Dans son discours du 27 août le premier ministre Ali Laârayedh a soutenu que l'organisation « Ansar Achariâ » est une organisation terroriste. La plupart des citoyens ne sont pas sans connaître l'action qu'a commencé à mener cette organisation. Elle s'est manifestée en effet peu après la Révolution, et a été reconnue notamment par le drapeau noir, des premiers temps de l'Islam, arboré dans toutes les manifestations. Passe encore si c'était l'unique caractéristique qui a distingué cette organisation. Les menaces de violence et de tueries, proférés par la plupart de ses membres dénotent cependant de la tendance terroriste de cette organisation agissant au nom de la religion, Achariâ étant les préceptes de l'Islam. Très vite les membres de cette organisation sont intervenus partout et à toutes les occasions, en s'immisçant dans tous les domaines et en s'érigeant en tant que prédicateurs ou justiciers, selon les occasions qui se présentent et les circonstances du moment. Son action se développa peu à peu, passant du simple appel à l'observation stricte des préceptes de l'Islam, à des actes de violences à l'égard de ceux qui étaient à leurs yeux des mécréants. A titre indicatif et non limitatif, rappelons les multiples actes de violences qu'ils ont perpétrés à l'université de la Manouba, pour remplacer le drapeau tunisien par le drapeau noir et imposer le port du niqab. Après l'interdiction de leur congrès à Kairouan,qui était fixé au mois de mai dernier, il y a eu des affrontements sanglants avec les forces de l'ordre, un peu partout dans certaines cités de Tunis, dont notamment Douar Hicher, et la cité Ettadhamen. Dans la soirée même où ces affrontements ont eu lieu, la police procéda à l'arrestation d'un certain Seïfallah Ben Hassine , alias Abou Yadh porte-parole de ladite organisation. Relâché il finira par fuir le territoire suite à l'attaque de l'ambassade des Etats- Unis et se trouve actuellement sous d'autres cieux. Comment a-t-il pu tromper la vigilance de la police ? Celle-ci a-t-elle plutôt laissé la place à une certaine complaisance ? that is the question ! Ce fut en tous les cas depuis sa fuite que cette organisation est passée à la vitesse supérieure, pour arriver aux crimes politiques, avec l'assassinat de Chokri Belaïd, puis Mohamed Brahmi, et aux tueries au mont Chaâmbi. Le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou relayant le chef du gouvernement, dans une conférence de presse du mercredi 28 août dernier, a donné de plus amples précision concernant ladite organisation et son Emir, Abou yadh. Celui-ci, affirma-t-il, a été formé par des extrémistes formés en Arabie par des Wahabites, et a participé à l'assassinat du commandant Messaoud en 2001. Il a eu des liens avec Ben Laden qu'il rencontra près de Kandahar. En 2002, il est listé par le conseil de sécurité de l'ONU, comme lié à Al Qaïda. Le ministre a précisé en outre que cette organisation disposant d'un arsenal d'armes sophistiquées, projetait un coup d'Etat. Certes ces affirmations, qui ne constituent pas une révélation importante, le personnage d'Abou Yadh étant connu de tous, n'ont pas manqué quand même d'étonner. Non pas quant aux détails révélés par le ministre de l'Intérieur et le chef du gouvernement, mais quant à l'attitude de ces derniers devant le déroulement des faits et un certain laisser faire qui, pour le moins qu'on puisse dire, inquiète. Négligence ou méfiance ? Il est indubitablement établi que les troubles perpétrés dans le pays et les actes de violences ont été déclenchés par les fameuses ligues de protection qui n'ont pas été pour autant entièrement dissoutes. C'est ce qui a aidé à la montée de la violence, pour arriver aux tueries et aux crimes politiques. Or, plusieurs membres des ligues de protection de la révolution sont de connivence avec ceux d'Ansar Achariâa. Cela est du, entre autres au fait que le juridique est conditionné quelque part par le politique. Le procureur a en effet l'opportunité des poursuites, à chaque fois qu'il estime que l'ordre public ou la sécurité du pays sont menacés. Il relève de sa compétence d'agir dans ce sens afin d'empêcher toute action émanant de n'importe quelle organisation ou association en vue de préserver l'ordre public. Ce qui n'a a jamais été le cas, malgré la recrudescence des troubles perpétrés par ladite organisation. Pour sa part le gouvernement, n'a grosso modo rien fait, à part le gel d'une des ligues, pour la période d'un mois, sur décision du secrétaire général du gouvernement. Aujourd'hui, le chef du gouvernement vient nous déclarer qu'Ansar Achariâ est une organisation terroriste. L'ignorait-il alors qu'il était ministre de l'Intérieur ? A cette époque, Abou yadh qui participa de surcroît aux opérations de Soliman, sous Ben Ali, et fut condamné à une peine de prison puis a bénéficié d'une grâce présidentielle, se trouvait encore en Tunisie. Il a été pourtant laissé libre. Ce qui a facilité sa fuite hors du territoire. C'était nous disait-on pour éviter des émeutes qui auraient pu avoir de lourdes conséquences. Taire la vérité, profite à qui ? La plupart des membres de la composante civile estiment que l'attitude du chef du gouvernement consistant entre autres à taire la vérité, a été la cause de la recrudescence de la violence qui s'est soldée par les crimes politiques et les évènements du mont Chaâmbi. Etait-ce par méfiance ou par égard au chef d'Ennahdha ? Celui-ci avait fait preuve de laxisme envers ces terroristes, en déclarant qu'il faut les prendre par la douceur et le dialogue, « parce qu'ils sont nos enfants »
Par ailleurs c'est cette attitude laxiste du gouvernement, qui a empêché la justice en la personne du procureur, garant de l'ordre public, d'agir opportunément. Certes un mandat d'amener national et international a été lancé contre Abou Yadh, tardivement cependant, et après qu'il eût franchi frontière pour aller quelque part ailleurs. Concernant ceux qui ont été impliqués dans les assassinats politiques, ils n'ont été révélés que dernièrement. C'est pour ne pas perturber le cours normal de l'enquête et ne pas affecter le secret de l'instruction, soutiennent certains responsables. C'est sur cette base que le président de l'observatoire tunisien pour l'indépendance de la Justice Ahmed Rahmouni, considère que la dernière déclaration du chef du gouvernement constitue une atteinte à l'indépendance de la Justice. Autant de raisons pour considérer, selon la plupart des observateurs, que la dernière déclaration du chef du gouvernement est sans conteste un constat d'échec.