Il y a un an, presque jour pour jour, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) lançait un appel à la grève générale. C'était un 17 octobre 2012, à l'époque du gouvernement démissionnaire de Hamadi Jebali, que les professionnels des médias toutes spécialités confondues, se sont donné rendez-vous au siège du Syndicat. Ils étaient nombreux en compagnie des activistes de la société civile et des élus du peuple pour dire stop aux pratiques de l'ancien gouvernement provisoire lequel n'a pas lésiné sur les moyens pour mettre la main sur le secteur, museler la liberté de la presse et limiter par conséquent, la liberté d'expression. Les exemples étaient multiples et variés. Nominations à la tête des établissements des médias sur la base du favoritisme, agression et dénigrement des journalistes, refus et tergiversation dans l'application et la mise en vigueur des décrets loi 115 et 116, menaces de mort contre les professionnels, censure, interrogatoire des journalistes, pression financière et professionnelle sur les acteurs dans le domaine…la liste est variée et longue. Presqu'un an s'est écoulé et rien n'a changé dans le secteur. Pression Pis encore, le paysage médiatique vit le même sort pour ne pas dire qu'il est menacé davantage. L'actuel gouvernement provisoire dirigé par Ali Laarayedh a fait monter d'un cran la pression contre les professionnels. Son objectif est certes, de mettre la main sur le secteur qui se veut libre et indépendant. Pour ce faire, le gouvernement Laarayedh a carrément eu recours à l'emprisonnement illégal des journalistes et des acteurs dans le domaine, tel le cas de Zied El Hani, journaliste à Assahafa et Mourad Meherzi, cameraman de la chaîne en ligne Astrolab TV qui ont croupi dans la prison de Mornaguia abusivement. Pour dire non à ces pratiques, les journalistes ont décidé au bout d'un an d'observer leur deuxième grève générale. La décision a été prise le vendredi 13 septembre par les structures syndicales et associatives activistes dans le domaine car nul ne peut nier que la situation va de mal en pis. La décision a été prise pour faire passer un message fort au gouvernement provisoire, pour dire que les journalistes tunisiens sont libres et libérés de toutes les formes d'auto-censure, qu'ils osent aujourd'hui hausser la voix contre les idées rétrogrades, obscurantistes et totalitaires et qu'ils ne garderont pas le silence face à la censure. D'ailleurs, si les journalistes ont répondu hier, massivement à la grève c'est pour prouver qu'ils sont prêts à défendre par tous les moyens la liberté de la presse et d'expression, de défendre leur statut en tant que professionnels indépendants, capables de dénoncer les dépassements commis par le gouvernement provisoire, lequel doit d'ailleurs réviser sa politique et sa stratégie en la matière. Il serait temps pour qu'il croie vraiment en la liberté de la presse et d'expression car, comme le disait Noam Chomsky, « si l'on ne croit pas à la liberté d'expression pour les gens qu'on méprise, on n'y croit pas du tout ». Le gouvernement provisoire discrédité est appelé, aujourd'hui et plus que jamais, à renoncer aux pratiques despotiques, dictatoriales et autocratiques contre les journalistes car ils sont déterminés à avoir une nouvelle Tunisie démocratique, une République qui a deux noms, qui s'appelle liberté et qui s'appelle chose publique. Le gouvernement doit comprendre que la liberté qu'il se permet pour tyranniser les journalistes et leur faire peur en les emprisonnant, les agressant et les dénigrant est contraire au principe de la liberté. Il doit aussi saisir que les journalistes tunisiens ne renonceront jamais à cet acquis de la Révolution, et qu'ils ne mendient pas leur liberté ; ils la prennent et la préservent coûte que coûte.