A travers ce récit autofictionnel, le romancier tchadien donne à lire les heurs et malheurs de ses premières années d'exil à Paris. Une éducation sentimentale à l'ombre du Mouvement de libération des femmes et de la Sorbonne.
Avec trois romans et un recueil de récits poétiques, une dizaine de volumes de poésies, des essais, dont deux consacrés à son mentor et modèle Léopold Sédar Senghor et, last but not least, des livres pour la jeunesse, l'écrivain tchadien Nimrod, 54 ans, est sans doute l'un des auteurs africains les plus féconds de sa génération. L'un des plus talentueux aussi, comme en témoigne sa fiction singulière, campée au carrefour d'un lyrisme stylisé, l'autobiographique et le romanesque puisés autant dans l'imaginaire africain que dans une connaissance approfondie des classiques des lettres mondiales.
Nimrod a quitté le Tchad à cause de la guerre civile de 1979. Il est arrivé en France au début des années 90, après un crochet par Abidjan. Ses romans racontent la douleur de l'exil, la douceur et le drame du retour au pays natal. Ils sont empreints du paysage fondateur de la savane tchadienne, sa robe fauve et ses acacias parasols qui peuplent à tout jamais l'imaginaire du romancier. Parlant de sa venue à la littérature, le Tchadien a écrit : « On commence à écrire des poèmes à seize ans et demi. A quarante ans, on prend conscience du tribut qu'on doit payer à la nostalgie et à ses variantes que sont l'amour, la beauté, la mère. On écrit des romans, des essais, on dirige des revues littéraires (Aleph, Beth, puis Agotem). On ne sera jamais guéri d'avoir survécu à tant de beauté, à tant de misère. » La littérature est une ascèse, une ascèse dans la nostalgie !
Un regard cynique et acéré
Toutefois, le nouveau récit que vient de publier Nimrod ne s'inscrit pas tout à fait dans cette esthétique de la nostalgie. Un balcon sur l'Algérois marque le début peut-être d'un nouveau cycle dans la prose romanesque de l'écrivain, où l'ironique l'emporte sur le regret, le sens du ridicule et de l'autodérision sur celui de la perte. Les ingrédients de sa fiction n'ont pas pour autant changé : le vécu, les mythologies du vivant, les sentiments qui nous relient aux autres… Mais le regard, oui. Un regard acéré et cynique caractérise ces pages consacrées aux années et amours parisiennes de l'auteur. Comme à son accoutumée, celui-ci se cache sous le voile transparent de l'autofiction, mais bâtie cette fois moins comme un masque que comme le prisme de lecture d'une société cruelle et superficielle. Un stratagème qui n'est pas sans rappeler celui de Molière dans Le Misanthrope.
Un Balcon sur l'Algérois raconte les heurs et malheurs de Loulou, jeune étudiant tchadien venu faire des études supérieures à Paris. Il tombe éperdument amoureux de Jeanne-Sophie, sa directrice de thèse et spécialiste de Stendhal. Pour les beaux yeux de cette Sorbonnarde, fille de militaire et suffragette, Loulou a sacrifié son premier amour – la littérature africaine sur laquelle il voulait initialement travailler – et a oublié commodément sa femme et sa fille, restées au pays.
« Les yeux de Jeanne-Sophie étaient immenses de beauté et de chagrin. Ils étaient vert-jaune. Je me suis accroché à leur lumière comme si je voulais préserver une douleur surprise tantôt. » Ainsi s'ouvre le premier chapitre du roman, un chapitre tout entier dédié à la beauté à la fois charnelle et éthérée de cette maîtresse exigeante qui trouble tant le narrateur. Ses yeux, mais aussi son visage (« il ruinait toute dévotion ») et ses seins (« ils représentaient à mes yeux les mangues de Pâques de mon enfance »). Les deux ne tarderont pas à devenir amants.
Femmes de pouvoir et de parole
Or, Jeanne-Sophie n'est pas seulement une présence charnelle, elle est aussi une force intellectuelle. Elle milite au MLF, mais aussi pour l'aide à l'Afrique. Avec ses deux copines, dont l'une a fait un enfant avec un éboueur malien au grand désespoir de sa famille de banquiers de père en fils, elles constituent une caste à part, au sein de la bourgeoisie dominatrice parisienne. Femme de pouvoir et de parole, Jeanne-Sophie est aussi une prédatrice qui « séduisait les mâles par un jeu auquel ils ne comprenaient rien ». Chemin faisant, elle se révélera être la catastrophe de son jeune Loulou. Celui-ci n'avait rien vu venir, mais lorsqu'il voudra s'arracher à l'influence de son amante trop étouffante, la vengeance de la Belle sera terrible. Elle va s'en prendre à ce qu'il a de plus précieux, à sa bibliothèque, vidant celle-ci de ses milliers de volumes qui constituent l'âme nourricière de l'étudiant.
Il y a quelque chose du tragique stendhalien dans cette fin, tout comme dans la configuration psychosociale que met en scène Nimrod dans ce roman de romantisme tardif, qui fait écho à l'univers du roman Le Rouge et le Noir. Madame de Rênal et Julien Sorel ne sont pas ici seulement matière pour le cours magistral de Jeanne-Sophie, mais le drame du couple stendhalien devient dans les mains d'un romancier talentueux un prisme pour la relecture de la thématique complexe de l'amour en blanc et noir qui hante nos imaginaires modernes, depuis au moins Shakespeare. (MFI)

Un Balcon sur l'Algérois, par Nimrod. Ed. Actes Sud, 185 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.